Les stratégies utilisées par les enfants pour faire des additions sont diversifiées. Une des plus simples consiste à " compter sur ses doigts ". Si cette stratégie peut sembler trop simple et à proscrire, elle présente en fait des avantages. En effet, cette méthode permet à l'enfant de créer, sans trop d'erreurs, un lien fort entre l'addition à faire (par exemple, " 3 + 4 ") et sa somme (en l'occurrence, sept) (Siegler, 2010). Vers 6 ou 7 ans, l'apprentissage des tables d'addition à l'école permet aussi de récupérer directement dans la mémoire à long terme des opérations déjà effectuées (Gimbert, 2016). Le modèle de Fuson (rapporté par Ste-Marie, 2015 et Deshaies, 2020) décrit comment les enfants comprennent la chaine numérique ou suite de nombres et l'impact de cette compréhension sur les opérations mathématiques qu'ils peuvent effectuer. Ce modèle comprend cinq étapes. Pour plus de détails sur le modèle de Fuson et sur le développement des mathématiques, consultez le texte théorique Développement des mathématiques. Dans la deuxième étape du modèle de Fuson, entre 4 et 6 ans, les enfants comprennent que les suites de nombres sont constituées de nombres différents, chacun représenté par un mot différent. Cependant les enfants comptent toujours à partir du début de la séquence, soit le un. On parle alors de liste ou chaine non sécable (Deshaies, 2020; Ste-Marie, 2015). À ce stade, les enfants peuvent dénombrer les éléments dans un ensemble en faisant correspondre à chaque élément un des nombres de la suite. Ils peuvent aussi trouver la somme de deux ensembles en regroupant leurs éléments respectifs pour former un nouvel ensemble et en dénombrant ensuite les éléments de cet ensemble total. Par exemple, le problème peut consister à réunir un ensemble de quatre pommes et un ensemble de trois pommes pour former un ensemble total de sept pommes. Les enfants font ensuite correspondre chaque élément de cet ensemble à un chiffre de la suite, en partant de " un ". Le dernier élément compté correspond au nombre sept, ce qui équivaut au nombre d'éléments de l'ensemble (Ste-Marie, 2015). La capacité à faire des soustractions se développe en partie comme celle à faire des additions. Les enfants commencent par utiliser des supports externes (doigts, jetons), puis intériorisent les procédures (Fayol, 2018). Cependant, les résultats des soustractions sont plus rarement mémorisés que ceux des additions, même chez les adultes. Par conséquent, les enfants sont plus susceptibles de répondre en utilisant une procédure (externe ou mentale) que " par coeur " (Fayol, 2018; Gimbert, 2016). Lorsqu'ils peuvent utiliser un support externe, les enfants arrivent à résoudre un problème comme " 5 - 3 " en retranchant des éléments d'un ensemble (enlever trois jetons d'un ensemble) (Fayol, 2018; Gimbert, 2016). Dès l'âge de 4 ou 5 ans, les enfants arrivent à répondre en utilisant ces procédures (Gimbert, 2016). En l'absence d'objets, les enfants recourent au comptage sur les doigts ou au comptage verbal pour répondre à une question comme " Combien font 9 - 3? ". Ils peuvent " surcompter ", c'est-à-dire partir du plus petit nombre et aller jusqu'au nombre le plus grand (donc, énumérer " 4, 5, 6, 7, 8, 9 " et conclure qu'il y a une différence de six) ou compter à rebours (donc, " 8, 7, 6 ") (Gimbert, 2016). C'est à partir de l'âge de 9 ans que les enfants utilisent la méthode la plus économique (la deuxième méthode donnée en exemple) (Fayol, 2018). Dans cette vidéo, Jérémy, 6 ans, utilise ses doigts pour faire des additions et des soustractions. Il n'y a qu'une seule addition dont il connait le résultat par coeur (soit " 4 + 4 "). Dans la majorité des autres additions, il déplie ses doigts pour représenter chacun des nombres à additionner. Par exemple, il déplie trois doigts d'une main et deux doigts de l'autre pour trouver la somme de " 3 + 2 ". Par la suite, Jérémy compte le nombre total de doigts dépliés comme si cela constituait un grand ensemble (dans l'exemple précédent, il dénombre alors cinq doigts). Ceci correspond donc à la deuxième étape du modèle de Fuson. Pour les soustractions, Jérémy n'utilise pas encore le surcomptage ou le comptage à rebours : il utilise ses doigts comme s'il s'agissait d'objets et retranche le nombre d'éléments nécessaire. Par exemple, pour trouver " 6 - 4 ", il déplie six doigts, puis en replie quatre et constate que la réponse est deux, puisqu'il reste deux doigts dépliés. Il arrive assez remarquablement à utiliser correctement cette méthode pour des soustractions qui impliquent plus de 10 doigts (en particulier, pour trouver " 14 - 7 "), ce qui nécessite de retenir certaines informations en mémoire de travail, sans support concret. Références Deshaies, I. (2020). L'apprentissage des mathématiques au préscolaire. Dans I. Deshaies et J-M Miron (dir.), Tisserands d'enfance - Le développement de l'enfant de 4 et 5 ans. Montréal, Québec : Les éditions JFD. Fayol, M. (2018). L'acquisition du nombre. (3e éd.). Paris, France : Presses universitaires de France, collection " Que sais-je ". Gimbert, F. (2016). L'appréhension des quantités par la vision ou le toucher : son développement et son rôle dans les apprentissages numériques chez l'enfant. (Thèse de doctorat, Université Grenoble Alpes, Grenoble, France). Repéré à https://www.unige.ch/fapse/sensori-moteur/files/8714/8659/5658/TheseFG.pdf Siegler, R. S. (2010). Enfant et raisonnement - Le développement cognitif de l'enfant (2e éd.). Bruxelles, Belgique : De Boeck Supérieur. Ste-Marie, A. (2015). L'importance des stratégies de calcul pour résoudre des tâches portant sur les égalités lacunaires et les suites à compléter au 1er cycle du primaire. Vivre le primaire, 28(2), 42-43.