"Celui aux yeux de qui compte seul l'épanouissement de la personne a complètement perdu le sens même du sacré." (...) "Le plus grand danger n'est pas la tendance du collectif à comprimer la personne, mais la tendance de la personne à se précipiter, à se noyer dans le collectif."
Un texte qui constitue une synthèse de la pensée de Simone Weil sur les rapports entre personne, sacré, collectivité et l'impersonnel. D'une profondeur d'analyse essentielle.
Lu par Alexis Dayon, professeur de philosophie
Texte intégral disponible en ligne ici (1er chapitre) : http://classiques.uqac.ca/classiques/weil_simone/Ecrits_de_Londres/Ecrits_de_Londres.html
Livre audio de La personne et le sacré, de Simone WEIL, essai rédigé au début de l'année 1943, tandis que débute la rédaction de L'Enracinement, et qui compte sans aucun doute parmi les textes les plus lumineux composés durant cette ultime période londonienne de la vie de l'autrice.
Alors investie, sous l'autorité d'André PHILIP, dans un projet de rédaction d'une nouvelle Déclaration des droits de l'homme souhaitée par Charles de GAULLE, l'autrice formule dans ce texte une réponse à la conférence tenue quelques mois plus tôt à New York par André PHILIP où il déclarait, s'inscrivant dans la lignée de la pensée personnaliste d'Emmanuel MOUNIER, que «les valeurs universelles sont entièrement centrées sur l’idée fondamentale du caractère sacré de la personne humaine».
Or, Simone WEIL perçoit dans l'affirmation personnaliste ce qu'elle estime être une sérieuse erreur de vocabulaire entraînant une sérieuse erreur de pensée. L'Enracinement, on le sait, abandonne dès son préambule la notion de "droits de la personne" pour lui préférer celle de "devoirs envers l'être humain". La justification en est donnée principalement par la préséance du concept de devoir sur le concept de droit. Mais dans La personne et le sacré, c'est le concept même de personne qui est pris à parti.
Qu'est-ce qui est sacré dans un être humain ?
Précisément tout, sauf sa personne. Dès les premières pages du texte, elle écrit : «Il y a depuis la petite enfance jusqu'à la tombe, au fond du cœur de tout être humain, quelque chose qui, malgré toute l'expérience des crimes commis, soufferts et observés, s'attend invinciblement à ce qu'on lui fasse du bien et non du mal. C'est cela avant toute chose qui est sacré en tout être humain.»
Or ce cri qui monte dans l'âme de tout homme contre le mal qu'il subit, est un cri impersonnel. Tout ce qui en nous distingue la vérité, la justice, le bien, est impersonnel ; tout ce qui côtoie la perfection est impersonnel. Approximation, médiocrité, erreur, mensonge, au contraire, portent l'empreinte de la personnalité. De ce constat, l'autrice entame une réflexion sur ce qui est dû à tout être humain afin qu'il lui soit possible de s'élever vers l'impersonnalité.
Son argumentation procède en douze points, que vous trouverez résumés si vous le souhaitez dans le message épinglé en tête de la section commentaires, et dont je ne liste ci-dessous que l'ossature pour le chapitrage de la vidéo.
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1:52 1) Mise en opposition préliminaire entre l'être humain et la personne
14:33 2) Éloge de l'impersonnalité
19:07 3) Supériorité de l'individu sur la collectivité dans l'échelle du sacré
30:22 4) Quant à la barbarie moderne
35:20 5) De la médiocrité intrinsèque de la notion de droit, opposée à celle de justice
45:50 6) De la médiocrité intrinsèque de la notion de personne, intimement liée à celle de privilège
51:54 7) Distinction entre le talent et le génie
1:00:16 8) Le malheur comme porte d'accès privilégiée vers la vérité
1:13:30 9) Que la beauté est la sœur alliée de la vérité et de la justice
1:17:45 10) Définition de la justice
1:24:39 11) Que le châtiment comme vengeance n'a aucune part à la justice
1:29:15 12) Du rôle que doit tenir le sacré dans l'action publique
♪♬ Musique : Funeral Canticle, de John TAVENER (2005) – interprété par le Contradition Ensemble, disponible au lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=Pq_SGs5C09k
◙ Tableau accompagnant la lecture : détail des Musiciens, du CARAVAGE (1595).
Vidéo source : https://youtu.be/HPNEdHy1o8c