Michel Onfray était une idée de ma femme, je ne le connaissais pas. On n’est pas d’accord sur tout, mais nos échanges politiques ont eu le mérite de se fonder sur des valeurs communes, comparables. Et : le pire est toujours certain, merci Michel d’oser le dire.

Michel est un génie, et un génie qui ose parler. Le bouquin « les particules élémentaires » m’avait bouleversé, les entretiens avec Michel me l’on confirmé : sa vision de la relation homme femme, me parle carrément. Et puis, il agrandit notre famille de grands pessimistes déterministes.

Stephen King est arrivé dans mon programme sans que je ne l’anticipe. Après être tombé sur lui cinématographiquement parlant, je suis tombé sur lui littératurement parlant, et là, accidentellement, je tombe sur lui philosophiquement parlant. Et c’est une pépite… j’ai eu une chance inouïe de ne pas louper cette facette.

Impossible de rivaliser avec Coluche en termes de vivacité d’esprit, de manière de tourner les phrases pour en faire des syllogismes pliants. Mais c’est sûrement son humanité et son efficacité qui sont le plus sidérant. Difficile d’évaluer si Michel encourage vraiment à la fainéantise comme chemin vers le bonheur, mais le débat est intéressant.

Quoi de mieux qu’un premier avril pour vous parler de Woody Allen ; c’est probablement le philosophe qui m’a fait le plus rire, avec Diogène. C’est une version ironique de Schopenhauer. Ses répliques sont toujours orthogonales, inattendues. J’aime son fatalisme divin, sa lucidité quant à la faible portée qu’ont la plupart des décisions humaines. C’est peut-être le plus proche de ma vision, quant à la suprématie de la chance et de la malchance.

Je ne sais pas trop quoi penser de Camus… j’aime sa théorie de l’absurde, mais pour le reste, je suis resté un peu sur ma faim. J’aime : tout le malheur vient de l’espérance, adage où il prend à contrepied le bon sens commun, de manière tout à fait innovante. J’aime aussi : il faut imaginer Sisyphe heureux.

Enorme coup de cœur pour Cioran, le philosophe du pire, mais certainement pas le pire des philosophes, loin de là ; pour moi, c’est la continuité de Schopenhauer. Il fait partie des rares à avoir compris, et parler de manière très assumée, de la tragédie de la vie. Solitaire, oiseau de nuit et insomniaque, Cioran, c’est la synthèse de mes névroses : nous nous trémoussons tous deux, dans cet univers aberrant. Ce qui nous distingue peut-être, c’est l’hyperactivité ; j’admire chez Emil, cette capacité à ne rien faire, à vivre le vide, je ne comprends pas qu’il n’en dorme pas mieux, d’ailleurs.

Barjavel est un créatif anxieux ; nous nous sommes rejoints sur tous les sujets, en fait. Tout à fait d’accord avec lui sur la torture qu’inflige l’école, je reste cependant d’avis que celle des réunions dans la vie active est pire encore. Encore un, comme Voltaire et Chartier, qui adore le superflu, comme toutes les créations du désir. J’aime beaucoup l’amalgame qu’il fait entre les poètes et les matheux, ainsi que le contraste qu’il affiche entre son pacifisme, et sa rigueur lorsqu’il juge les criminels. On est d’accord aussi pour constater que les chefs politiques sont stupides, et toujours surpris.

Sartre est le philosophe avec lequel j’ai eu le plus de mal à m’entendre. Il est intéressant, mais trop prétentieux, trop beau parleur, en dépit de sa consensualité un peu facile, qui n’est pas trop mon style. Par ailleurs, ses propos inutilement compliqués, manquent parfois de puissance sur le fond, de cohérence, même. Et puis ceux qui naissent chanceux, ont toujours l’impression qu’il suffit de faire pour réussir, jusqu’à ce que le malheur les touche. Personnellement, je ne suis pas de cette école. Et puis, Sartre est changeant, on dirait qu’il ajuste sa philosophie en fonction de celui qui lui fait face. En voulant copier Nietzsche, il en devient une fade caricature, mi-roquet, mi-girouette. Bon je dois avouer qu’avec tous ces désaccords, il est aussi sûrement l’un de ceux qui m’a le plus poussé à réfléchir et à me remettre en question.

Bachelard le poète, le rêveur, vous amène dans un univers coloré et plein d’amour. Esprit de compétition, pratiques punitives, je me rends compte que toute mon éducation a été faite à l’encontre de ce qui épanouit l’enfant. Géniales discussions sur l’éducation avec Gaston, dont l’une des punchlines m’a particulièrement plu : « celui qui trouve sans chercher, il a dû longtemps chercher sans trouver ». Contemplatifs tous les deux, nous nous sommes beaucoup rejoints sur la recherche de la stabilité, mais aussi du mariage entre science et poésie, en résumé, de l’alchimie. Quant à son approche de l’imagerie, je regrette qu’on n’ait pas pu faire une soirée avec Jung, dont s’est visiblement beaucoup inspiré Bachelard. On aurait pu faire des sacrées parties de Dixit.