Une fois lʹasile obtenu, une autre épreuve de patience attend les migrant.e.s qui souhaitent faire venir leurs proches en Suisse. Soumises aux procédures administratives, des familles séparées par la dureté du monde apprennent à patienter. En espérant que le délice des retrouvailles efface les mois ou les années à prier pour un rapide regroupement familial.

Attendre est leur quotidien. Lʹun est tapi dans les bois, lʹautre planqué dans une cage dʹescalier. Ils ne comptent pas leurs heures. À lʹaffût du lynx, du tigre ou du hibou, le photographe Neil Villard pactise avec le tempo des bêtes. Quant aux patientes filatures du détective privé Gregory Petrossi, elles se nourrissent du moindre détail.

Depuis lʹarrivée des téléphones portables, notre façon de tuer le temps a changé. Scroller fait passer les minutes dʹattente indésirables. En musique, lʹindustrie concocte aux impatient.e.s mélomanes des morceaux toujours plus courts. Même les messages dʹattente téléphoniques sʹadaptent à notre agacement des temps morts.

En 2019, lʹhôtellerie suisse représentait un chiffre dʹaffaires annuel de 8,5 milliards de francs et employait plus de 76 000 personnes. Et puis, la chute! Depuis le début de la pandémie, on ne compte plus les hôtels fermés, les milliers de postes en RHT ou simplement perdus, et lʹeffondrement des établissements urbains dont les pertes de revenu dépassent souvent les 40%. Cette semaine, Vacarme sʹinterroge sur lʹavenir des hôtels, quelles bulles de vie ils sont restés pendant le confinement, comment cette industrie va durablement se transformer pour survivre et ce que signifient ces vies au service des autres.

Inauguré en 1915 dans le plus pur style Belle Epoque, le Lausanne Palace est une incongruité sise au bord dʹune route passante: lʹimage même de ces établissements urbains qui ont particulièrement souffert de la pandémie. Et pourtant, le directeur Ivan Rivier a choisi de ne jamais fermer ses portes. La Brasserie ouverte pour les clients de lʹhôtel était une étrangeté pour les passants qui, eux, étaient privés de restaurant. Plongée dans une institution de haute tradition qui, elle aussi, doit se réinventer.

Le covid a ouvert une ère de télétravail et donc de nomadisme. Les hôtels ont peut-être leur carte à jouer. Une société valaisanne, Pura Worka, propose des espaces de coworking dans des hôtels de la région. A Zermatt, une héritière de la famille Julen voit en ces nouveaux clients une possibilité de diversifier son activité. A lʹautre bout du monde, en Thaïlande, un jeune entrepreneur vaudois parle de sa vie voyageuse. Un ordinateur portable, un hôtel, la mer à proximité: il est heureux.

LʹEcole hôtelière de Lausanne est régulièrement nommée comme la meilleure du monde en son genre. Elle forme plus de 3000 étudiants aux métiers de lʹhospitalité. La crise sanitaire, si elle nʹa pas entamé les vocations, a tout de même chamboulé le cursus, mais aussi les pratiques. Ces jeunes personnes qui étaient promis.e.s aux meilleures places ont-ils fait le bon choix? Lʹindustrie hôtelière ne va-t-elle pas vivre dans les années prochaines au rythme des épidémies et des interdictions?

Les hôtels ne sont pas toujours des lieux de détente. Ils sont aussi des espaces de précarité et de violence sociale. Ecrasée depuis la pandémie par une masse de sans-papiers qui ont perdu leur emploi, le Canton de Genève a décidé de mettre des chambres de quatre hôtels à disposition des plus démuni.e.s. Une manière dʹaider les sans-abri et de trouver une solution pour les hôtels désertés.

Cʹest une crise globale. Pas un hôtel au monde qui nʹait pas ressenti les effets de cette épidémie. Dans ce portrait croisé entre une minuscule pension de moyenne montagne, dans le Val dʹHérens, et un des plus prestigieux hôtels de New York, The Pierre, il y a les antipodes qui sʹexpriment, mais aussi le récit dʹune vocation contrariée. Comment faire son métier dʹhôte quand les clients ne viennent plus?

Depuis une cinquantaine dʹannées, la religion connaît un déclin majeur en Suisse. Jusquʹà la fin des années 60, la majorité de la population allait régulièrement à la messe, baptisait ses enfants, se mariait ou enterrait ses proches à lʹéglise. La vie était alors rythmée par ces rituels sacrés. Alors que plus du tiers de la population suisse se déclare aujourdʹhui athée, que sont devenus ces rites de passage? Ont-ils simplement disparu ou se sont-ils transformés pour laisser plus de place aux désirs de chacun et de chacune?