Dans un contexte de forte  concurrence universitaire et de contraintes budgétaires parfois très  importantes, quelles positions les établissements peuvent-ils adopter  afin d'assurer la meilleure formation à leurs étudiants ? C'est à cette  question que Jacques Raynauld, professeur d'HEC Montréal, tente de  répondre en dressant le panorama des différentes solutions expérimentées  par des établissements nord-américains ; solutions qui ne sont pas sans  rappeler celles utilisées dans l'Hexagone. Le fil conducteur de cette  présentation est le "triangle éternel de l'éducation", pensé par Sir  John Daniel, qui définit les trois grandes contraintes rencontrées par  l'éducation en matière de formation, à savoir l'accès, la qualité et les  coûts. L'arbitrage des établissements par rapport aux différents  modèles utilisés repose sur une combinaison de ces éléments. Classe inversée et culture participative      Le  premier des dispositifs présentés est celui de la classe inversée (ou  "flipped classroom" en anglais), qui bouscule le modèle traditionnel de  transmission du savoir puisque l'apprentissage se fait hors les murs, le  cours étant alors utilisé comme un temps de discussion, de partage, de  résolution de problèmes. L'expérience fait dire à Jacques Raynauld que  ce modèle peut paraître, de prime abord, assez angoissant pour un  enseignant "programmé" pour parler aux étudiants. Avec ce modèle,  l'échange professeur-étudiant est en effet transformé. Il nécessite  également beaucoup de préparation ainsi qu'une scénarisation du cours  très pointue. Jacques Raynauld observe également que les étudiants  eux-mêmes, pourtant souvent issus d'une culture participative, peuvent  se sentir déstabilisés par un tel dispositif qui les oblige à une  autonomie et une discipline dont ils n'ont peut-être l'habitude. Pour  autant, les points forts de ce genre de modèle sont nombreux : il impose  peu de barrière à l'expression, offre un soutien par les pairs à chacun  des apprenants, et contribue à placer les interventions de chacun au  même niveau, permettant ainsi la création d'une communauté. Avec la  classe inversée, on ne parle plus de culture de consommation mais  bien  de culture participative.      Big data      Dans  un autre registre, ce type d'apprentissage en culture participative  peut permettre le recueil de données et l'analyse des performances mais  aussi des acquis et de la compréhension des étudiants au fur et à mesure  que l'année avance. Il devient plus aisé, grâce aux résultats récoltés,  d'ajuster le matériel pédagogique et la méthodologie et ainsi  d'intervenir rapidement auprès des étudiants en difficulté. Cette  approche plus scientifique des apprentissages permet ainsi un suivi  personnalisé, sous mode rétroactif, des résultats des apprenants.      MOOC et Contenu en accès libre      De  la culture participative et des données massives, Jacques Raynauld  enchaine naturellement sur les MOOCs (Massive Online Open Course) dont  il a fait l'expérience lui-même puisqu'il a créé et animé un MOOC,  EDULib HEC Montréal. Il revient sur les motivations qui ont poussé son  établissement à monter un tel dispositif ; la réputation et le  rayonnement de l'université en étaient l'un des points de départ. Dans  le contexte actuel, il peut en effet sembler important,voire opportun, pour une université d'être visible dans le paysage des MOOCs.       Au-delà  de cette envie de reconnaissance, cependant, Jacques Raynauld aborde la  question de la responsabilité sociale ; les MOOCs donnent ainsi à des  gens qui ne sont peut-être jamais allés à l'université l'opportunité de  suivre des cours universitaire. Enfin, même s'ils ne sont pas aussi  révolutionnaires qu'ils peuvent le sembler, les MOOCs s'inscrivent tout  de même dans une mouvance d'innovation et peuvent être considérés comme  un laboratoire de recherche qui porterait sur la façon d'apprendre  d'apprenants venants de tout horizon ainsi que sur leur motivation...  Enfin, la création d'un MOOC passe par des questions qui ont trait au  numérique, bien sûr, mais qui portent surtout sur la pédagogie : quel  contenu proposer, sous quelle forme, quels canaux de diffusion proposer  aux participants, quelle évaluation est la plus adaptée etc.       L'essor  des MOOCs entraîne également une réflexion sur l'éducation ouverte et  les ressources en accès libre. D'ailleurs, les ressources proposées par  les MOOCs sont-elles véritablement ouvertes puisqu'un MOOC nécessite une  inscription au préalable ?       Evaluation par compétences      Ce  type d'évaluation ouvre de nouvelles perspectives ; on dépasse le cadre  traditionnel de l'évaluation par notes en évaluant non plus  l'acquisition des savoirs mais sa bonne appropriation et son  utilisation, en vue de développer ses aptitudes, tant professionnelles  que personnelles. Dans la même veine, les portfolios sont également  expérimentés par quelques établissements. Ils permettent ainsi  d'accompagner les validations des acquis de l'expérience et de réfléchir  sur son apprentissage ou sa carrière, participant ainsi non seulement à  la réussite de l'étudiant mais, potentiellement, à sa future insertion  professionnelle.       Portfolios et badges      Certaines  autres solutions vont bien au-delà du système institutionnel et ont  pour objectif de valider des compétences acquises non plus seulement  dans le cadre d'un apprentissage formel (université, formation  diplômante) mais également lors d'apprentissages informels. Ici, il est  fait référence à l'obtention de badge, suivant un système de  ludification (aussi connu sous le nom "gamification") qui permettrait de  valoriser ces apprentissages et compétences informels. On pourrait  ainsi imaginer, explique Jacques Raynauld, que des contributeurs de  longue date de Wikipedia (dont la pertinence des contributions aurait  été avérée) voient leur participation valorisée et, par conséquent,  reconnue.      On observe donc une grande  diversité des méthodes et des approches et il est important que ces  expérimentations donnent lieu à des retours d'expérience, des études,  afin de pouvoir aborder ces questions et problématiques en utilisant une  démarche réflexive. Jacques Raynauld insiste enfin sur l'importance de  l'implication des institutions, au niveau de la gouvernance, pour que  les enseignants ne soient pas seuls face à toutes ces questions.  Pour aller plus loin :    Page personnelle Jacques Raynauld : http://www.hec.ca/profs/jacques.raynauld.html       Slideshare - compte de Jacques Raynauld : http://fr.slideshare.net/jacquesr54Livre blanc "la démarche ePortfolio dans l'enseignement supérieur français"  : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid71394/livre-blanc-la-demarche-eportfolio-dans-l-enseignement-superieur-francais.html