Trois lettres, M, O, T.
Un petit mot de rien du tout que ce mot MOT. Comment le définir autrement que par ses trois lettres ?
Même sous la torture je ne pourrais livrer d'autre secret que ce stupide énoncé tautologique "MOT est un mot qui désigne un mot".
Là, vous et moi prenez conscience que cette histoire de mots risque fort de nous faire tourner en rond.
Comment m'extirper de cette fichue impossibilité à dire autre chose que l'évidence ? Grâce à un bon mot? à un jeu de mots peut-être ?
Effleurer d'autres strates.
Et si je les lançais en l'air ces lettres, l'air de rien ?
Quelles faces cachées d'elles-mêmes vont-elles révèler ?
Un, deux, trois.
M dévoile le verbe AIME.
O T ne peuvent dissimuler leur alliance génératrice du verbe ÔTER.
Aime ôter. Ôter aime.
Alors cette ritournelle "Que reste-t-il de nos amours ?"
Je demeure un temps en sa compagnie.
Puis s'impose ceci: MOT est tout entier dans EMOTION.
Entendez MOT M O T et non pas MAUX M A U X. A moins que ?
Serait-ce à dire que le mot disparait dans l'émotion, qu'il est balayé par ce flot difficile à endiguer et qui si souvent nous submerge ?
Jouons encore.
Si le préfixe é- est ôté, que reste-t-il de l'émotion, que reste-t-il de nos amours ou désamours ?
Motion, vous dites ?
Bon mot ne saurait mentir.
Privé de l'émotion qui s'attache à lui, le recouvre, l'ensevelit, monsieur MOT n'est plus que motion, mouvement, glissement perpétuel d'un sens à l'autre, plus rien pour le fixer ou le retenir, il s'en va libre et fier, nu comme un ver, sans signifié, sans signifiant. Il ne peut être que répété à l'envie sans pouvoir pointer vers quoi que ce soit de particulier. Puisqu'il pointe vers absolument tout.
Voici que le tournis me gagne à nouveau.
Mon salut viendra-t-il d'accepter comme allant de soi cette majesté du mot, de le saluer et l'honorer ?
Les mots sont impérieux et impériaux.
Lorsque je les épouserai, après avoir ôté de mon sein l'émotion d'un amour idiot et juvénile pour eux, leur puissance deviendra enfin mienne.
Vite, que nos noces soient prononcées !