Nos vergers sont en train de disparaitre. C’est votre alerte du jour, Emmanuelle. Vous avez enquêté, dans les colonnes de l’Opinion
Savez vous quel est le principal critère de choix pour les consommateurs français aux rayons fruits et légumes ? L’origine : les deux tiers des Français disent que c’est ce qui est le plus important pour eux. Ils veulent des fruits français, et aussi des fruits de saison. Il faut qu’ils se réveillent. Et qu’ils demandent des comptes aux pouvoirs publics. Les fruits français sont menacés. Le verger français des principales productions, pommes, poires, pêches, abricots et cerises a fondu de 35% depuis 2000. C’est ce que disent des chiffres publiés au cœur de l’été par l’institut de la statistique agricole. On a perdu, en 25 ans, la moitié des productions de pêches, Plus de 40% des abricotiers et des cerisiers, un quart des pommiers. C’est une saignée.
Comment est-ce que cela se fait ?
C’est là le résultat de 25 ans de décisions unilatérales de la France sur les phytosanitaires, sur les usages de l’eau, les règles environnementales poussées à l’extrême. C'est aussi le résultat d’un coût du travail prohibitif. Un désossage de notre capacité de production. Les producteurs de fruits, qui ne sont pas non plus soutenus par la grande distribution, jettent l’éponge. Ils arrachent les arbres. La France a voulu être plus vertueuse que le reste du monde, la seule chose qu’elle a réussi à faire, c’est à se détruire elle-même. A détruire ses paysages de vergers, ses productions traditionnelles, sa prospérité économique.
Parce que dans le même temps, elle importe…
Oui : nous importons 70% des fruits que nous consommons. Chiffre élevé, qui le sera toujours, parce qu’il inclut des fruits très consommés : banane, orange, clémentines, que nous produisons peu. Mais si on ne parle que des fruits dits « tempérés », ceux qu’on peut théoriquement produire chez nous, c’est consternant. Nous importons 15% des pommes que nous mangeons. La France était le 1er exportateur mondial il y a 20 ans… Elle n’est plus que le 9e. Et nous en importons.
Nous importons 25% des abricots, 30% des cerises et du raisin de table, 45% des pêches, 60% des poires. Ce n’est pas normal, ces fruits peuvent être locaux. Cette plaisanterie nous coûte 1,1 milliard par an en déficit commercial. La France, ce verger béni des Dieux, est devenue dépendante. Au nom de l’écologie ? Bravo : ces fruits voyagent à coups d’émissions carbones. Quand ils proviennent de pays hors d’Europe, ils sont produits dans des conditions environnementales infiniment pire que ce qu’on peut faire ici. Cela n’a ni queue ni tête.
Il y avait un plan pour tenter de reconquérir cette souveraineté alimentaire en fruits et légumes.
Oui : lancé en 2023, avec notamment la recherche d’alternatives aux phytosanitaires. Ca ne marche pas tellement. D’autant que le volet de soutien au renouvellement des vergers, qui vieillissent, qui ne sont plus adaptés aux changements climatiques, a été considérablement raboté au gré des aléas budgétaires. On ne replante pas, on continue d’arracher. On devait regagner cinq points de souveraineté en fruits et légumes en 2030, 10 points en 2035, pour l’instant, on a récolté des queues de cerise.
Hébergé par Audiomeans. Visitez audiomeans.fr/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.