« Gameplay séquencié » : mais quelle est donc cette étrange créature ? À l’heure où le jeu vidéo type bac à sable à monde ouvert règne sans partage sur le AAA narratif, il est parfois difficile de se remémorer ces jeux qui plongeaient la joueuse à travers différentes séquences, différenciées par un point de vue chamboulé et des mécaniques transformées. Ces titres pouvaient nous faire passer de la troisième à la première personne, du jeu de combat au FPS, à la pure exploration… Toutes ces parties s’apparentaient à des séquences bien séparées visuellement, d’où le terme de jeux-séquenciés, expression utilisée par Raphaël Lucas dans son livre passionnant, L’Histoire du RPG.
Ces oeuvres laissaient d’étranges sensations, indéfinissables, difficilement identifiables…
Pour déterminer ces effets, Antoine, lead sur cette émission, s’est arraché les cheveux tel un Bruce Wayne à la recherche de son animal totem !
Avant de vous lancer dans l’émission, laissez-nous vous aviser, cette émission vous fera entrer dans un monde complexe mais merveilleux ! N’ayez pas peur, écoutez le guide, détendez vous…
Nous passerons ici les jeux-séquenciés au scalpel philosophique, sous les esprits alertes de Gilles Deleuze et Félix Guattari. Dans leurs ouvrages L’Anti-Oedipe et 1000 Plateaux, les deux penseurs décrivaient une pratique qu’ils nommèrent “corps sans organes”.
Voyez cette notion comme une expérience psychédélique, une réorganisation du corps visant à atteindre le fameux corps sans organes, CsO pour les intimes, nouvelle expérience de pensée, décrite comme une action rebelle et personnelle, allant à l’encontre du corps biologique.
Ce corps sans organes est une restructuration profondément liée à la conception deleuzienne du désir, un désir permanent, « défini comme un processus de production », détaché du plaisir. En d’autres termes, un désir joyeux et infini.
Pour donner plus de matières à leurs explications, Deleuze et Guattari offrent une tripotée d’exemples, à travers le masochisme, la schizophrénie, la drogue... Mais attention, le duo est formel : le CsO n’est pas une entreprise de destruction, il est contraire à l’état de loque sans vie – celui du toxicomane, par exemple.
Le Corps sans Organes est donc la joie par l’expérimentation interne et corporelle, le chemin vers une condition neuve et positive.
Une belle machine que ce Corps sans Organes ! Machine dont nous nous servirons pour ausculter les jeux-séquenciés et voir si cette pratique peut pleinement s’appliquer à ce type de jeux vidéo, expliciter cette sensation évoquée plus haut.
Nous délimiterons tout d’abord le sujet en évoquant les bacs à sable à monde ouvert, en examinant le rapport de l’avatar à l’architecture du jeu dans les jeux hybrides (pas totalement séquenciés).
Puis, nous entrerons un peu plus dans le sujet avec l’étude du lien entre avatar et joueur.
Enfin, à travers l’analyse des relations avatar/joueuse/jeu, nous pénétrerons pleinement le jeu-séquencié.
Pour questionner et seconder Antoine « the Nomad Soul », Julien « Lepers » animera l’émission, épaulé par Gaëtan « of the Wild » et Fred « Automata ».
Citations :
18mn57 :
“Quelque chose coule á travers des canaux dont les sections sont déterminées par des portes, avec des portiers, des passeurs. [...] Le corps n'est plus qu'un ensemble de clapets, sas, écluses, bols ou vases communicants : un nom propre pour chacun, peuplement du CsO, Metropolis, qu'il faut manier au fouet.”
1:06:40
« Le CsO fait passer des intensités, il les produit et les distribue dans un spatium lui-même intensif, inétendu. il n'est pas espace ni dans I'espace, il est matière qui occupera I'espace à tel ou tel degré »
Les jingles :
Intro/partie 1 : Working Man, Shenmue 1
Partie 1/Partie 2 : Jet Set Radio, She’s a magical girl (Guitar Vader)
Partie 2/Partie 3 : Brutal Legend : We’re the road crew, Motorhead
Partie 3/Conclusion : David Bowie/Omikron, New angels of promises
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Fred : @fureddo_jigoku
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Julien : @JGMNP
Générique de l’émission : Lukhash – Beginning of Anxiety.
Illustration : NierAutomata © SquareEnix Tous droits réservés.