(RV) Entretien - « Les chrétiens d’Irak veulent rester dans leur pays », c’est ce qu’indique Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, qui aux côtés du cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et de Mgr Michel Dubost, évêque d’Evry-Corbeil-Essonne a entamé ce lundi une visite de 5 jours sur le sol irakien. Il réagissait à l’annonce faite ce lundi par le gouvernement français qui s’est dit prêt à « favoriser l’accueil », au titre de l’asile, des chrétiens d’Irak victimes de « persécutions » de la part des djihadistes.
Avec cette visite, la délégation de l’Eglise de France entend soutenir les chrétiens irakiens persécutés par les djihadistes de l’Etat islamique, évaluer les besoins les plus urgents mais aussi alerter et interpeller l'opinion publique.
Après avoir rencontré les chrétiens qui ont dû fuir Mossoul, Mgr Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, dénonce une épuration génocidaire et évoque les besoins de ces populations éprouvées 00:03:51:84
C’est une population qui en une journée, a dû quitter tout ce qu’elle avait. Ils vivent une situation d’extrême précarité et ils ont besoin de savoir comment ils vont être aidés pour se nourrir, se loger et se vêtir et comment on peut aider leurs enfants et leurs personnes âgées. Il faut une aide internationale appropriée au service de cette population qui est véritablement victime d’une épuration génocidaire.
Un génocide ne se détermine pas seulement par des questions raciales, mais aussi par des questions religieuses. C’est un génocide religieux qui est une épuration génocidaire de l’ordre religieux. Cette population n’en est pas encore à tenir des projets pour le long terme. Pour le moment, ils regardent ce qu’ils ont abandonné. Ils ont beaucoup de dignité dans l'injustice qu’ils subissent. Rares sont ceux qui tiendraient des mots de violence ou des mots de revanche. Ils vivent tout cela avec beaucoup de dignité, mais leur colère est aussi perceptible.
Ils se posent la question de leur avenir sans apercevoir de chemin de lueur. Les paroles du Pape François et en particulier, celles transmises par le patriarche de Bagdad ont été pour eux d’un grand réconfort.
Nous souhaitons que les chrétiens puissent retourner chez eux à un certain moment, peut-être pas dans le court terme ou dans l’immédiat, mais la situation à Mossoul ne peut pas se pérenniser. Ce serait une honte pour notre 21° siècle ! Il faudra construire un avenir pour ces chrétiens de Mossoul.
Ce lundi, le gouvernement français s’est dit prêt à favoriser l’accueil au titre de l’asile, des chrétiens d’Irak victimes de persécutions de la part des djihadistes. Comment avez-vous accueilli cette annonce ?
Ce n’est pas du tout ce qu’ils veulent. Les chrétiens d’Irak veulent rester dans leur pays. Ce sont des citoyens irakiens qui ne veulent absolument pas fuir leur pays. Je comprends l’émotion suscitée et comment le ministre a essayé d’y répondre mais l’idée que la solution serait que les chrétiens quittent l’’Irak n’est pas vraisemblable. On ne peut pas raisonner ainsi. Mais il y a peut-être des cas ponctuels que la France peut accueillir. Elle ne va pas accueillir 60.000 chrétiens d’Irak. Elle ne va pas accueillir 400.000 chrétiens d’Irak. Ce n’est pas là la solution. Et ce ne serait pas acceptable de résoudre une épuration génocidaire en facilitant leur départ. Non, la véritable réaction, c’est de demander qu’ils puissent revenir chez eux à Mossoul. C’est la seule attitude à avoir. Nous ne retrouvons pas dans la position du gouvernement français.
Très concrètement, à travers cette visite en Irak, comment entendez-vous soutenir les chrétiens irakiens persécutés ?
Pour le moment, il y a sans doute trois plans d’action. Le premier plan, c’est l’aide d’urgence.
C’est de voir comment nous pourront aider ces personnes à se nourrir et à se loger. . Il y a beaucoup d’organismes qui peuvent agir dans l’Église catholique et hors de l’Église catholique.
Dans un deuxième temps, il nous faut mobiliser l’opinion publique de nos pays et les responsables internationaux pour qu’ils regardent cette réalité et qu’ils prennent les moyens politiques pour rétablir les droits fondamentaux des citoyens de Mossoul. Il y a tout un ensemble d’actions à mener. Tout d’abord, s’interroger sur les moyens de l’EIL. D’où tiennent-ils leurs armes ? Il faut aussi condamner ces actions de manière ferme, notamment par les pays musulmans qui ne peuvent pas accepter cette situation.
Et troisièmement, nous ne sommes pas résignés à ce que les chrétiens quittent Mossoul. Les chrétiens doivent garder la mémoire de leurs droits à revenir dans cette ville. Certains ont dit à ceux qui les obligeaient à partir « Vous pouvez tout nous voler, mais vous ne pouvez pas voler notre foi ».
Photo : le 24 juillet dernier, une manifestation de chrétiens à Erbil, au Kurdistan irakien