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Bookmakers #15 - L’écrivain du mois : Bayon
Né Bruno Taravant en Côte d'Ivoire en 1951, Bayon signe de 1978 à 2015 dans le journal "Libération" des milliers d’articles très écrits sur ses idoles, The Cure, Joy Division, Suicide, Bashung ou Christophe... Chef anticonformiste et généreux des pages musiques du quotidien, alors en plein âge d’or, l’homme sans prénom offre à Libé son record absolu des ventes en 1991 (800 000 ex.) grâce à une interview "post-mortem" de Serge Gainsbourg, qui deviendra le livre "Gainsbourg raconte sa mort" (Grasset, 2001).
Adoré ou détesté, ce moine-soldat de la critique, dont la minutie confine à l’entomologie, est aussi l’auteur méconnu d’une œuvre autobiographique intense, sans succès durable et pourtant inoubliable. À lire, outre les ouvrages mentionnés dans ces trois épisodes ("Mezzanine", "Les Animals"), le sidérant "Haut fonctionnaire" (Grasset, 1993), un « mémoire hanté » sur son père diplomate.
En partenariat avec Babelio.
(2/3) État critique
Dans « Roulette russe » (Fayard, 2016), journal intime de ses mornes envies lors de ses débuts à Libération, Bayon se regarde dans le miroir : « B. a trente ans. Lunettes. Cheveux abîmés. Oreilles aiguisées. Bouche assez présentable. Charnue, vive, dessinée. Mais dents calamiteuses. 60 kilos, problèmes familiaux graves, jadis ou en cours. Sociaux également, donc. Résultat mi-straight mi-cool. Moitié marrant, moitié curé (…) C’est un faux adulte, ou un enfant vieilli. Gaspille ses journées morfondu, mouronnant ou râlant, n’aime rien, ne voit rien, n’attend rien. Sans famille, sans attache, sans foi, sans ami, sans espoir, sans avenir (…) Employé sans ambition, lit, dîne toujours dehors, note sans queue ni tête et sans y croire. Même yeux ouverts, larmes aux yeux. Dort. »
Le reste du temps, ce graphomane pathologique griffonne, romance et tape (dur) à la machine. Après moult provocations, le « jeune homme perdu » s’impose et propulse dans les colonnes de Libé ses idoles et ses marottes : Bashung, Murat, Manset, Cure, Joy Division, Suicide, Presley ou l’écrivain américain Hubert Selby Jr., qu’il part interviewer chez lui à Los Angeles pendant quinze jours. « Bookmakers » avant l’heure, leur conversation sur l’écriture et « l’extase du désastre » est intégralement publiée dans le journal puis dans un livre, « Selby de Brooklyn » (1985).
Un jour, Bayon confia que son pire ennemi sur le plan littéraire, c’est, bien sûr, sa propre complaisance envers sa « manie du jongle et des roucoulades stylistiques », tout comme « la virtuosité instrumentale est l’ennemie de la musicalité, qui se passe fort bien de brio ». A-t-il réussi, au fil des années et des romans « somnambuliques », à faire sien ce conseil de Verlaine : « Prends l’éloquence et tords-lui son cou ! » ? C’est le sujet de ce deuxième épisode, qui ne manque pas d’air.
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Bookmakers #15 - L’écrivain du mois : Bayon
Né Bruno Taravant en Côte d'Ivoire en 1951, Bayon signe de 1978 à 2015 dans le journal "Libération" des milliers d’articles très écrits sur ses idoles, The Cure, Joy Division, Suicide, Bashung ou Christophe... Chef anticonformiste et généreux des pages musiques du quotidien, alors en plein âge d’or, l’homme sans prénom offre à Libé son record absolu des ventes en 1991 (800 000 ex.) grâce à une interview "post-mortem" de Serge Gainsbourg, qui deviendra le livre "Gainsbourg raconte sa mort" (Grasset, 2001).
Adoré ou détesté, ce moine-soldat de la critique, dont la minutie confine à l’entomologie, est aussi l’auteur méconnu d’une œuvre autobiographique intense, sans succès durable et pourtant inoubliable. À lire, outre les ouvrages mentionnés dans ces trois épisodes ("Mezzanine", "Les Animals"), le sidérant "Haut fonctionnaire" (Grasset, 1993), un « mémoire hanté » sur son père diplomate.
En partenariat avec Babelio.
(2/3) État critique
Dans « Roulette russe » (Fayard, 2016), journal intime de ses mornes envies lors de ses débuts à Libération, Bayon se regarde dans le miroir : « B. a trente ans. Lunettes. Cheveux abîmés. Oreilles aiguisées. Bouche assez présentable. Charnue, vive, dessinée. Mais dents calamiteuses. 60 kilos, problèmes familiaux graves, jadis ou en cours. Sociaux également, donc. Résultat mi-straight mi-cool. Moitié marrant, moitié curé (…) C’est un faux adulte, ou un enfant vieilli. Gaspille ses journées morfondu, mouronnant ou râlant, n’aime rien, ne voit rien, n’attend rien. Sans famille, sans attache, sans foi, sans ami, sans espoir, sans avenir (…) Employé sans ambition, lit, dîne toujours dehors, note sans queue ni tête et sans y croire. Même yeux ouverts, larmes aux yeux. Dort. »
Le reste du temps, ce graphomane pathologique griffonne, romance et tape (dur) à la machine. Après moult provocations, le « jeune homme perdu » s’impose et propulse dans les colonnes de Libé ses idoles et ses marottes : Bashung, Murat, Manset, Cure, Joy Division, Suicide, Presley ou l’écrivain américain Hubert Selby Jr., qu’il part interviewer chez lui à Los Angeles pendant quinze jours. « Bookmakers » avant l’heure, leur conversation sur l’écriture et « l’extase du désastre » est intégralement publiée dans le journal puis dans un livre, « Selby de Brooklyn » (1985).
Un jour, Bayon confia que son pire ennemi sur le plan littéraire, c’est, bien sûr, sa propre complaisance envers sa « manie du jongle et des roucoulades stylistiques », tout comme « la virtuosité instrumentale est l’ennemie de la musicalité, qui se passe fort bien de brio ». A-t-il réussi, au fil des années et des romans « somnambuliques », à faire sien ce conseil de Verlaine : « Prends l’éloquence et tords-lui son cou ! » ? C’est le sujet de ce deuxième épisode, qui ne manque pas d’air.
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