A Turin, en Italie, vendredi, les locaux du quotidien la Stampa, l’un des plus vieux et des plus importants du pays, ont été mis à sac par des activistes pro-palestiniens.
En marge d’une manif, une cinquantaine de militants pro palestiniens cagoulés ont pénétré de force dans la rédaction qu'ils ont saccagée. Les murs ont été tagués de messages «Free Palestine» ou «Les journaux complices d’Israël». On a entendu des cris glaçants : “journaliste terroriste, tu es le premier sur la liste”.
L’affaire fait scandale en Italie
La classe politique s’indigne unanimement. C’est un «acte très grave qui mérite la plus ferme condamnation», selon Giorgia Meloni.
Dans ce concert d’indignation, une voix discordante.
Celle de Francesca Albanese, italienne rapporteur spéciale des Nations Unies sur les territoires palestiniens, qui, depuis le 7 octobre, multiplie les sorties douteuses et les dérapages, expliquant que les pogroms devaient « être replacés dans leur contexte».
Après une condamnation de pure forme, elle a expliqué que le saccage devait servir “d’avertissement” à la presse italienne pour «qu’elle reprenne son travail, qu’elle remette les faits au centre de ses préoccupations et qu’elle fournisse un minimum d’analyse et de contextualisation».
Une justification.
Pire : une carte blanche. Pour Francesca Albanese, il est légitime que des nervis fanatisés s’en prennent à journal dont le sérieux est reconnu en Europe. On peut utiliser la menace, les représailles pour imposer aux journalistes une lecture de l’actualité. En parlant d’”avertissement”, elle suggère que la presse est responsable de la violence qui peut la frapper si elle ne plie pas. Dicter l'analyse à coup de nerfs de boeuf et de terreur ça s’appelle le fascisme.
Cette volonté d’imposer à la presse une “ vérité” peut prendre d’autres formes.
Oui, plus douces, plus insidieuses, mais qui doivent alerter. Ainsi, Emmanuel Macron veut-il relancer une de ses obsessions : la labellisation des médias pour trier la bonne de la mauvaise information. Mais qui décide de ce qui est une bonne information? Une bonne analyse de faits? Des ONG ? Des organisations professionnelles ? D’autres médias ? Et qui décidera que les juges de l’info correcte sont eux mêmes impartiaux ? Le pouvoir en place qui n’aurait évidemment aucun intérêt dans l’affaire ? C’est vertigineux. Comme s’il n’y avait qu’une seule analyse qui s’imposait à tous les médias face aux mêmes faits. Rien de mieux pour tuer la liberté de la presse que de lui imposer une vitrification officielle
Selon vous, l’affaire italienne démontre par l’absurde que c’est dangereux.
Une fois qu’on aura admis le concept de vérité certifiée, il y aura toujours des Francesca Albanese, persuadées de détenir la vérité, qui estimeront que le coup de poing est un label, un label légitime pour faire taire les "mauvais" journalistes.
Oui, la désinformation est un problème et les RS n’arrangent rien. Mais il existe chez nous un droit de la presse. Il punit lourdement la diffusion de fausses informations. Chacun peut s’en saisir. Il existe aussi un autre garde-fou, le bien le plus précieux de la presse. Ses lecteurs, libres de déterminer ce qui est, ou pas, un bon ou un mauvais média, dans la diversité qui leur est offerte. Oui, on doit les inciter à affuter leur esprit critique. Mais la tentation des gardiens de la vérité de décider à leur place, que ce soit sous forme de milice cagoulée ou de grand jury de la pureté, doit faire horreur à la Démocratie.
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