Nicolas Mayer-Rossignol, maire de Rouen, candidat au poste de premier secrétaire du Parti socialiste à l’occasion du congrès de Nancy du 13 au 15 juin 2025 est l’invité de L’Atelier politique. Il répond aux questions de Frédéric Rivière.
Alors que le Parti socialiste se prépare à son congrès de mi-juin à Nancy, Nicolas Mayer-Rossignol, premier secrétaire délégué, entend clarifier une ligne politique qu’il juge aujourd’hui illisible.
« Le Parti socialiste, c’est quoi aujourd’hui ? C’est quoi la ligne ? Pour la plupart des Français, ça n’est pas clair », déplore le maire de Rouen. Il assure que cette confusion nuit profondément à la gauche : « On a besoin à gauche d’un Parti socialiste beaucoup plus clair et aussi beaucoup plus ferme sur des principes républicains. »
Une gauche républicaine, laïque et démocratiqueFace à ce qu’il dénonce comme une dérive de La France insoumise, Mayer-Rossignol prône un recentrage sur des valeurs fondamentales :« Aucune compromission sur la laïcité, sur le dialogue démocratique. » Il accuse une partie de la gauche d’avoir choisi « la fracturation, la conflictualisation et même la brutalisation » comme stratégie, et met en garde : « Notre conviction à nous, c’est que ça, c’est perdant et c’est mortifère. »
Violences contre les socialistes : un tournant graveL’agression de Jérôme Guedj et d’autres militants dans des manifestations a marqué un tournant. « C’est quelque chose de totalement inacceptable et vraiment grave », dénonce Mayer-Rossignol. « Nos amis ont été attaqués […] parce qu’ils sont socialistes et parce que certains d’entre eux sont juifs. Voilà, c’est ça la réalité. Il faut appeler un chat un chat. »
Face à cela, il appelle à un sursaut : « Je plaide pour que nous revenions à un Parti socialiste et à une gauche dans son ensemble qui soit profondément laïque, républicaine, démocratique. »
Non aux accords avec LFI : « Il faut être clair, net, précis »Interrogé sur les alliances électorales, il tranche sans ambiguïté : « Non, il n’y aura pas d’accord avec LFI. Il ne peut plus y avoir d’accord dans ces conditions. » Et il ironise sur les formules alambiquées de ses concurrents : « Parfois, on nous dit "vous êtes anti-Olivier Faure". Je réponds : "Nous ne sommes pas anti-Faure, nous sommes anti-flou !" »
À ses yeux, l’urgence est politique autant qu’électorale : « La gauche tout compris est à moins de 30 %. Non seulement elle ne gagne pas l’élection présidentielle, mais elle n’est même pas au second tour. » Et pour les municipales de 2026, « la gauche pourrait perdre un certain nombre de villes et y compris des villes de grande taille. »
Gramsci et le danger des « monstres »En ouverture de sa contribution, Nicolas Mayer-Rossignol cite Gramsci : « Entre un vieux monde qui se meurt et un nouveau monde qui tarde à apparaître, surgissent les monstres. » Pour lui, « le monstre d’aujourd’hui, c’est l’extrême droite. Ou plutôt les extrêmes droites, puisqu’il y a plusieurs têtes à cette hydre. »
Mais une partie de la gauche, selon lui, porte aussi sa part de responsabilité : « Quand la gauche est dans une stratégie de fracturation, au final, ça profite à qui ? […] Les gens finissent par trouver que l’extrême droite est plus respectable que la gauche. Ça n'est pas acceptable ! »
Il fustige un Parti socialiste qui aurait « cessé de travailler intellectuellement » et appelle à renouer avec la tradition des grands débats internes : « Henri Emmanuelli, Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius… Ce n’était pas la même ligne politique, mais il y avait une unité. »
Des doléances citoyennes à la refondation républicaineLes quelque 220 000 contributions des cahiers de doléances, issues du mouvement des « Gilets jaunes », offrent selon lui une boussole précieuse : « Il y a une matière extraordinaire. […] Les élus locaux, dont je fais partie, connaissent tout cela. »
Il identifie deux injustices majeures : « Le travail ne paie plus […], la rente et le patrimoine sont plus avantageux fiscalement que le travail » et « plus vous êtes riche, moins en proportion vous payez d’impôts. » D’où l’urgence d’un rééquilibrage fiscal : « Il ne s’agit pas de remettre encore des impôts et des impôts, il s’agit de rééquilibrer. »
L’ONU, l’Europe et la démocratie en criseSur la situation internationale, Mayer-Rossignol se dit inquiet. « On est un peu à bout de souffle dans la régulation géopolitique mondiale. » Et face à la brutalité qui gagne les relations internationales, il appelle à « des cohortes et des armées de démocrates » pour défendre le droit contre la force. « Un des principes démocratiques fondamentaux, c’est la primauté du droit sur la force. Aujourd'hui, ce principe est gravement menacé. »
L’Europe, conclut-il, doit se réveiller : « Elle doit être beaucoup plus intégrée, non seulement pour des raisons économiques, sociales et de défense, mais aussi pour défendre ses principes et ses valeurs démocratiques. »