assis là près de la fenêtre
transpirant des gouttes de bière
malmené par l’été
je contemple les couilles du chat.
ce n’est pas mon choix.
il roupille dans un vieux fauteuil à bascule
sur le porche
et le voilà qui me jette un regard -
par-dessus -
accroché à ses couilles de chat.
il y a sa queue, cette maudite chose,
toujours à traîner dans les pattes -
j’observe ses petites noix recouvertes de fourrure-
qu’est-ce qui peut bien traverser l’esprit d’un homme
regardant les couilles d’un chat ?
certainement pas les navires engloutis des grandes batailles navales,
certainement pas un programme d’aide aux pauvres.
certainement pas un marché aux fleurs ou une douzaine
d’œufs.
certainement pas un interrupteur cassé
des couilles restent des couilles, voilà tout-
plus encore les couilles d’un chat,
les miennes ont l’air assez pâteuses
et sont, si j’en crois mes contemporains,
relativement massives :
“t’as une sacrée paire de couilles, Bukowski !”
mais les couilles du chat :
je saurais pas dire s’il est accroché à elles ou si c’est elles qui sont accrochées à lui -
vous voyez, tous les soirs ou presque il y a cette bagarre
pour obtenir les faveurs d’une femelle -
et c’est facile ni pour lui ni pour moi.
vous voyez, là
il lui manque un bout de l’oreille gauche;
un jour j’ai cru qu’on lui avait arraché un œil
mais quand la croûte de sang séché est tombée
une semaine plus tard
il y avait cet œil pur
couleur vert et or
qui me regardait.
son corps entier est perclus de cicatrices
et l’autre jour,
je voulais lui caresser la tête
il a poussé un hurlement et m’a presque mordu
sous la fourrure, fendue en deux,
on pouvait voir son crâne
ça n’est ni facile ni pour lui ni pour moi.
ces couilles de chat, pauvre vieux.
le voilà maintenant qui rêve -
de quoi ? - un gros merle dans sa gueule ?
une ribambelle de chattes en chaleur ? -
ses rêves sont ceux qu’ils accomplit éveillé
il verra bien s’ils se réalisent
ce soir.
bonne chance, mon vieux,
ça n’est jamais facile,
accrochés à nos couilles, voilà c’est ça,
on est accrochés à nos couilles,
et je ferais bien moi-même de les utiliser un peu
-
en attendant -
ouvre l’œil, surveille ta garde
et déguerpis
dès lors qu’il n’y a plus rien à
en tirer