Elles sont fabuleuses et pourtant, les Européens en consomment trop peu : les légumineuses. Lentilles, pois cassés, haricots rouges… Ces légumes secs, dont les graines sont contenues dans des gousses, font partie des solutions face au changement climatique, à la perte de biodiversité et aux difficultés des agriculteurs. Ces plantes permettent de revitaliser les sols, de réduire les émissions de gaz à effet de serre et elles sont bonnes pour la santé humaine, animale et des écosystèmes.
En Alsace, dans l’est de la France, des agriculteurs et des collectivités territoriales travaillent, main dans la main, pour le grand retour des légumineuses, dans les champs et dans les assiettes.
Dans la région, c'est la sécheresse de 2020 qui a poussé Grégory Haxaire et ses trois associés agriculteurs, à se diversifier. Car dans les terres caillouteuses de la plaine d’Alsace, le maïs ne pousse qu’à grand renfort d’irrigation. « Il y a une dizaine d’années, ici on voyait du maïs à perte de vue. Depuis 2021, on a lancé Graines d’Alsace, donc la culture de légumineuses », détaille l'agriculteur à deux pas de son hangar. Les lentilles, pois chiches et quinoa, qu’ils ont introduits dans leurs rotations de cultures, nécessitent, eux, de pomper beaucoup moins d’eau dans la nappe : « on le voit déjà rien que sur le gasoil pour nos groupes qui alimentent les irrigations : il y a besoin de moins de gasoil », poursuit le producteur de légumineuses.
Autre bénéfice économique et environnemental : ils achètent moins d’engrais d’azote de synthèse, car les légumineuses fixent naturellement l’azote dans le sol. « L’azote dans le sol, c’est un petit peu comme ce que nous, on a le midi et le soir dans l’assiette. C’est vraiment ce qui donne à manger à la plante, explique Grégory Haxaire. Et ce gain dû aux légumineuses, on le retrouve deux voire trois ans encore après sur la même parcelle. » Ce sol enrichi bénéficie donc aux cultures suivantes.
Les agences locales de l’eau et de la santé se réjouissent aussi que les quatre exploitants agricoles cultivent sans pesticides. Même si leurs prix sont donc plus élevés que ceux des légumes secs importés, les clients répondent présents. « En 2023, on était sur sept tonnes vendues à l’année. En 2024, on a frôlé les 20 tonnes », se réjouit l'agriculteur.
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Au début, tout le monde nous a pris pour des fous »Avec l’aide de collectivités territoriales, les quatre compères ont même monté « la filière légumineuse » dans la région et une dizaine d’agriculteurs les ont déjà rejoints. « Au début, tout le monde nous a pris pour des fous, tous les agriculteurs des villages aux alentours, se rappelle Olivier Hiss, l’un des associés fondateurs. Mais c’est une consommation de l’avenir, dans les dix ans qui viennent déjà. Faire une nouvelle culture, c’est vrai que ça fait du stress, mais c’est aussi une fierté. Tu te dis que tu as réussi quelque chose quand tu vois que les gens viennent vers toi. »
À l’autre bout de la chaîne, l’Eurométropole de Strasbourg encourage cette nouvelle filière locale en servant davantage de légumineuses dans les cantines scolaires. « Plus de la moitié de la surface agricole de la métropole de Strasbourg est occupée par du maïs. Il ne nourrit même pas les animaux, il sert à faire des plats transformés, à faire des biscuits apéritifs, des sodas. On ne nourrit pas les gens avec ça, justifie l’élu écologiste Antoine Neumann, en charge des questions agricoles et alimentaires. Il y a un gros enjeu à produire à nouveau des choses qu’on mange et pas des choses qui favorisent le diabète ou l’obésité. »
Apprendre à aimer les légumineuses, source de protéines, c’est aussi s’ouvrir à une alternative à la viande et ainsi réduire l’empreinte carbone de son assiette.
À écouter dans C’est dans ta natureLes légumineuses à la santé des humains et du climat