John Boorman revisite le mythe de la nature primitive et de lʹhomme sauvage. Un mythe effrayant enfoui au plus profond de la mémoire collective américaine.
Il entre ainsi en plein dans cette pépinière de jeunes talents quʹest Hollywood dans les années 70.
EXTRAIT : DELIVRANCE SCENE
Délivrance marque les esprits au moment de sa sortie en 1972, cʹest pour trois raisons.
Dʹabord, sa photographie très particulière.
Dans ce film, sursaturé, on nʹa que du vert, du noir et du blanc.
Par désaturation des images, on élimine le rouge, le jaune.
On tourne sans soleil. Quand il apparaît, on attend que se ciel se couvre. Le film en ressort noirci et dʹautant plus oppressant.
Deux, il y a la musique.
Une musique entêtante, reprise de multiples fois dans dʹautres films, référencée à présent dans lʹinconscient collectif.
Une scène en particulier, celle de lʹenfant et de Drew, ce fameux duo de guitare banjo marque les esprits.
Elle est une clé du voûte du film, permettant de poser un décor et une fausse piste : on croit quʹon peut communiquer avec les montagnards, il nʹen est rien.
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Et trois, Délivrance devient culte grâce ou à cause dʹune scène qui marque les esprits dans un climax de violence.
La scène du viol dans la forêt.
Une scène terrible où un homme subit non seulement un viol, mais doit en plus se rabaisser à couiner comme un animal.
Délivrance, un film où le mythe de la nature idyllique, accueillante, où l'on peut se ressourcer, est mis à mal.
Le réalisateur sʹexplique :
La morale du film est que la délivrance du système par la nature est un leurre. Cette idée de nature, enchanteresse, accueillante, est une vue purement romantique et je voulais détruire cette idée en faisant du film une sorte de cauchemar sans prendre pour autant le point de vue de la forêt. Ça cʹest typiquement européen. Les quatre explorateurs croient quʹils ont besoin de la nature, mais en réalité, il y a longtemps que lʹAmérique sʹest dissociée dʹelle par une névrose collective.
Une névrose et une distanciation qui nʹempêchera pas de marquer les esprits.
POUR LE NET
La violence et Ludwig à lʹABC
Le site de lʹauteur James Dickey
le trailer
le viol
la scène de banjo
Un ouvrage de référence
Michel CIMENT, Boorman ; un visionnaire en son temps, Calmann-Lévy, 1985
Maxime LAUCHAUD, Redneck Movies, Ruralité et Dégénérescence dans le cinéma américain, Editions Rouge profond.