Share Le podcast de Culture FLE
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Geneviève Geron nous donne quelques pistes sur la manière dont nous pouvons intégrer la francophonie dans notre cours. Elle évoque également les conséquences positives d’une telle intégration sur la motivation des apprenants.
Vous trouverez ici le résumé de sa conférence Le français, une langue francophone à enseigner.
Aujourd’hui, je suis avec Geneviève Geron, que j’avais rencontrée lors de la Rencontre FLE organisée par les Éditions Maison Des Langues à Barcelone. Elle y avait tenu une conférence intitulée « le français, une langue francophone à enseigner » et c’est pourquoi j’ai absolument tenu à la rencontrer pour la semaine de la francophonie !
Question : Bonjour Madame Geron ! Merci beaucoup d’avoir accepté mon invitation et d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je voudrais commencer par vous demander si vous pouviez vous présenter.
Réponse : Je suis responsable facultaire des formations continues à l’université publique de Louvain. Je m’occupe donc des formations en didactique du français langue étrangère depuis plus de 25 ans, et notamment du stage international d’été en didactique du FLE mais aussi du certificat en didactique du français langue étrangère. À côté de cela, je suis aussi professeure de didactique du français langue étrangère dans une haute école c’est à dire dans une école supérieure qui prépare les professeurs de français à la fois pour enseigner avec un public adulte ou bien pour enseigner dans un collège.
Question : Justement, par rapport à cet enseignement de la didactique du FLE, est ce qu’il y a un aspect qui vous paraît particulièrement important ? Qu’est-ce que qu’est-ce que vous cherchez à transmettre aux futur·es professeur·es en particulier ?
Réponse : Oui bien sûr ! Donc une première chose en contexte francophone, c’est d’abord de leur expliquer que ce n’est pas parce qu’on est un natif francophone qu’on est capable de donner cours de français langue étrangère, ce que pensent parfois certaines personnes. Et donc c’est de leur montrer qu’effectivement, lorsque nous apprenons notre langue maternelle, nous apprenons beaucoup de choses de manière intuitive, que nous allons devoir expliciter en français langue étrangère. Il y a aussi des stratégies à devoir apprendre, plus également tout le volet interculturel, qui dans l’enseignement des langues et dans l’enseignement du français langue étrangère est quelque chose de très important
Question : Oui bien sûr, quand on apprend sa langue maternelle on a un apprentissage assez naturel et mais ce sont quand même des personnes qui ont appris des langues étrangères… Est-ce qu’elles ne font pas le rapport avec leur propre apprentissage des langues étrangères où elles ont eu elles-mêmes une réflexion sur la grammaire et à la culture de la langue ?
Réponse : oui parfois. Mais parfois le transfert n’est pas à faire parce que la langue étrangère a peut-être été apprise avec une méthodologie qui, aujourd’hui, n’est plus tellement celle qu’on propose de suivre et donc parfois ce n’est pas si évident pour eux de faire des transferts.
Question : D’accord, donc c’est important pour eux de découvrir les nouvelles méthodes employées en didactique
Réponse : Tout à fait ! Donc méthode communicative et actionnelle ce sont évidemment des méthodologies qui sont importantes aujourd’hui et qu’ils doivent effectivement apprendre.
Question : D’accord. Alors je vous avais rencontrée à la Rencontre de Barcelone organisée par les Éditions Maison Des Langues et vous aviez tenu une conférence très intéressante sur « Le français langue francophone à enseigner » et dans laquelle vous insistiez donc sur l’importance de la francophonie dans l’enseignement de cette langue et vous aviez souligné notamment le fait que le français a une image assez élitiste
Réponse : Tout à fait. Donc on se rend compte par des études encore très récentes que l’image de la langue française est une image à la fois élitiste mais une image aussi très esthético-culturelle, c’est-à-dire qu’on y colle des images d’une nouvelle langue d’une langue d’une sonorité agréable, d’une langue d’une grande culture, avec une littérature avec une gastronomie avec une mode intéressante, donc finalement quelque chose d’assez élitiste mais aussi d’ assez esthético-culturel, et pas du tout une image d’une langue pratique. Et ça, je pense que c’est dommage, et je pense qu’effectivement comme je le disais à Barcelone, que, dans l’apprentissage de la langue, via l’ouverture à la francophonie, eh bien on peut peut-être faire changer cette image de la langue et rendre l’image de la langue française plus ouverte, comme celle d’une langue moderne, une langue vivante, dont on a besoin à la fois pour travailler et pour voyager et pas simplement comme celle d’une langue semblable à une langue morte, c’est à dire une langue que l’on étudie parce qu’elle est jolie, parce qu’elle a une grande littérature.
Question : Et donc ce que vous essayez de faire, en ré-incluant la francophonie dans le cours de français, c’est montrer qu’il s’agit d’une langue qui est parlée dans le monde entier ?
Réponse : Effectivement, je pense que c’est un atout important, dans le contexte de mondialisation actuelle, de montrer que la langue que l’apprenant·e est en train d’étudier est une langue qui va lui servir pour aller à Paris bien sûr, pour aller en France mais qui va aussi lui servir pour aller à au Canada, à l’île de la Réunion, au Maghreb, dans un pays d’Afrique noire… Donc je pense que c’est important aussi de montrer que cette langue est répandue, que c’est important au niveau rentabilité de l’apprentissage aussi de se rendre compte que c’est une langue qui va servir et que c’est une langue qui est utile.
Question : D’accord ! Donc en fait, ce que j’aimerais bien comprendre, c’est en quoi le fait de voir que c’est une langue qui est parlée dans le monde entier lutte contre cette image élitiste.
Réponse : Je pense que ça donne une image de la francophonie qui est une image plus proche des gens et donc plus proche de la réalité. Ça donne un peu plus de sens aux apprentissages un peu plus de sens à la langue que l’on est en train d’apprendre. Ce n’est pas une langue réservée à la culture, à cette élite qui pouvait comprendre la littérature française. La langue que je suis en train d’apprendre, c’est la langue qui sert de trait d’union entre des peuples et c’est avec ces peuples-là que je veux pouvoir parler. Ce n’est pas une langue réservée à une élite, c’est une langue de communication avant tout.
Question : Alors justement, le fait d’enseigner le français comme langue francophone finalement, c’est le remettre en contexte dans un bain culturel.
Réponse : Oui c’est très important ! Et ça, comme je l’ai expliqué à Barcelone, c’est parfois un peu dommage de voir que dans certains manuels, heureusement ça change et j’en suis vraiment très heureuse, on ne fait pas de contacts virtuels suffisant avec la langue, avec la langue francophone. Jean Claude Beacco disait que c’était important aujourd’hui d’avoir ces contacts virtuels avec les cultures francophones différentes et ce sont vraiment des contacts virtuels qu’il faut avoir et pas simplement une description d’une culture. C’est vraiment utiliser la culture, utiliser des témoignages de francophones comme base de l’apprentissage de la langue. C’est ça qui est important.
Question : C’est vrai que souvent l’apprentissage du français, il intervient après l’anglais et l’anglais, c’est aussi une langue parlée dans le monde entier mais sans doute l’aspect culturel n’est pas aussi accentué : on l’enseigne comme une lingua franca qui n’est pas vraiment un ancrée dans une culture. Je pense que vous avez raison : ça peut être vraiment très intéressant de de faire la différence avec le français. C’est paradoxal parce que finalement, on arrive à faire du français une langue actuelle en œuvre et ancrant dans les cultures francophones alors que l’anglais c’est le phénomène inverse qui se passe
Réponse : Tout à fait, mais je pense que justement c’est une de nos forces, parce que ça veut dire aussi qu’en travaillant plus proche des gens et en recontextualisant, on peut aussi faire passer des valeurs, on va aussi faire passer des messages. Et ça je pense que c’est aussi le rôle d’un professeur de FLE notamment dans la période où l’on vit aujourd’hui de se dire que nous sommes aussi des passeurs de culture. Ça veut dire ouvrir des personnes à l’altérité culturelle aussi et qui te permet de travailler ses cultures de manière à ne pas les hiérarchiser et à peut-être faire valoir aussi à une valeur de respect de la France et ça je pense que en tant que professeur de langue et en tant que professeur de français langue étrangère c’est aussi notre mission à travers cet apprentissage de la langue
Question : Oui effectivement, c’est une belle mission complémentaire ! Alors en fait justement, le fait que le français soit parlé dans le monde, c’est un héritage du colonialisme et là je voudrais en fait aborder ce sujet un petit peu polémique. Donc c’est un héritage du colonialisme : comment parler de cela en cours de français langue étrangère ? Comment mettre en valeur les aspects positifs de la francophonie mondiale tout en tout en reconnaissant le fait que c’est un héritage historique d’un du fait colonial ?
Réponse : Alors je pense que c’est quelque chose qu’il faut aborder tout à fait ouvertement. Et je pense que l’on peut expliciter justement la présence de la langue française en repartant des deux grandes périodes qui ont fait que le français est réparti sur les cinq continents en partant à la fois de la période du 16e siècle, qui était la période où on faisait les grandes découvertes, on cherchait des chemins pour le commerce etc. et puis cette période du 19e siècle qui est la période du colonialisme. Mais je pense que je vais reprendre une phrase célèbre de Léopold Sédar Senghor, qui disait : « Dans les décombres de la colonisation, nous avons trouvé cet outil merveilleux la langue française. » et je pense que c’est ce côté-là que l’on doit retenir, c’est à dire qu’on doit retenir qu’on a la chance aujourd’hui d’avoir une langue qui est partagée par toute une série de peuples. C’est cet outil-là que l’on doit garder. Je sais qu’aujourd’hui certains peuples, je pense notamment à l’Algérie qui n’a jamais voulu rejoindre l’organisation internationale de la francophonie, et je pense qu’aujourd’hui cette organisation internationale de la francophonie veut d’abord promouvoir le plurilinguisme et la multiculturalité. Je pense qu’on n’est pas en train de dire le français contre l’anglais, mais on est en train de dire le français avec l’anglais, avec d’autres langues : c’est ce message-là je pense, qui est un message beaucoup plus positif, qui est beaucoup plus réaliste aussi. On ne doit pas aller comme on l’a fait à la période coloniale, c’est à dire imposer la langue mais partager une langue avec d’autres et avec d’autres cultures et avec d’autres langues, et ça je pense que c’est une façon de revisiter notre histoire. On ne peut pas l’effacer, mais on peut justement montrer qu’on avance aujourd’hui de façon tout à fait différente et qu’on peut garder cette richesse finalement, de cette présence de la langue française sous les 5 continents, en la gardant comme trait d’union avec des peuples. Des peuples qui ont, oui, des cultures différentes, qui ont des traditions différentes, mais qui nous permettent de nous enrichir mutuellement.
Question : J’aimerais vous demander si vous aviez des conseils pour les professeurs de FLE qui enseignent dans un pays non francophone et qui n’auraient pas le choix de leurs manuels.
Réponse : Je pense que même si on n’a pas le choix de son manuel, on peut de toute façon utiliser les manuels qui existent déjà, d’autres manuels, on peut s’en inspirer. Mais même si on n’a pas ces manuels à notre disposition, je pense qu’on a aujourd’hui via internet accès à pas mal de ressources sur la francophonie : je pense évidemment à TV5 Monde qui est une mine d’or évidemment pour des documents authentiques francophone, sans oublier leurs versions TV5 Afrique, TV5 Québec, avec énormément d’émissions, que ce soit Destination Francophonie, 7 jours sur ma planète, ça bouge en francophonie… Il y a vraiment énormément de documents. On a aussi l’accès à tout le matériel que RFI propose. Vous avez notamment un portail très bien fait : le portail du FLE dans lequel il met aussi pas mal de ressources à disposition des professeurs de français langue étrangère ; il y a ce que le site de l’OIF propose : vous pouvez sans problème obtenir des cartes de la francophonie pour mettre dans vos classes ou du matériel et il propose aussi des fiches qui présentent cette francophonie institutionnelle et avec lesquels on peut travailler. On peut également travailler avec des ouvrages comme Civilisation progressive de la francophonie ou avec le magazine des francophiles et des francophones. Il y a, je pense, pas mal de matériel à disposition des professeurs de français langue étrangère pour pouvoir ouvrir leurs classes à la francophonie et insérez la francophonie, même si on est obligé de suivre un manuel qui reste majoritairement franco-français.
Question : Ça voudrait dire insérer de petites capsules qui ne sont pas forcément connectées aux manuels, ou qui seraient sur le même thème que l’unité qui vient d’être faite, mais qui viendrait dans notre fil.
Réponse : Oui, mais peut-être pas le faire comme on l’a fait très souvent dans les manuels, c’est à dire qu’on les ajoute simplement comme pages « culture » à la fin d’une leçon, mais vraiment se servir de ces documents authentiques comme base de l’apprentissage, un petit peu comme le manuel Défi l’a fait récemment en intégrant la culture francophone comme base de l’apprentissage. Vous avez d’autres manuels comme Saison comme Edito et Entre-nous qui utilisent du matériel et des documents authentiques francophones pour apprendre à décrire une personne au niveau vestimentaire ou bien à parler du temps. On peut se servir de ces documents francophones aussi comme base de l’apprentissage et pas simplement, comme on l’a fait trop souvent, comme simplement pages « culturelles » en fin de leçon. Ne pas l’utiliser comme simplement ouverture descriptive d’une autre culture mais de se servir de ces documents aux francophones pour montrer qu’avec ces documents francophones, on peut aussi apprendre la langue française.
Et vous pouvez aussi insérer cette contextualisation francophone même dans nos tâches : quand on demande de présenter une personne, on peut demander de présenter une personne célébrité francophone plutôt que simplement française. Je pense que ça ouvre les horizons. C’est donc dans nos tâches actionnelles que l’on donne en fin de leçon, qu’on peut aussi contextualiser dans un environnement francophone. Ce n’est pas encore dans les manuels, ça n’est pas encore très présent, et donc je pense que c’est encore à nos profs de FLE de contextualiser. Ça commence à venir un tout petit peu dans les manuels, j’espère que ça va encore se développer mais je pense que c’est important de contextualiser la langue dans des circonstances et dans des contextes francophones même lorsque je suis dans un pays non francophone.
Conclusion : D’accord ! Merci beaucoup madame Geron, d’avoir répondu à mes questions !
Réponse : Avec plaisir et j’espère que ça permettra aussi à tous les professeurs de français langue étrangère de motiver aussi peut-être leurs apprenant·es en ouvrant vers d’autres cultures vers d’autres vers d’autres horizons et que ça leur permettra aussi une plus grande créativité
Oui, en effet, je pense que c’est un enrichissement qui permet de motiver en effet.
L’article La francophonie à l’honneur avec Geneviève Geron est apparu en premier sur Culture FLE.
Aujourd’hui, je suis avec Lionel Favier, l’un des auteurs de L’interculturel en classe.
Nous parlons de son parcours, de la définition des mots multiculturel, pluriculturel et interculturel, et de la manière d’aborder l’interculturel en classe. Il s’agit en effet d’un concept de plus en plus à la mode, et qui gagne à être connu. J’espère que cette interview vous convaincra de l’importance d’intégrer cet aspect à vous cours. Bonne écoute !
Lionel Favier a créé sa société : Azur Learning.
L’article Aborder l’interculturel en classe (de FLE) est apparu en premier sur Culture FLE.
Comme promis, voici donc l’interview de Monique Denyer. Pour avoir le résumé de sa conférence, allez voir l’article Rencontre FLE de Barcelone : la conférence de Monique Denyer.
La culture est donc à l’honneur sur Culture FLE !
L’article La culture dans l’approche actionnelle est apparu en premier sur Culture FLE.
Aujourd’hui, je suis avec Amandine Quétel, que j’ai rencontrée à la Rencontre FLE de Barcelone organisée par les Éditions Maison des Langues (EMDL). Amandine Quétel a été enseignante de FLE et est actuellement formatrice de formateurs, notamment pour TV5 MONDE et les EMDL. Elle nous parle de l’utilisation des vidéos en classe de FLE.
Bonjour Amandine !
Bonjour Marianne !
Merci d’être là !
De rien, avec plaisir.
Est-ce que vous pourriez vous présenter pour nos auditeurs ?
Oui, donc je suis Amandine Quétel. Actuellement, je suis formatrice de formateurs et auteure, autrice, de manuels de FLE avec les éditions Maisons des Langues et donc formatrice de formateurs de manière indépendante, en free-lance. Je travaille beaucoup avec les éditions Maisons des langues, également avec TV5 MONDE et par moi-même, je réponds à des demandes d’institutions qui souhaitent former leurs professeurs, voilà.
D’accord. Comment est-ce que vous êtes passée de professeur de FLE à formatrice de formateurs ?
Alors, en fait… Je suis en train de réfléchir mais j’ai toujours eu des postes à la fois de professeur et de coordinatrice pédagogique. Et du coup dans mes fonctions, selon les institutions, j’ai eu l’occasion de travailler avec des professeurs de FLE qui n’avaient pas eu accès à la même formation que moi. C’est-à-dire que moi, j’ai un Master FLE d’une université française, de l’université de Nantes, qui était une bonne formation, très complète. Dans un de mes premiers postes, j’ai travaillé à l’Alliance Française de Sainte-Lucie, une petite île des Caraïbes, et les professeurs de FLE locaux n’avaient pas du tout eu accès à cette formation. Ils avaient un niveau plus ou moins de Bac+2 avec très peu de didactique dans leurs études ; un très bon niveau de français, ça, il n’y avait pas de problème, mais c’est vrai qu’au niveau de la pédagogie, de la didactique, de la connaissance du monde du FLE, par exemple des niveaux du CECR, c’est vrai qu’ils n’avaient pas du tout la même connaissance que moi. Donc la direction de l’Alliance française m’a très rapidement demandé de faire de petits ateliers pour partager un peu ces connaissances, et eux partageaient avec moi plutôt leur connaissance du terrain, parce qu’ils connaissaient bien leurs élèves, etc. Donc c’était intéressant, parce que ça a été très rapidement des échanges plus que des formations vraiment magistrales. Et ensuite, quelques années plus tard, lorsque j’étais en poste à l’institut français de Bilbao, j’ai eu la chance de pouvoir faire une formation pour devenir formatrice labellisée par TV5MONDE. J’ai suivi une vingtaine d’heures de formation par quelqu’un de TV5 MONDE pour faire de nous des formateurs « officiels » de TV5 MONDE. Ça a été super intéressant aussi pour apprendre à vraiment construire une formation, ce que j’avais fait de manière un peu intuitive jusqu’à maintenant, construire une formation complète en prenant en compte et les besoins de l’institution et des professeurs qui ne sont pas toujours exactement les mêmes. Et puis du coup, voilà à partir de ce moment-là, j’ai commencé à faire pas mal de formations pour TV5 MONDE, surtout en Espagne au départ, et puis maintenant un peu partout dans le monde, pour TV5 MONDE et pour d’autres, pour qui veut bien en fait.
D’accord, et ces formations que vous proposez pour TV5 MONDE elles tournent aussi autour de la vidéo, ou c’est quelque chose de différent ?
Oui, oui, bien sûr. En fait le principe de la formation, c’est d’apprendre à utiliser toutes les ressources proposées par le site TV5 MONDE, donc c’est essentiellement des vidéos, même s’il y a aussi quelques articles, il y a quelques chansons sans vidéos, il y en a très peu, mais il y en a, il y a quelques textes littéraires aussi, mais c’est vrai que l’essentiel des fiches pédagogiques sur TV5 MONDE sont basées sur des documents audiovisuels. Donc, c’est vrai que c’est quelque chose qui m’intéressait déjà auparavant mais, voilà, qui m’a questionnée et j’ai dû faire des recherches au niveau de tout ce qui est audiovisuel en classe, audiovisuel dans l’apprentissage, dans l’enseignement d’une langue, donc, en fait, une grosse partie de la formation est consacrée à pourquoi et comment utiliser le document audiovisuel en classe.
D’accord. Et vous, vous en êtes arrivée comment à utiliser la vidéo en classe de français langue étrangère ? Il y a eu une raison particulière, un déclic ?
Alors, en fait, moi, personnellement, je regarde énormément de films, j’ai toujours regardé beaucoup de films. Avant de savoir que le métier du FLE existait, j’avais envie d’être critique de cinéma. Bon, c’était un rêve d’adolescente mais voilà, j’ai toujours adoré le cinéma. Depuis que les séries comme on les connaît actuellement existent, je regarde énormément de séries. Je suis plein de webséries de petits créateurs de séries sur YouTube par exemple, c’est un média que j’aime déjà, moi, personnellement, beaucoup. Et ensuite, je trouve qu’il apporte beaucoup dans la classe. Donc assez rapidement, dès mes premières années d’enseignement, j’ai été amenée à utiliser des vidéos, et aussi parce que le site de TV5 MONDE, cela fait des années qu’il existe et qu’il propose plein de choses clé en main pour les profs. Donc, c’est vrai que quand on cherche un peu des idées d’activités, des idées de ressources etc., on tombe assez rapidement sur le site de TV5 MONDE. Du coup, si on aime ça, si on a aussi le matériel, parce qu’il faut aussi un peu de matériel pour pouvoir regarder des vidéos en classe, on peut quand même très rapidement être amené à utiliser ce support, et assez facilement, si on suit la fiche pédagogique de TV5 MONDE, c’est toujours assez bien construit et ça donne pas mal d’idées sur comment utiliser ensuite d’autres vidéos qu’on pourra trouver nous-mêmes. Donc c’est assez naturellement que je me suis mise à utiliser des vidéos, parce que de toute façon, c’est un support qui fait partie de ma vie, et encore plus maintenant avec les smartphones etc., on est constamment, enfin, en tout cas moi, je suis constamment en train de regarder des vidéos.
Oui, c’est une manière en fait de faire entrer la vie réelle dans la classe de langue.
Tout à fait. Parce que, à mon avis, à moins d’enseigner à des générations plus anciennes, vraiment plus anciennes, je pense que tout le monde est confronté à des vidéos tout le temps dans sa vie. Dès qu’on regarde un réseau social, que ce soit Facebook, Instagram ou autre, on tombe sur des vidéos, très rapidement. Donc, c’est vrai que pourquoi ne pas le faire rentrer dans la salle de classe ? Quand on enseigne une langue vivante, je trouve qu’il faut que cela ressemble à la vie réelle, il faut que ça soit la vie réelle.
Oui, bien sûr. Est-ce que vous pourriez nous parler un petit peu des avantages de la vidéo en classe de langue ? Donc, on a vu effectivement, faire entrer la vie réelle en classe. Est-ce qu’il y a d’autres avantages à cette utilisation ?
Alors à mon avis et je crois que tous les profs seront d’accord, parce que, à chaque fois que je fais des formations sur ce thème, c’est la première raison qui arrive, c’est que ça stimule la motivationdes apprenants… et des profs. Ça, on l’oublie, mais je pense que ça motive, en tout cas moi, ça me motive, de montrer à mes élèves une vidéo qui me plait, qui va leur faire découvrir des nouvelles choses, avec laquelle on va pouvoir aborder des points de langue, de la grammaire, du lexique etc., mais d’une manière différente. Ça peut être plus vivant, ça peut être différent, mais voilà, ça stimule énormément la motivation parce que c’est de l’image et du son, c’est une image qui bouge, ce n’est plus le professeur qui parle, ce n’est plus le livre qu’on a ouvert, donc ça change, ça change de support. En général, on essaie de montrer des vidéos authentiques, donc c’est aussi découvrir la langue telle qu’elle est parlée dans le pays, ça peut être parlé par des jeunes de l’âge des apprenants. On peut utiliser des vidéos sur tous les thèmes donc on va pouvoir choisir des vidéos qui traitent de sujets d’intérêt, je pense notamment aux adolescents : ce n’est pas toujours facile de susciter l’intérêt des adolescents, surtout quand ils n’ont pas forcément choisi d’apprendre le français, donc, si on peut leur montrer que le français, ce n’est pas quelque chose d’ennuyeux, qu’il y a des jeunes Français tout comme eux qui parlent français et que ça peut être utile de parler français. Donc il y a vraiment ce côté motivation.
Après, je trouve aussi que la vidéo ça facilite la compréhensionparce que bien sûr, il y a du son, il y a des personnes qui parlent, mais il y a surtout de l’image dans la vidéo et l’image, quel que soit notre niveau de langue, on va pouvoir la comprendre pour la décrire, on va pouvoir l’aborder beaucoup plus facilement que le texte écrit ou le texte parlé. Donc on utilise beaucoup l’image comme un vecteur entre les langues. Je donne toujours l’exemple du dessin d’une pomme, si on montre un dessin d’une pomme, quelle que soit la nationalité des personnes, même si on ne peut pas dire que ça s’appelle une pomme, on va dire que c’est quelque chose qui se mange, on va dire que c’est un fruit… Alors que si on écrit au tableau le mot pomme, ça ne va pas forcément parler à grand monde si on a un petit niveau de français.
Voilà, donc il y a cette idée, et puis l’immersion culturelleaussi. Dans une vidéo, enfin ça dépend quelle vidéo on choisit, mais il y a normalement toujours aussi un contexte culturel, il y a du non-verbal qui est très important : on va pouvoir étudier les gestes des personnes, les intonations non-verbales… Donc voilà, il y a plein de choses qui passent dans l’image aussi.
Et enfin, je trouve que ça aide beaucoup les apprenants à s’exprimeraussi. Toute la partie production, qu’elle soit écrite ou orale, je trouve que le fait d’avoir regardé une vidéo, d’avoir étudié une vidéo, d’avoir travaillé à partir d’une vidéo, ça stimule vraiment l’expression. Ne serait-ce que lorsqu’on leur montre une première fois une vidéo et qu’on leur demande d’écrire ou de répondre à des questions basiques comme qui ? quoi ? où ? comment ? pourquoi ? C’est rare d’être face à un silence complet dans la salle, alors que si on lit un texte, c’est un peu plus difficile. Je trouve en tout cas. Il y a plein d’hypothèses à émettre à partir d’une vidéo et je trouve que ça, c’est un truc qui stimule beaucoup l’expression écrite et orale.
Voilà, pour résumer un peu. Après je pourrais en parler pendant deux heures, mais j’essaie de résumer.
Oui, en effet, il y a beaucoup d’avantages. Je pense effectivement que ça aide à l’expression orale dans la mesure où dans un texte, peut-être qu’on ne comprend pas tout mais dans la vidéo, comme vous l’avez dit, il y a toujours au moins des images sur lesquelles il est possible de dire quelque chose.
C’est ça et je trouve que souvent on a tendance un peu à oublier le côté image quand on est prof de FLE, prof de langue en général et qu’on prépare son cours, on va surtout écouter ce qui est dit dans la vidéo pour voir un peu quel lexique on va pouvoir utiliser… donc là, le journaliste parle au passé, donc on va essayer de faire quelque chose sur le passé… Bien sûr, il ne faut pas oublier cette partie de la voix, des dialogues etc., mais je trouve qu’il faut beaucoup se servir de l’image parce que c’est vrai que je trouve que de temps en temps, on a tendance à oublier un peu la partie image et, finalement, c’est la première chose que les apprenants vont voir et comprendre, je pense.
Oui, en effet, là, si nos auditeurs veulent avoir un exemple, j’avoue que j’avais donné une astuce sur le passé. Moi j’utilisais un passage d’un vieux film, c’est vrai : Nikita de Besson, parce qu’il y a tout un passage quand il l’amène au restaurant, il n’y a absolument pas de paroles, mais je trouve qu’on peut tout à fait décrire tout ce qui se passe, donc ce n’est pas du tout de la compréhension orale, mais ça permet de s’entrainer justement éventuellement aux temps du passé. C’est ce que j’avais proposé sur mon site.
C’est ça, on a tendance à associer vidéo à compréhension orale alors qu’on peut bien sûr faire de la compréhension orale, mais on peut faire de tout, on peut travailler les 4, ou les 5, ça dépend comment on compte, compétences. On peut travailler la production, écrite, orale, on peut travailler l’interaction parce qu’on va faire discuter entre eux nos apprenants, la compréhension orale, bien sûr, et la compréhension écrite, parce qu’une vidéo ça peut être lié à des textes, donc on va pouvoir illustrer certains textes par la vidéo ou au contraire apporter des informations sur une vidéo par des textes. Vraiment, je pense que c’est possible de travailler de plein de manières différentes, pas forcément la compréhension orale, ce qu’on pense souvent en premier, moi la première, au départ, je pensais vidéo pour travailler la compréhension orale.
Oui, c’est vrai qu’on a souvent ce réflexe-là. Donc, vous nous avez dit un petit peu le type de vidéo que vous utilisez. Il y a effectivement les vidéos de TV5 MONDE, il y a beaucoup de matériel qui est proposé par la chaîne pour travailler sur ces vidéos. Vous nous avez parlé de films, de séries. Quel type de vidéo vous utilisez, vous, le plus souvent ? Enfin, c’est vrai qu’actuellement, vous n’enseignez pas, je crois, mais qu’est-ce que vous avez utilisé le plus souvent, peut-être ?
Alors non, actuellement, je n’enseigne pas. En tout cas pas de manière régulière comme j’ai pu le faire avant. Alors c’est vrai que moi, j’ai surtout utilisé les vidéos de TV5, d’abord, je l’avoue, parce que les fiches pédagogiques sont toutes prêtes et qu’en général elles me conviennent parfaitement. Donc, on est tous pareils, on cherche à gagner du temps, quand même. Et beaucoup d’extraits de films aussi, ou de bande-annonce. Les bandes annonces, c’est un peu particulier, mais je les ai utilisées en classe, des extraits de films, soit des extraits de séries, soit des épisodes de mini-séries. Je pense notamment à Bref, qui n’existe plus, mais que presque tout le monde connaît. Voilà, pour vous dire un peu le format de séries dont les épisodes durent au plus 5 minutes.
Et c’est vrai que moi, j’ai tendance à utiliser beaucoup les vidéos de TV5 pour le côté documentaire, apport culturel, en général on voyage, on découvre de nouvelles choses, ça fait discuter de thèmes, il y a beaucoup de vidéos sur l’écologie, sur l’environnement. Tout dépend de notre objectif, on ne va pas travailler la même chose de la même manière, avec un extrait d’une fiction et avec un extrait d’un documentaire ou d’un reportage, ça c’est sûr.
D’accord. Effectivement, Bref, j’avais aussi essayé de l’utiliser en cours, mais je trouvais que le débit de parole était quand même…
Oui, c’est très très rapide. Alors après, encore une fois, il faut penser à l’image. C’est sûr que c’est très très rapide, déjà pour nous francophones, ça va très vite. Et c’était l’identité de cette série. C’en était la spécificité. Après moi, j’ai beaucoup travaillé sur l’image. Sur le débit, justement, faire remarquer aux élèves que c’est extrêmement rapide, pourquoi il parle aussi vite, et bien insister sur le fait que ce n’est pas grave qu’on ne comprenne pas tout. Et en fait, j’avais travaillé sur la production après ça. Donc en fait, même si on n’avait pas tout compris ce qui se passait dans la vidéo, on avait essayé de refaire. On n’a pas fait de vidéo parce qu’on a manqué un peu de temps, mais on a refait à l’oral, dans la classe, des mini-scénettes de Bref où il y avait un locuteur qui essayait d’aller à peu près aussi vite que dans la série, mais de manière beaucoup plus courte, sur une minute, et un autre élève qui faisait l’image, qui mimait tout ce qui se passait. Et c’était un excellent travail pour la phonétique, pour l’articulation, l’intonation… parce qu’on répétait énormément tous les petits textes qu’ils allaient ensuite débiter, et c’est vrai qu’ils avaient fait pas mal de progrès sur la prononciation parce que voilà, si on veut copier le débit de cet acteur, il faut y aller. Même nous, francophones, je trouve que c’est vraiment très rapide.
Oui, oui, en effet, c’est très rapide. Mais c’est vraiment une excellente idée, de reproduire ce qu’ils ont vu. C’est un exercice que vous faites souvent ça ?
Alors je l’avais fait avec deux groupes, cette idée de Bref, parce que j’avais eu deux groupes qui s’étaient succédés et comme ça avait bien marché avec le premier, je l’avais refait ensuite. Je n’ai pas eu l’occasion de refaire et puis Bref, il faut vraiment avoir des groupes adultes, un peu ouvert d’esprit et puis, il faut bien choisir ses épisodes parce qu’il y a quand même beaucoup d’épisodes avec du contenu qu’on n’a pas forcément envie de montrer en classe. Donc il faut faire un peu attention. Avec des adolescents, je n’ai pas testé parce que c’est vrai que déjà, le personnage principal, c’est quand même un homme de trente ans, donc ça ne parle pas forcément autant à des adolescents.
J’ai fait cette expérience deux fois, et après, par contre, dans le même style, je fais souvent rejouer un extrait. On étudie le passage d’un film et ensuite, on essaie de le refaire, mais de le refaire de manière un peu différente. Moi, ce que j’aime bien, c’est donner des contraintes à mes élèves. Des contraintes dans le sens où je vais leur distribuer un petit papier sur lequel ils vont avoir par exemple un mot à placer. Ou alors un style à refaire, par exemple, on va refaire cet extrait sous la forme d’une comédie romantique, ou d’un film d’action, ou d’un film policier, ou alors une époque, par exemple on va le refaire à l’époque du Moyen Âge, ou en changeant le lieu, on n’est plus en France, on est en Inde, et donc forcément il y a des choses qui changent. Ça, ça peut être une piste pour refaire un peu un extrait.
Sinon on peut aussi écrire des sous-titres, refaire les sous-titres de l’extrait donc on peut les refaire de manière très conventionnelle tels que les personnages parlent, donc là, c’est vraiment un exercice de compréhension orale et d’expression écrite enfin, de retranscription, mais on peut aussi s’amuser à faire des sous-titres qui n’ont rien à voir. On va essayer de coller aux dialogues, dans le sens où il faut bien que les sous-titres correspondent aux personnages qui sont en train de parler, mais on va pouvoir imaginer une scène complétement différente, et donc ensuite regarder l’extrait sans écouter les dialogues mais en lisant les sous-titres. On va pouvoir réinterpréter complètement l’extrait. Donc ça, ça plait souvent aux élèves parce qu’ils sont complètement libres d’inventer ce qu’ils veulent à partir des images de l’extrait. Et dans le même style, on peut aussi écrire une voix off par exemple. Donc on va garder les images et on contraire on va, soit réécrire une voix off, soit ré-enregistrer des dialogues à coller par-dessus, et donc là, pareil, on va pouvoir inventer ce qu’on veut à partir des images qu’on déjà vues et revues plusieurs fois.
Quelques idées comme ça en vrac.
Oui, effectivement, ça c’est vraiment une bonne idée cette histoire de voix-off. Ça permettrait même de faire du discours indirect éventuellement pour les dialogues…
Ah oui, il y a plein de possibilités. Avec l’histoire de la voix off, on peut en faire du A1 au C1, en leur donnant des consignes qui correspondent à leur niveau. Et en plus, au niveau technique, ce n’est vraiment pas compliqué, parce que, soit on n’a pas du tout de matériel et donc on éteint simplement le son de la télé et on parle en même temps qu’on regarde, mais après, avec un téléphone, il y a toujours un dictaphone sur un téléphone, donc c’est vraiment facile d’enregistrer la voix off et de la coller par-dessus. Au niveau technique, c’est ce qu’il y a de plus facile. Parce que les sous-titres, ce n’est pas si simple, il faut avoir un petit programme. Donc ça dépend après des compétences et du prof et des élèves au niveau informatique, il faut bien choisir ses exercices en fonction de nos compétences aussi.
Oui, justement, cela demande quelques logiciels en fait toutes ces activités si vous voulez vraiment incruster les sous-titres, il y a des logiciels qui permettent de faire ça ?
Alors, je n’ai pas en tête le nom du petit programme que j’avais utilisé. Par contre, ce que j’ai en tête, c’est un site un peu différent qui s’appelle bombay-tv (http://www.bombay-tv.net). Je ne sais pas si vous le connaissez, c’est un site en anglais mais il faut passer outre, parce qu’il y en a beaucoup des sites en anglais. Donc ça s’appelle bombay-tv (http://www.bombay-tv.net), et en fait ce sont des extraits de films de Bollywood, mais des années 70-80 à mon avis. Donc c’est vraiment très très kitsch. Et ce sont de tout petits extraits de vraiment quelques minutes, et on peut écrire les sous-titres directement. Il y a comme un formulaire pour les élèves, pour écrire les sous-titres, et ensuite, il suffit de cliquer sur envoyer, et notre vidéo est tout prête. Donc on va pouvoir voir ces malfrats indiens avec leurs grosses moustaches, qui sont en train de parler, peut-être d’une recette de cuisine, parce qu’on aura choisi peut-être de faire des sous-titres sur le thème de la cuisine, ou de leurs problèmes de couples, ou de ce qu’on veut, en fait. Et ça, c’est très facile à utiliser, et ça fait des résultats assez drôles. Et ce qui est chouette aussi avec ce petit site, ce petit programme, c’est que c’est très facile de partager le lien, donc moi, avec mes élèves j’utilisais beaucoup l’outil Padlet (https://fr.padlet.com). C’est une plate-forme qui permet de venir coller, comme si c’étaient des post-it, toutes les productions, tous les liens, tout ce qu’on veut en fait c’est vraiment un mur à idées, et donc, au début d’une session de cours, je créais ce mur « Padlet », j’incitais fortement mes élèves à installer l’application Padlet sur leur téléphone, mais si on n’a pas l’application, on peut le faire directement sur un ordinateur, et à chaque fois qu’on produisait quelque chose, on allait le coller ensuite sur ce mur. Et c’est vrai que cette histoire de Bombay-tv avec les sous-titres, ça a marché super bien parce que tout le monde regardait la vidéo de l’autre et donc là, dans le travail de compréhension justement, c’est assez chouette, parce que ce n’est même plus nous, les profs, qui disons aux élèves, bon, ce serait bien que vous alliez regarder ce que l’autre a fait, en fait, ils avaient très envie d’aller voir ce que les autres avaient fait. Ils commençaient à chercher les mots pour comprendre les blagues des autres… Enfin, c’était assez chouette parce que moi, je n’avais plus rien à faire… Ça marche vraiment bien, donc je conseille fortement aux profs d’aller voir ce petit site bombay-tv parce que c’est facile, il n’y a pas besoin de compétence techniques particulières et c’est juste que c’est en anglais, enfin, l’interface est en anglais.
D’accord. Ça a l’air assez drôle en effet et puis c’est vrai que c’est un bon argument si les apprenants vont d’eux-mêmes voir les productions de leurs camarades, ça c’est effectivement quelque chose que j’essaie toujours d’encourager, mais je n’ai pas toujours de succès…
Ce n’est pas facile et c’est vrai que c’est pour ça que moi je passe très souvent par l’humour et à chaque qu’il y a des productions à faire, enfin pas systématiquement parce qu’il y a quand même des fois où on prépare les élèves à des examens sérieux donc, non, mais très souvent, j’essaie de donner des contraintes un peu humoristiques dans les productions aux élèves. Comme je vous disais tout à l’heure, quand on rejoue un extrait, on change l’époque, on change le lieu, etc., ou on doit les obliger à placer un mot qui ne va pas forcément être facile à placer, ou à utiliser un style, enfin voilà. Parce que je trouve que, eux, cela va les motiver, d’abord parce qu’ils savent que le contenu n’est pas très sérieux, disons qu’il y a un second degré, donc ils auront plus tendance à se lâcher un peu, je trouve, et les autres vont écouter ou lire ou regarder beaucoup plus attentivement parce que, en général, je vais demander à ceux qui écoutent d’imaginer quelle a été la contrainte. Donc, en plus de devoir regarder ou lire ce que les autres ont fait, ils ont un petit exercice aussi. Je trouve qu’il faut toujours que le reste de la classe ait toujours aussi une tâche en fait, une petite mission, sinon, comme vous dites, ce n’est pas facile de capter toujours leur attention. Alors ça ne marche pas à tous les coups, il ne faut pas croire que c’est miraculeux, mais ça aide, je trouve un peu.
Oui, oui, ça a l’air en tout cas. L’humour est un bon moyen de les motiver à faire ça.
Oui, je crois.
Donc, vous nous avez déjà donné quelques pistes d’exploitation pour la vidéo. Quand on choisit une vidéo pour sa classe, à quoi il faut faire attention en fait ?
Alors, il y a plusieurs critères. Déjà les critères techniques : est-ce que je vais avoir accès à cette vidéo dans ma salle de classe ? Parce qu’on est tous un peu tributaires de la qualité de la connexion à Internet. Donc moi, je recommande toujours aux profs de choisir des vidéos qu’ils vont pouvoir télécharger et avoir sur une clé USB et sur leur ordinateur, pour ne pas dépendre de cette fameuse connexion, parce que des fois, il suffit qu’il pleuve ou qu’il neige et puis, ça ne marche plus. Donc ça c’est un premier critère purement technique.
Dans les autres critères techniques, je pense qu’il faut veiller à ce que la qualité de la vidéo soit bonne, donc à ce que l’image soit claire, ne soit pas pleine de pixels, que le son soit clair aussi parce que, comme on l’a dit auparavant, on va en général utiliser des vidéos authentiques, donc avec des locuteurs natifs qui parlent, si en plus le son n’est pas très très bon, cela rajoute des difficultés pour nos élèves qu’on peut sans doute essayer d’éviter. Bon, après pour des niveaux à partir de B2, C1, C2, on peut se permettre d’avoir un son un peu moins bon. D’ailleurs souvent dans les épreuves du DELF, le son du B2 est volontairement mauvais.
Ensuite, je trouve qu’il faut que la vidéo apporte quelque chose d’autre que ce qu’apporte le prof donc, si on va choisir une vidéo d’un prof de français qui est en train de donner un cours à ses élèves, je ne suis pas sûre que ce soit très intéressant. Après, tout dépend, mais je trouve qu’il faut vraiment apporter justement quelque chose de différent, que ça fasse voyager, qu’on découvre quelque chose d’autre en plus du côté linguistique, je trouve que ce n’est pas mal d’apprendre quelque chose de nouveau, de voyager, de découvrir un nouveau sport, un nouveau pays, enfin, n’importe quoi.
Et le dernier critère mais le plus important, c’est qu’il faut qu’il y ait une pertinence avec notre objectif pédagogique. A mon avis, faire une vidéo pour faire une vidéo en classe, ça n’a pas forcément beaucoup d’intérêt. Par contre, il faut vraiment, j’allais dire choisir la vidéo, mais c’est choisir l’exploitation qu’on va en faire en fonction de notre objectif pédagogique. Ça parait évident mais des fois, on l’oublie un peu, parce qu’il reste dix minutes, tiens, si on faisait une vidéo de TV5 MONDE. Bon, pourquoi pas, mais je trouve que, justement, le support de la vidéo peut être utilisé complétement à des fins pédagogiques, donc autant l’intégrer dans notre programme plutôt que de le faire en petit bonus de fin de cours.
Oui, je crois qu’en fait la question, c’est de savoir mais qu’est-ce qui vient d’abord ? Est-ce que c’est l’objectif pédagogique ou est-ce que c’est la vidéo ? Parce ce n’est pas toujours évident de trouver une vidéo qui corresponde à l’objectif qu’on avait en cours. Est-ce que finalement, ce n’est pas l’occasion qui fait le larron, on trouve une vidéo qui est bien, qui correspond à quelque chose qu’on voit en ce moment en cours, et on décide de l’utiliser ?
Oui, voilà, c’est ça. Les deux perspectives peuvent être bonnes, il n’y a pas de problème. Moi c’est vrai que j’ai plutôt tendance à intégrer le support de la vidéo comme j’intégrerais un texte ou n’importe quoi pour servir les objectifs qu’on est en train de traiter en classe. Et le plus facile dans ces cas-là pour trouver la vidéo, j’en parle encore, mais c’est le site de TV5 MONDE, parce qu’il y a un outil de recherche qui est assez performant et on va pouvoir filtrer les recherches en triant par mots-clés etc. Et justement, vendredi dernier, j’ai fait une formation sur le site de TV5 MONDE, et donc j’ai vu qu’on en est à 1045 fiches pédagogiques sur le site. Donc c’est énorme, il y a forcément quelque chose qui va pouvoir servir notre objectif. C’est une première source de vidéos et surtout d’exploitation pédagogique parce trouver la vidéo, bon, on peut, nous, avoir vu un film qui nous plaise et décider, comme vous l’avez fait pour Nikita par exemple, quand on trouve soi-même quelque chose, c’est super, après, il faut réussir à en faire l’exploitation qui correspond, mais je pense que les profs de FLE, en fait, on a un peu cette maladie-là : quand on regarde un film ou qu’on entend une chanson, on pense à l’exploitation qu’on pourrait en faire. Enfin, je ne sais pas si ça vous fait ça aussi, mais moi j’ai tendance à dire : « C’est super cette chanson, il y a vachement de passés composés ! Il faut que je note quelque part, ça pourra me resservir… » Enfin, c’est peut-être moi toute seule, mais je ne crois pas.
Non, je ne crois pas du tout, effectivement. Moi, c’est surtout quand je lis, effectivement, je vois tout de suite quel extrait je pourrais utiliser pour traiter tel aspect dans mon cours, mais effectivement quand je regarde des séries ou des films, parfois, j’ai aussi ce réflexe-là, de me dire : « Ah, cet extrait-là, on pourrait l’utiliser pour tel ou tel aspect… » Mais effectivement, TV5 MONDE est très riche, donc là-dessus je ne peux que vous suivre et recommander si on ne sait pas quelle vidéo faire, d’aller sur ce site. Mais admettant que le choix se porte plutôt sur une série, comment est-ce qu’on peut construire sa séance, est-ce là vous avez des conseils à donner ?
Alors pour ce qui est de la série, il y a plusieurs manières de travailler. Déjà, ce qui m’intéresse dans le format de la série, c’est que c’est récurrent, ce n’est pas comme un film où il n’y a qu’un seul épisode, là, on a toute une saison ou plusieurs saisons. Et ce que j’aimerais réussir à développer, c’est encore un peu à l’état de réflexion pour l’instant, c’est utiliser la série vraiment en mode « série », donc, par exemple, utiliser une saison complète pendant une année scolaire ou une session de cours avec des élèves.
Donc, plusieurs manières de travailler. Soit cela peut être des mini-épisodes qui fassent, comme j’ai dit auparavant, comme Bref, qui fassent 3 à 4 minutes. Moi j’aurais tendance à l’utiliser un peu en forme de rituel au début ou à la fin d’un cours. Là, je contredis un peu ce que je viens de dire auparavant concernant l’objectif pédagogique. Mais, par exemple, si on termine chaque semaine par regarder un petit épisode d’une mini-série comme ça, donc disons le vendredi, le dernier cours, on finit le cours par 5 minutes, on regarde cet épisode-là. On va donner une tâche à un des élèves ou à plusieurs élèves, selon le groupe. Et par exemple le lundi ou lorsqu’ils vont revenir en classe, ils auront une petite mission à faire. Là, c’est là qu’on va pouvoir essayer de coller à notre objectif pédagogique. Donc si on est en train de travailler sur la description, par exemple, décrire une personne etc., on aura demandé aux élèves de préparer la description complète du personnage principal de la série on d’un personnage qui apparaissait dans l’épisode qu’on a regardé le vendredi. Le vendredi suivant, on va regarder l’épisode suivant de la série et on va essayer comme ça de trouver une petite mission à refaire pour le lundi qui va correspondre à notre objectif, donc ça peut être raconter un événement au passé, donner des conseils à un personnage, voilà, on reprend un peu les objectifs communicatifs de chaque niveau, et on essaie d’en faire comme ça un rituel, ou de fin de semaine, ou de fin de mois, enfin, à vous de voir, selon le rythme de cours que vous avez.
Donc ça, je trouve que c’est une première manière de travailler avec la série, mais c’est une manière qui ne fonctionne qu’avec des épisodes très courts. Parce que je ne suis pas sûre qu’on puisse se permettre de prendre une demi-heure chaque semaine ou chaque mois sur une séance de cours. Donc ça c’est un premier format un peu en mode rituel de fin de semaine, ou de fin de mois, à vous de voir.
Une autre idée, et ça c’est un projet que je suis en train de faire en collaboration avec une amie qui est professeure de FLE à l’Alliance Française de Dublin, parce que comme en ce moment je n’ai pas vraiment de classe régulière, j’ai du mal à mettre en place ce genre de projet. Donc en fait on y réfléchit ensemble et puis elle, elle l’applique dans ses classes. Donc c’est d’utiliser une série un peu plus longue. Alors là pour le coup, nous on a choisi d’utiliser la série qui s’appelle « Au service de de la France ». C’est une série française, il faut la prendre sur le ton humoristique, c’est du second ou du troisième degré. C’est sur les services secrets français, un peu à la mode de OSS 117. Donc ce sont des épisodes qui durent une vingtaine de minutes. Pour l’instant, il y a deux saisons. On a choisi cette série d’abord parce qu’elle est sur Netflix. Comme en Irlande, la majorité des élèves a déjà un compte sur Netflix, vous n’êtes pas obligés de les obliger à reprendre un contrat. Et en fait, le principe, c’est que les élèves vont regarder chez eux l’épisode, on travaille un peu en mode classe inversée avec cette série. Les élèves vont regarder chez eux un épisode, et ensuite, on va se servir de cet épisode qu’ils auront tous vu comme support pour la semaine de cours. Donc là, il s’agit d’un cours de niveau assez avancé, c’est du niveau B2/C1 mais bon, je pense qu’on pourrait la même chose avec des niveaux plus bas, il n’y a pas de problème. Et donc chaque épisode va nous servir de support pour traiter plusieurs objectifs, que ce soit des objectifs linguistiques, culturels, communicatifs, etc. Par exemple dans le premier épisode, de manière assez simple, on va travailler le portrait des personnages. Sachant qu’on est au niveau B2++, on travaille un portrait le plus complet possible, la biographie la plus complète du personnage, pour pouvoir utiliser les temps du passé, la description complète et on va forcer les élèves à utiliser des mots qui définissent le caractère de manière un peu plus avancée que le simple : « il est blond. Il est brun. Il est petit. » On va un peu plus loin. Après, le deuxième épisode, donc c’est le moment où il y a un événement fort qui va déclencher ensuite toute l’intrigue. Donc on va s’en servir pour retravailler tous les temps du passé, décrire, au niveau culturel, c’est intéressant parce que cela se passe pendant la guerre d’Algérie, le début de la décolonisation en Afrique etc. Et tout est traité d’une manière très, au dix-millième degré à peu près. On peut aussi beaucoup travailler le côté culturel avec l’humour à la française, l’autodérision sur le chauvinisme français, le racisme. C’est une série qui, à mon avis, est très intéressante… Donc voilà une idée d’exploitation et pendant toute la session, on va regarder les dix épisodes et cela va être notre support principal de cours. Et l’idée finale de cette session de cours c’est d’essayer de faire inventer à nos élèves une série – on ne va pas la tourner, on ne vas pas la réaliser la série – mais vraiment d’inventer une idée de série à l’irlandaise, ou, je sais que dans sa classe il y a aussi des Allemands, donc on va pouvoir justement jouer sur le côté interculturel, comment serait une série sur les services secrets irlandais ou allemands avec le même genre d’autodérision, quel moment de l’histoire allemande ou irlandaise on pourrait reprendre. Comme là, on a la guerre d’Algérie. Voilà, pour donner une idée de faire un travail vraiment complet autour d’une saison et où la série est vraiment notre document principal.
Ah oui, ça c’est vraiment un projet passionnant. Ça a l’air vraiment très… C’est un peu le même principe en fait que les cours dans lesquels on suivait un roman et on devait lire un chapitre chaque semaine…
Oui, tout à fait.
C’est vrai qu’on dit souvent que les séries se rapprochent davantage du roman que les films et c’est vrai qu’on retrouve un peu cet aspect-là, finalement, un chapitre à chaque séance et on travaille sur ce chapitre, ou sur cet épisode de la série…
Oui, voilà, c’était vraiment notre idée. Donc nous on est parties sur cette idée dans ce cours-là parce qu’en fait, c’est un cours un peu spécial de perfectionnement, c’est un cours assez court, il dure un mois, et pour lequel les élèves n’ont pas de manuel. C’est vrai que l’idée est venue d’ici : on n’a pas de support commun pour les élèves, donc qu’est-ce qu’on pourrait faire au lieu de distribuer des tonnes de photocopies ? On a choisi de faire ce test un peu de la série. A priori, ça marche vraiment pas mal, les élèves ont bien adhéré au format. Alors pareil, travailler dans une Alliance Française ou dans un Institut Français c’est toujours un peu particulier parce que c’est des élèves particulièrement volontaires, là c’est des adultes, donc voilà, il faut bien se dire que ça ne va pas forcément être faisable de cette même manière avec tous les publics. Il y a aussi la question qui se pose de comment regarder l’épisode. Là, on a la chance que ce groupe-là, ils aient tous un abonnement Neflix. Ils l’avaient déjà avant qu’on commence la session, donc on n’a pas été obligées de payer un abonnement ou de trouver les DVD, ou je ne sais quoi, parce que la question du support pour regarder les séries ou les films, la question des droits d’auteur également, ça peut être un peu complexe. Donc là, on a eu de la chance, ils le regardent chez eux. Et ça fonctionne donc c’est pas mal, mais c’est une question à se poser aussi au moment de choisir le film ou la série, il faut bien se poser cette question.
Oui, bien sûr. Mais là, si vous utilisez ça comme support de cours, cela revient au même d’acheter le DVD ou d’acheter un manuel. L’investissement est juste un peu différent mais on pourrait réfléchir de cette manière-là.
Oui, c’est ça, mais c’est vrai que le problème des DVD, c’est que ça devient un peu obsolète et que la plupart des séries, elles arrivent très tard en DVD. Donc l’idée du DVD ça commence à être un peu compliqué. Et puis moi, là, par exemple mon ordinateur, il n’y a pas de lecteur DVD…
Oui, non, ça, le mien, non plus, c’est vrai. Cela dit, on peut aussi l’acheter en format… enfin le mieux c’est d’avoir Netflix, je pense aussi c’était la meilleure option en effet, mais on peut aussi l’acheter en format numérique.
Oui, oui c’est vrai. D’ailleurs, c’est ce qui m’a poussée à commencer à travailler sur les séries, c’est lorsque j’ai découvert Netflix, donc ça ne fait pas très longtemps que je m’y suis abonnée. J’ai découvert qu’il y avait pas mal de séries françaises sur cette plate-forme et que donc ces séries françaises, elles étaient accessibles du public étranger aussi. Je pense notamment à la série « Dix pour cent » que je viens de terminer, elle est sur Netflix Espagne, Netflix États-Unis, elle est accessible à plein de publics, ce n’était pas forcément le cas il y a quelques années, les séries françaises, elles ne passaient pas les frontières. Donc je me dis que c’est un support… de toute façon tout le monde regarde des séries, enfin, en tout cas dans ma génération, je pense qu’il y a très peu de gens qui ne regardent pas du tout de séries, et maintenant qu’on commence à avoir la chance d’avoir des séries françaises ou francophones – bon, c’est vrai que moi je connais surtout les séries françaises, mais je sais qu’il y a aussi de très bonnes séries québécoises, de très bonnes séries africaines d’ailleurs sur TV5 MONDE on en retrouve quelques-unes – donc je trouve que c’est intéressant de faire rentrer ce format-là dans la classe, parce qu’en plus si on est abonné à Netflix ou à une autre plate-forme de ce type, on va pouvoir retrouver nos supports de classe dans la vie personnelle aussi.
Oui, c’est sûr. Et puis ce que j’aime bien aussi avec le côté série, c’est que même si on n’utilise pas toute la saison, c’est ce qu’on espère toujours quand utilise un support mais ça m’est arrivé que des étudiants regardent finalement toute la saison chez eux.
Oui, exactement ! C’est le problème qu’a eu ma collègue d’ailleurs, elle a eu deux élèves dans son petit groupe qui ont adoré la série et qui, du coup, ont pris largement de l’avance sur la saison. Et du coup, cela ne l’arrange pas vraiment, parce qu’il faut quand même que l’épisode soit un peu frais dans la tête des élèves pour travailler sur ce qu’on va y faire, mais bon. C’est plutôt un bon signe puisqu’ils n’ont pas suivi la consigne et ils ont continué à regarder la saison, parce qu’ils avaient envie de savoir ce qui se passait, et ça effectivement c’est génial parce que, moi, c’est ce que j’adore des séries et c’est comme ça que j’ai beaucoup progressé en anglais. C’est en regardant des séries où la version avec les sous-titres français n’était pas encore sortie, donc je me suis dit : « Bon c’est pas grave, je me lance, je verrai bien », et ma compréhension orale de l’anglais a énormément progressé. Donc je souhaite qu’il arrive la même chose à mes élèves. C’est vrai, c’est un super support pour ça.
Oui, oui. Ça je pense que, effectivement, c’est très clair, on se raccroche un peu à son expérience personnelle, et ça marche en effet très bien. Là, vous nous avez présenté un projet ambitieux et passionnant. Si un professeur n’avait peut-être pas autant de possibilités et qu’il souhaitait utiliser simplement un épisode, est-ce que là vous avez un conseil, à quoi est-ce qu’il devrait faire attention ? Enfin, c’est vrai qu’on a déjà vu qu’il fallait qu’il choisisse la série en fonction de son public, un petit peu, son épisode en fonction de ses objectifs, et au début vous aviez donné des exemples d’activités où on pourrait refaire la scène. Est-ce que vous encore d’autres conseils ou une autre astuce ?
Alors pour ce qui est d’utiliser juste un épisode ou juste un extrait, à mon avis on peut tout à fait le faire et on va faire la même chose qu’on ferait avec un extrait de film ou un extrait de n’importe quelle autre vidéo. Moi, ce que je trouve intéressant quand on travaille sur les films, et sur les séries aussi, c’est de travailler avec le matériel qu’il y a autour. On peut travailler avec, par exemple, les affiches, on peut travailler sur les affiches, que ce soit de séries ou de films, enfin, il n’y a pas exactement d’affiches de séries, mais on va pouvoir trouver du matériel promotionnel qui ressemble à une affiche, on va pouvoir travailler sur les bandes annonces. Alors c’est toujours un peu difficile parce que ça va très vite, mais on va pouvoir faire faire des hypothèses à nos élèves sur le genre de série ou de film, un peu l’histoire, les personnages, les relations entre les personnages etc., juste à partir de la bande-annonce. Moi, j’utilise aussi de temps en temps des extraits d’interviews ou d’émissions promotionnelles, parce que, à chaque fois qu’un film ou qu’une série sort, on retrouve les acteurs dans toutes les émissions françaises, que ce soit à la télé ou à la radio. Je sais que j’avais pris l’habitude d’utiliser ce type de documents qui sont autour du film, autour de la série. Donc ce qui est affiche et bande-annonce, ce serait plutôt avant de regarder notre extrait ou notre film, et les interviews, je trouve que c’est intéressant de les regarder après pour alimenter le débat.
Alors après, pour travailler sur extrait, tout dépend de votre objectif, mais j’aime bien aussi moi travailler sur la narration et sur la chronologie. On peut regarder différents extraits, très courts, d’une minute maximum, et essayer d’imaginer dans quel ordre ils sont réellement dans notre film ou dans notre épisode, ou même prendre plusieurs extraits de plusieurs épisodes différents d’une même série, et essayer d’imaginer la chronologie, remettre dans l’ordre, et du coup ça va obliger nos élèves à raconter quelque chose, donc on va pouvoir utiliser différents temps, on va pouvoir retravailler les connecteurs du discours, ou les connecteurs chronologiques. C’est un peu la première idée, là, qui me vient par la tête.
Moi, je trouve que ce sont vraiment de bonnes idées, d’utiliser le matériel à côté, c’est encore une astuce complémentaire effectivement, à laquelle on ne pense pas toujours. Enfin, la bande-annonce, je pense que ça, ça vient quand même assez spontanément, mais effectivement, il y a toujours des interviews qui peuvent être intéressantes. Et puis, cette astuce de travailler sur la chronologie, je pense aussi que c’est quelque chose qu’on peut adapter à beaucoup d’extraits, donc si, je pense que ce sont de très bonnes idées.
D’accord. Parfait. Alors un conseil pour tous les profs de français qui ne seraient pas forcément français et qui ne connaitraient peut-être pas forcément ce site, c’est d’aller sur le site Allociné (http://www.allocine.fr). Vraiment, le site Allociné, c’est une mine d’or pour tout ce qui est extrait affiche, c’est comme un énorme dictionnaire ou une encyclopédie du cinéma et donc pour chaque film on va retrouver la fiche, le synopsis, la liste complète des acteurs, réalisateurs etc. les bande-annonce, parfois des extraits de film, parfois des extraits d’interviews, donc ça évite de chercher dans tous les sens. J’invite vraiment les profs à regarder ce site qui est très pratique.
D’accord, je mettrai le lien. Merci beaucoup. Je voudrais vous remercier de nous avoir donné toutes ces astuces très intéressantes et j’espère que nos auditeurs pourront les mettre en pratique dans leur classe.
De rien, avec plaisir. Et j’espère aussi que ce sera utile, que ça servira.
J’en suis persuadée !
L’article Faire cours avec les séries en FLE est apparu en premier sur Culture FLE.
Dans ce podcast, Michel Billières nous parle de la méthode verbo-tonale. Michel Billières est professeur des universités au département Sciences du langage de Toulouse 2. Il a été responsable du Master en sciences du langage, spécialité acquisition et didactique du français langue étrangère et seconde à cette même université. Il est également formateur de formateurs et blogueur. Son blog s’intitule Au son du FLE.
Au son du FLE : https://www.verbotonale-phonetique.com
FLOraL :https://www.projet-pfc.net
Le cours en ressource UOH : http://w3.uohprod.univ-tlse2.fr/UOH-PHONETIQUE-FLE/
Le site de Pietro Intravaia : http://www.intravaia-verbotonale.com
Bonjour Michel Billières. Merci d’être là.
Avec grand plaisir.
Est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qu’est la méthode verbo-tonale, nous parler de ses caractéristiques, de ce qui la différencie de la méthode articulatoire ?
Oui. Donc je vais essayer de l’expliquer le plus succinctement et le plus précisément possible. Ce que l’on appelle la méthode verbo-tonale d’intégration phonétique est une méthode qui est apparue dans le paysage de l’enseignement d’abord du français langue étrangère, ensuite d’autres langues vivantes, dès le tout début des années 60. Elle a été mise au point par un savant yougoslave qui s’appelle Petar Guberina, qui est un francophile phonéticien et c’est une méthode Indissociable également des méthodes Structuro-Globales Audio-Visuelles (SGAV) dans la mesure où les promoteurs de ces méthodes ont toujours considéré que SGAV et verbo-tonale étaient indissociables. Ça c’est le point d’histoire. Maintenant quel est le principe de la méthode verbo-tonale ? La pierre angulaire c’est ce qu’on appelle la métaphore du crible phonologique. A savoir qu’il est tout à fait normal et naturel d’avoir des problèmes de prononciation quand on parle une langue étrangère, que l’on soit adolescent ou adulte, parce qu’on est conditionné par le crible phonologique de sa langue maternelle. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que n’importe quel individu acquiert de façon naturelle, spontanée, le système sonore de sa langue maternelle et il met à peu près 5 ans pour l’acquérir. Ce n’est pas uniquement acquérir les consonnes et les voyelles, c’est acquérir toutes les règles de combinaison des voyelles et des consonnes pour une langue donnée, c’est également pouvoir intégrer le rythme et l’intonation de telle et telle langue. Il n’y a pas deux systèmes rythmiques, deux systèmes intonatifs qui se ressemblent dans les langues qui sont investiguées. Pour n’importe quel individu, autour de la cinquième année, ce crible phonologique est constitué. Cela veut dire qu’à partir du moment où on entend une langue étrangère, on perçoit toutes les sonorités de cette langue à travers une sorte de filtre, une sorte de crible, une sorte de passoire. C’est-à-dire que certains sons sont mal appréciés parce qu’ils ne font pas partie de notre crible à nous. Certains sons ne sont pas entendus, ils sont trop brefs… Donc le crible phonologique est une sorte de filtre qui nous empêche, objectivement, d’entendre des sons qui appartiennent à un autre système sonore. Ce crible phonologique est constitué aux alentours de la cinquième année, comme je vous l’ai dit, et disons que jusqu’á la puberté ce crible est assez poreux. Cela explique pourquoi un enfant de 6 ans, 7 ans, 8 ans, qui accompagne ses parents dans un pays étranger peut tout à fait facilement apprendre la langue très rapidement, au bout d’un an, s’il est scolarisé par exemple parmi les natifs, alors que les parent vont ramer comme des bêtes et n’arriveront jamais à se départir de l’accent. Par contre, lorsque la puberté démarre, on observe une chute très brutale de la performance de la perception auditive. Ça c’est inéluctable, à partir de l’adolescence on commence á être frappé par une sorte de surdité sonore aux langues étrangères, c’est maintenant quelque chose d’attesté par la recherche. Donc cela veut dire que si vous êtes ados ou bien si vous êtes adulte, il est peu probable que vous arriviez à apprendre une langue étrangère et à vous départir de tout accent. Il y aura toujours des substrats de langue maternelle qui vont trainer quelque part. Quand on sait que c’est normal et naturel, cela peut parfois permettre de se décontracter un peu, qu’on soit élève ou qu’on soit prof.
D’accord. Que peut alors la verbo-tonale pour nous aider ? Maintenant on sait qu’on aura un accent, mais comment on peut prononcer de manière correcte les sons de la langue étrangère ?
C’est-à-dire que la méthode verbo-tonale présente un certain nombre d’avantages qui sont des avantages complètement testés empiriquement. C’est-à-dire que les gens qui ont une formation avec cette méthode arrivent à obtenir des résultats quand même très encourageants, variables d’un élève à l’autre, il y a aussi la question de la durabilité des meilleures performances phonétiques, cela on pourra en parler.
La méthode verbo-tonale repose sur un certain nombre de postulats. Je vais les énoncer rapidement.
Premier postulat : Si on prononce mal les sonorités d’une langue étrangère, c’est qu’au départ on les perçoit mal, donc il faut agir sur la perception auditive. Il faut en quelque sorte déverrouiller l’oreille de l’apprenant de manière á ce que progressivement, l’apprenant se familiarise avec les sons de la langue étrangère. Vous partez du principe que vous avez mis cinq ans pour acquérir le système de votre langue maternelle, vous n’allez pas acquérir le système d’une autre langue en cinq minutes. Dans tous les cas il faut du temps, de la patience, de la bonne volonté et surtout le prof doit savoir que chaque élève progresse à son propre rythme, son par son. Il n’y a pas de progression du style : pendant trois séances je fais le « u », pendant trois séance le son « r », pendant cinq séance l’opposition « en » / « on », cela ne peut pas fonctionner comme cela. Donc les élèves vont avoir des réactions variables. D’où cette idée « qui peut le plus peut le moins », on travaille sur l’ensemble du système sonore puisqu’on est exposé à la langue en permanence. Alors pourquoi est-on exposé à la langue en permanence quand on étudie cette langue ? Si on utilise des moyens audio-oraux, audiovisuels, on entend la langue et surtout on est confronté en permanence à la prosodie de cette langue, c’est-à-dire à cette enveloppe mélodique : l’intonation, et l’enveloppe rythmique. Tous les sons sont nécessairement insérés dans cette enveloppe ryhtmico-mélodique. Cela veut dire donc que ce qui est absolument essentiel au niveau de la correction phonétique, c’est de donner une priorité absolue au rythme et à l’intonation. En d’autres termes, cela veut dire qu’on va utiliser le rythme et l’intonation prioritairement pour corriger des sons.
Il y a d’autres procédés qu’utilise la verbo-tonale, techniquement cela s’appelle la prononciation déformée, ou encore les entourages facilitants. Cela veut dire que pour corriger une erreur portant sur une voyelle ou sur une consonne il y a un ensemble de procédés qu’en tant qu’enseignant je peux utiliser un par un ou bien je peux les combiner. Je me rends compte par exemple qu’un élève va être sensible à une combinaison rythme et entourage facilitant, alors que le voisin cela va être plutôt intonation et prononciation nuancée. En deux séances, je l’ai repéré, cela, j’ai un peu la carte d’identité phonétique de mes élèves. Dès que j’ai repéré le procédé le meilleur,hop, je fonce pour proposer cet espèce de raccourci pédagogique, ce que dans mon jargon j’appellerais une optimale corrective, je propose cette optimale corrective adapté à chaque étudiant en particulier.
Alors quelle est la différence avec la méthode articulatoire ? La méthode articulatoire ne propose qu’un seul réflexe articulatoire. Par exemple pour prononcer le son « je » qui va poser beaucoup de problèmes à beaucoup d’étudiants asiatiques par exemple, la méthode articulatoire va dire : « Voilà, vous partez du son « de » et vous reculez la langue jusqu’à obtenir un son « je », ce qui donnerait un truc du genre : (vocalisation). » Soit dit en passant c’est plus facile à dire qu’à faire parce que l’apprenant n’a aucun moyen de contrôler à quel moment il est dans la plage de réalisation de « Je » et hormis ce genre de procédé, l’articulatoire ne propose rien, en plus, la méthode articulatoire ne propose rien. En plus, la méthode articulatoire travaille sur des sons pris isolément alors que dans la parole naturellement, les sons se succèdent les uns aux autres.
J’ajouterais, parce que c’est très important pour la méthode verbo-tonale, la méthode verbo-tonale considère que c’est l’ensemble du corps qui participe à la phonation. Cela veut dire que, quand on parle, on bouge de façon tout à fait naturelle, tout à fait spontanée. Même si je reste au garde-à-vous en vous parlant je vais quand même avoir une centaine de muscles et de tendons qui vont s’activer, ne serait-ce que pour vous dire : « bonjour ! ». Encore une fois, il y a plein de choses qui se passent et c’est la totalité du corps qui est intégrée quand on fait de la correction phonétique par la verbo-tonale, on est vraiment dans la parole et le mouvement et on n’est absolument pas dans une parole figée, comme c’est le cas pour la méthode articulatoire.
Oui, effectivement, la prononciation, cela engage tout le corps. On peut faire un lien ici avec le travail que Marjorie Nadal nous avait proposé lors d’un podcast précédent sur le théâtre qui engage également tout le corps. Est-ce que vous recommandez d’utiliser le théâtre pour améliorer la prononciation ? Est-ce que la méthode verbo-tonale s’appuie sur le théâtre pour aider les apprenants à s’approprier la prononciation ?
Personnellement, je répondrais oui, parce que la méthode verbo-tonale, quand on travaille sur la correction de tel son ou d’un rythme qui chahute, d’une intonation qui n’est pas acceptable en français, mine de rien, cela veut dire quand même qu’on impose à l’apprenant une relation assez singulière. C’est une relation qui est basée sur une certaine confiance réciproque, une connivence, un respect mutuel etc., mais l’apprenant n’a absolument aucune autonomie. D’un autre côté, on est obligé de procéder comme ça parce que, petit à petit, il va falloir proposer à l’apprenant des stimuli qui vont agir sur les représentations sonores qu’il a dans sa mémoire permanente. Le travail de la verbo-tonale, c’est un travail où je vais mettre en place un « u », je vais mettre en place un « je » par exemple auprès d’un apprenant qui est incapable de répéter ces sons. Cela veut dire que j’utilise des procédés de correction variés mais qui à chaque fois influencent ce qui se passe dans la mémoire de travail et par ricochet dans la mémoire permanente, puisque les nouvelles représentations mentales sont stockées dans la mémoire permanente, ce qu’on appelle la mémoire à long terme, simplement il faut du temps pour qu’elles se fassent leur petit coin dans la mémoire à long terme et ensuite agir sur les sons que l’on perçoit tout à fait au début. Mais en décrivant très très rapidement ce processus, cela veut dire que l’élève n’a aucune autonomie quand je travaille avec lui, on travaille, l’élève sent bien à un certain moment qu’il fait des progrès. Au début, s’il ne s’en rend pas très bien compte, il y a les voisins qui sont là et qui sourient, qui encouragent, parce que le crible phonologique est un peu à géométrie variable. Quand on est sur la sellette, on est complétement stressé, on est complètement sourd, mais quand c’est le voisin ou la voisine on est davantage ouvert et on entend mieux ce qui se passe au début chez le voisin que sur soi-même. Donc, il y a cette idée qu’il y a à la fois ce travail de répétition qui est un travail austère. Il faut que les élèves aient confiance dans le prof. Mais la verbo-tonale, c’est travailler en étant souriant, il peut y avoir un petit côté blagueur dans le cours qui détend un peu tout le monde. Par contre, l’objectif final, c’est de rendre l’apprenant autonome, c’est-à-dire de le rendre capable de parler, capable de pratiquer un oral avec un maximum d’efficacité et là personnellement, je suis convaincu que ce qu’on appelle des exercices d’atelier théâtre offrent une palette d’activités absolument géniale, d’abord pour travailler avec le corps, ne serait-ce que s’emparer de l’espace, ne serait-ce que faire confiance au partenaire, tous les exercices que l’on peut faire, les exercices de l’aveugle, du toucher, etc. C’est aussi des exercices de projection verbale, c’est du non-verbal, mais on y prend en assurance, surtout on apprend à utiliser le corps et il y a cette idée comme quoi, c’est une de mes phrases fétiches : la libération du corps et souvent un prélude à la libération de la parole en langue étrangère. En même temps, cela donne beaucoup plus d’autonomie à l’apprenant, cela lui permet d’interagir avec ses pairs, il y a pleins d’exercices que l’on peut faire également pour travailler sur des intonations, pour travailler sur du rythme. On va faire un travail de cœur par exemple, où on se jette des intonations ou bien on peut se jeter des rythmes etc. C’est beaucoup plus facile à gérer quand on est debout que l’on peut bouger, plutôt que d’être assis par exemple et pour certains élèves, c’est formidablement bénéfique. C’est-à-dire d’un côté, si vous voulez, la verbo-tonale c’est un travail extrêmement rigoureux pour déverrouiller l’oreille de l’apprenant et de l’autre c’est mettre l’élève en situation de semi-liberté dans la classe, lui proposer un tas d’activité sans jamais perdre de vue ce que je veux, que l’élève soit de plus en plus libre dans son utilisation des intonations, du rythme et des sonorités de la langue étrangère. Personnellement, j’y crois beaucoup.
Oui, c’est vrai que Marjorie Nadal, elle utilisait cela aussi pour augmenter la confiance dans le groupe, pour que les apprenant soient moins stressés quand ils sont sur la sellette, que ce soit plus un travail de groupe et que la confiance augmente dans ce cadre-là donc je trouve que cela a l’air de bien s’intégrer.
Cela se recoupe parfaitement, tout à fait.
Et alors ça, cela amène une question intéressante, c’est celle des laboratoires de langues dans lesquels on travaille assis, face à ordinateur, c’est tout le contraire de ces interactions debout finalement. Qu’est-ce que vous en pensez, vous, des laboratoires de langue ?
Ah, je vais être obligé d’avoir une réponse diplomatique et prudente, même si les laboratoires de langues… Comment vous dire ? Le laboratoire de langue, tant que l’oreille de l’élève n’est pas déverrouillée, c’est-à-dire tant que le crible phonologique n’est pas entamé, ce qu’on peut arriver à faire en quelques séances avec un élève qui se prend au jeu, qui est motivé, le prof qui sait s’y prendre également, le labo de langues ou bien l’ordinateur individuel est totalement inutile, dans la mesure où l’élève qui veut apprendre à dire quelque chose, par exemple « Je n’ai pas vu ce film. », il va l’écouter mille fois, et mille fois il va répéter « je n’ai pas vuo ce film. » parce qu’il n’entend pas le bon son. Donc le labo de langue ne sert pas tant que la surdité phonologique de l’apprenant est intacte. Par contre, il y a une certaine progression qui s’effectue auprès des élèves, variable je le répéte, d’un élève à l’autre, mais à un moment, il y a un déverrouillage de ce verrou auditif, et l’élève est capable d’entendre la différence entre l’erreur qu’il produit et le modèle qui est souhaité. Alors là, oui, le labo de langue devient intéressant. C’est là où l’on peut utiliser tous les exercices que proposent traditionnellement les manuels. Il n’y a pas de problème de ce côté-là. C’est même indispensable, parce que l’élève commence à voir une certaine autonomie et il faut faire vraiment du harcèlement phonétique, comme je dis, c’est-à-dire pendant peu de temps travailler mais de façon intensive parce que le son est présent mais il n’est pas encore fixé et tous ces exercices basés sur la répétition sont destinés à fixer définitivement le son dans la mémoire de travail et permettre de le rappeler au bon moment parce que la mémoire effectivement cela permet de garder des souvenirs mais rien ne garantit le rappel tant qu’il n’y a pas l’entraînement nécessaire. Ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que la phonétique, ce n’est pas un savoir, c’est une habileté, et c’est uniquement par l’entrainement, ici par la répétition, qu’on acquiert cette habileté. Ca c’est très clair.
Oui, je pense que le fait de développer des automatismes, c’est quelque chose qui concerne beaucoup de compétences. Par exemple si on pense à la grammaire, c’est le même problème. C’est bien de savoir conjuguer le verbe mais il faut arriver à trouver la bonne forme au bon moment assez rapidement. Et donc pour ca comme pour la prononciation, effectivement c’est très bien d’avoir des exercices qui permettent de développer ces automatismes.
Voilà, c’est-à-dire si je devais vous donner une définition de l’apprentissage un peu cognitiviste, je vous dirais que l’apprentissage c’est le fait d’être le plus efficace possible dans le minimum de temps. C’est donc de pouvoir être automatique. Il y a une remarque concernant la verbo-tonale, c’est que dans la mesure où la verbo-tonale propose toujours à l’apprenant ce que j’appelais tout à l’heure une optimale perceptive, cela permet d’agir véritablement sur la mémoire de travail, celle qui traite l’information proposée à l’élève et petit à petit le son convenable devrait faire son trou dans la mémoire permanente où il commence à être un peu identifié. Mais si á partir du moment où l’élève est capable de l’identifier tout seul, et ça on s’en rend compte, c’est l’élève qui vous dit : « Je n’ai pas vou, ah, je n’ai pas vu ce film », l’élève se reprend. A partir du moment où l’élève se reprend, où il se corrige, c’est gagné ! et c’est vraiment à partir de ce moment qu’on peut dire : « Okay, mon lapin, je t’amène au labo, et là tu vas pouvoir t’entraîner tout seul comme un grand » : N’oubliez pas non plus que l’élève porte lui-même la responsabilité de son apprentissage. C’est-à-dire qu’il y a un moment où il s’agit de lui dire : « Écoute, là, je t’ai un peu frayé le chemin, maintenant tu prends le relais, c’est à toi de peaufiner. »
Oui, ça, c’est sûr que sans motivation, il n’y a pas d’apprentissage !
C’est clair. Et même sans motivation, on dirait même sans désir. Il faut qu’il y ait du désir quelque part. La motivation c’est déjà du désir un peu conscientisé. Il faut avoir envie de… Il faut avoir envie.
Justement, vous nous avez dit au début qu’il y a peu de chances que nos apprenants parlent sans accent, donc la question se pose de savoir jusqu’où on peut aller, quel niveau d’exigence on peut avoir. Il y a eu récemment une polémique autour du député de Marseille, Jean-Luc Mélenchon, qui a critiqué une journaliste pour son accent toulousain. Donc cela, ça pose des questions aux professeurs de langue étrangère, tout naturellement, qui travaillent autour de l’accent. Ils savent que leurs apprenants peuvent être sujets à discriminations sur la base de leur accent et quel le niveau d’exigence qu’ils peuvent avoir ? D’un autre côté on ne veut pas éradiquer tous les accents, cela représente une richesse, comme l’avait si bien dit Eva Joly d’ailleurs, cela montre le rayonnement du français dans le monde donc c’est un équilibre difficile à trouver… A votre avis, où peut-on mettre le curseur ?
Là aussi vous me posez une question qui est délicate à traiter. D’abord il y a une sorte de nivellement des prononciations au cours du demi-siècle écoulé en France, je veux dire par là qu’avant il y avait des accents notamment ruraux qui étaient extrêmement prononcés et qui maintenant ont quasiment disparu donc on observe encore une fois une sorte de nivellement de la prononciation avec d’un côté les accents du sud, qui sont jolis, qui sont ensoleillés mais qui font sourire. Cela rappelle les vacances, il y a une certaine naïveté dans l’accent marseillais par exemple… je ne me prononcerai pas en ce qui concerne l’accent toulousain. Et vous avez aussi des accents du style nord de la Loire, mais là je caricature, qui sont davantage entre guillemets « normatifs ». Il y a déjà une France coupée en deux au niveau de l’accent : accent moitié nord et accent moitié sud.
Maintenant l’accent, c’est une réalité. C’est une réalité géo-socio-linguistique. Quand on va d’une région à une autre, il y a des variations de prononciation, même dans un pays aux dimensions réduites comme la Suisse par exemple, en Suisse où le français est pratiqué, on dénombre quand même quatre accents différents. Et là aussi on ne s’y attendrait pas véritablement. En Belgique également, en Belgique wallonne il y a une grande variété d’accents. Encore une fois, c’est ce qu’on appelle en socio-linguistique la variation. Et la variation, c’est quelque chose d’inhérent à l’oral. La variation elle est partout. C’est une variation géographique, une variation également selon l’âge : moi, j’ai une façon de prononcer que mes enfants n’ont plus parce que la manière de prononcer varie d’une génération à l’autre, donc il y a pleins de facteurs qui influencent cette variation.
Cela pose un problème effectivement. « Est-ce que j’ai un accent passe-partout ? Non, je n’ai pas un accent toulousain très marqué, mais j’ai quand même des traces d’accent du sud de la France, cependant voilà, je suis un francophone natif, je suis un expert linguistique dans ma langue maternelle donc j’estime être tout à fait en droit d’enseigner, ben, même la phonétique de ma langue maternelle. »
Le prof qui est belge, le prof qui est canadien, le prof qui va être dans un pays africain où on parle français est tout aussi légitime. Mais même pour aller très loin, j’ai envie de vous dire, je crois que l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) avait recensé dans son rapport d’il y a trois ou quatre quelque chose comme 274 millions de francophones natifs. Cela veut dire au fond 274 millions d’accents différents au nom de la variation, nous avons tous notre manière de prononcer mais nous sommes encore une fois tous des experts linguistiques naturels donc nous enseignons, spontanément, la prononciation qui est la nôtre. Alors pour moi, dans le sud de la France, cela ne pose pas de problème. J’irais par contre enseigner en Belgique, en Suisse, au Canada ou à Strasbourg, peut-être qu’on me regarderait de façon un peu bizarroïde parce que je ne parle pas comme les francophones du crû. Il faut jongler avec tout ceci. En sachant que l’accent, j’aime bien la définition, une remarque d’une pédagogue qui s’appelle Evelyne Charmeux. Dans un de ses livres, intitulé Le « bon » français et les autres, elle disait ceci : « l’accent, de toute facon, provoque une écoute anti-autre » et elle a tout à fait raison. Dès qu’on a quelqu’un qui a un accent on dresse l’oreille : « Tiens, il est d’où celui-là ? C’est un Marseillais ? C’est un Ch’ti ? Ou encore celui-là il parle comme les Belges. » etc. C’est une sorte d’étrangeté l’accent. Et alors qu’est-ce que c’est que cet accent des méthodes, cet accent neutre etc., bon c’est une sorte d’accent qui serait un peu l’accent des médias, c’est-à-dire au fond, on n’a rien à reprocher à ce type d’accent. Mais qui sont les personnes détentrices de cet accent ? Une grande minorité si je puis dire, parce que la norme, c’est toujours un truc prestigieux, et si c’était une norme que tout le monde pouvait s’approprier, il n’y aurait plus de problème nulle part. Donc finalement, tant que vous êtes francophone natif, vous êtes parfaitement légitime pour enseigner le français, simplement d’une région à l’autre, les modèles de prononciation sont différents pour un tas de raison.
Oui, je crois que même la notion de locuteur natif a disparu du CECR. Alors même cette notion-là disparaît. En fait, je vous posais cette question de la norme parce que mes apprenants, qui sont allemands pour la plupart, aiment bien avoir des indications précises et claires sur ce qu’ils doivent faire. Déjà, j’ai le cas de la liaison, il y a des liaisons qui sont non obligatoires, qu’on peut réaliser mais qu’on n’est pas obligé… et je vois dans leur regard qu’ils sont perdus. « C’est comme vous voulez » n’est pas une réponse acceptable pour eux, donc c’est pour cela, pour eux ce serait bien d’avoir une norme et des indications précise sur ce qu’ils doivent réaliser et jusqu’où ils doivent aller.
Là, je vous conseille vivement d’aller sur le site FLOraL (https://www.projet-pfc.net). C’est le site du projet PFC phonologie du français contemporain. C’est un site qui est animé par Isabelle Racine, université de Genève. Elle décrit l’état actuel de la prononciation du français à partir d’une gigantesque enquête dont les premiers résultats ont été publiés en 2005.
Et alors notamment, il y a quel est le système vocalique et consonantique du français, ce qu’ils appellent le français de référence qui est donc la norme du 21èmesiècle en quelque sorte. Mais ils consacrent également toute une série de réflexions intéressantes sur la liaison, parce qu’effectivement la liaison c’est un phénomène récurrent et qui peut être très inconfortable pour les apprenants étrangers ainsi que sur la gestion de ce qu’on appelle le « e » muet, le « e » instable. Et là, vous trouverez des armes bien affutées et bien tranchantes pour répondre à vos élèves et au point de vue recherche c’est quelque chose d’un sérieux absolu. Donc c’est le site FLOraL, vous le trouverez facilement.
Merci ! Oui, alors sur les définitions de l’accent, j’en avais aussi trouvée une qui concernait les accents d’origine étrangère et c’était quelque chose comme le fantôme de la langue maternelle qui était resté dans la langue qu’on avait apprise. Je trouvais ca très joli justement cette survivance de la langue maternelle dans la langue étrangère.
Ah, tout à fait, quelque part c’est effectivement ça. En même temps vous pouvez avoir des gens qui plus ou moins consciemment ou inconsciemment ne veulent pas se défaire de leur accent d’origine parce que, quelque part, d’un point de vue culturel, ce sont des gens qui tiennent à leurs racines (cf billet : Mon accent c’est moi !). Donc vous pouvez avoir cela également, il peut y avoir un problème culturel d’abord, je résiste parce que je suis d’abord russe, italien, allemand, etc. et en même temps il y a aussi ce problème carrément d’audition. Notre audition, à partir de l’adolescence, notre oreille est un très mauvais instrument de détection acoustique. Et notre oreille ne sait pas gérer toutes ces variations d’intensité de durée de fréquence etc. L’oreille a tendance à laisser passer. A la limite, tant qu’on demeure intelligible, c’est le plus important.
C’est vrai que par rapport à cette question de l’accent j’ai aussi quelques hésitations personnelles puisque je parle allemand mais j’ai moi-même un fort accent francais en allemand et j’avoue que j’ai quelques hésitations quant à ma légitimité de l’enseignement de la prononciation en français. Finalement j’exige de mes apprenants un effort que moi-même, je ne suis pas parvenue à fournir. Et du coup cela pose quelques questions de légitimité. J’imagine que c’est une question que peuvent se poser d’autres profs de FLE enseignant à l’étranger puisque les Français sont quand même très connus pour leur faiblesse en langues étrangères en général et pour leur fort accent en particulier. Moi, je m’en sors en général par une pirouette en disant que j’aurais bien aimé justement que mon professeur d’allemand se concentre un peu plus sur la prononciation, ça m’aurait permis aujourd’hui d’avoir moins d’accent mais, je ne sais pas si vous avez un conseil pour ces personnes… pour avoir moins d’hésitations par rapport à ça.
C’est vous-même qui vous mettez dans une situation pénible, là vous êtes en quelque sorte très masochiste. Dans la mesure où vous vivez en Allemagne mais vous enseignez le français. Donc vous êtes encore une fois une experte linguistique naturelle. Vous en savez mille fois plus que n’importe lequel de vos apprenants et vous avez une prononciation française absolument parfaite, et le problème ne se pose pas. Si vous avez une prononciation qui peut parfois être une prononciation régionale. Là effectivement, en tant qu’enseignant, vous devez être capable de répondre à vos élèves un peu plus précisément que je ne l’ai fait de ce qu’est la variation en leur disant : « Voilà, je suis Français mais je n’ai pas l’accent qu’on appellera standardisé ou de référence. Par contre, je sais quelles sont les différences entre ma façon de prononcer et l’accent dit de référence. » Donc là je vous renvoie une fois de plus vers le site FLOraL où un article sur la norme phonétique dans le blog Au son du FLE (https://www.verbotonale-phonetique.com). Là, vous avez les réponses.
Important : quand vous savez que vous avez des différences entre l’accent prononcé dans les méthodes et votre façon de prononcer, vous devez être capable, très rapidement, de dire à vos élèves : « Voilà, je prononce comme ça parce que…, voilà quelle est la différence, etc. Mais je te rappelle que je suis française donc il n’y a aucun problème de ce côté-là. » Ce qu’Il y a d’amusant c’est que les élèves, même quand ils ont commencé le français depuis 10 heures, 20 heures, ils sont sourds phonologiquement, malgré tout, ils peuvent entendre que la prononciation du prof n’est pas celle des enregistrements, c’est un grand classique. Mais le francophone natif, je le répète, qu’il soit magrébin, canadien, suisse, belge, etc. encore une fois, c’est un natif, il a son accent, il fait avec. De toute façon, vous n’arrivez jamais à vous contrôler. Si, il y a une chose assez amusante, ce sont les travaux de socio-linguistiques des annés 80 cela a été mené par une sociolinguiste très connue qui s’appelle Anne-Marie Houdebine qui avait réussi à montrer à travers certaines enquêtes de terrain que les femmes étaient plus promptes que les hommes à se débarrasser de leur accent d’origine. Les hommes étaient très conservateurs, les femmes beaucoup moins, c’est aussi une façon de se fondre dans la population. Houdebine expliquait cela à l’époque par la notion d’insécurité linguistique, davantage développée chez les femmes que chez les hommes. Je répète, c’était les années 80, rien à voir avec notre époque 2018 etc. Par exemple, je connais même plusieurs Toulousaines qui sont montées à la capitale, qui sont à Paris, qui ont réussi en un an ou en deux ans à gommer leur accent pour mieux se fondre dans les canons de la capitale, parce que dès qu’elles ouvrent la bouche avec un accent méridional, elles ne sont pas prises au sérieux. Donc elles parlent pointu quand elles reviennent à Toulouse, et en moins de trois heures, elles ont retrouvé l’accent toulousain bien sûr. Mais dès qu’elles regagnent sur la capitale, hop, elles reviennent sur un accent qui leur permet peut-être d’être plus légitime. Comme vous disiez en début de notre entretien, la discrimination en fonction de l’accent est malheureusement une réalité.
Oui, cela me rappelle une anecdote assez cocasse d’un étudiant qui me demandait d’imiter l’accent parisien. J’étais bien embêtée face à sa demande mais en fait il s’était avéré qu’il n’entendait pas, finalement, la différence entre les accents. Il avait commencé à apprendre avec ma collègue qui est d’origine toulousaine, et elle avait dû imiter l’accent parisien en cours, et donc il me redemandait de faire la même chose, il n’avait pas perçu la différence. En fait, il n’avait pas perçu que mon accent correspondait à la caricature de ma collègue. Et donc je ne sais pas s’ils sont si sensibles que ça aux différences d’accent, en tout cas dans mes cours, je n’ai pas vraiment remarqué ça. Mais c’est vrai que j’utilise des manuels dans lesquels il y a, par exemple l’accent marseillais, je leur demande : « Est-ce que vous avez entendu ? » Certains l’entendent, et d’autres, c’est plus mitigé.
Bien sûr, parce que c’est trop difficile. On doit d’abord découvrir le paysage sonore d’une langue étrangère si on doit découvrir des paysages particuliers, c’est extrêmement délicat. Là où les personnes peuvent se mettre à l’entendre, c’est si par exemple elles viennent faire un séjour de 6 mois à Toulouse, ou d’un an à Marseille. Là, oui, elles vont être imprégnées par certaines particularités de l’accent du sud. Sinon, il y a peu de chances pour qu’elles le perçoivent.
Je voudrais savoir si vous aviez une petite astuce à partager avec nos auditeurs. S’ils s’intéressent à la méthode verbo-tonale, qu’est-ce qu’ils pourraient mettre en place facilement demain dans leur classe de langue.
La méthode verbo-tonale, il y a une certaine technicité. Il faut entrer dans une logique, comprendre le fonctionnement de certains tableaux, le tableau des consonnes. Quand on sait l’utiliser, on peut corriger n’importe quelle erreur consonantique de n’importe quel apprenant. Même chose un peu, quand on sait utiliser le tableau des voyelles, on peut corriger n’importe quelle production déviante de n’importe quel apprenant. Simplement, il faut entrer un peu là-dedans. Si quelqu’un veut faire de la phonétique sérieusement, il est obligé entre guillemets de se spécialiser. Mais un prof qui s’intéresse au lexique, un prof qui s’intéresse à la syntaxe va lui-même se spécialiser là-dedans. Simplement attention, la phonétique, ça fait peur, c’est technique, etc. Il y a une prévention qu’on peut avoir contre la phonétique que l’on n’a pas pour travailler sur le lexique, les actes de parole, quelque chose comme ça.
Là vous me posez une colle, c’est-à-dire que dans un premier temps, il faut faire l’effort de se dire : « c’est quoi la méthode verbo-tonale ? », comprendre un peu la logique de la méthode, se dire : « Bon, je vais me taper un cours disponible en plusieurs endroits sur le net, j’essaie de comprendre, il me faudra bien 2 ou 3 heures pour lire attentivement en me disant c’est quoi ce jargon à la noix ? ». Il y a quand même des vidéos qui permettent de visualiser ce qui se passe et c’est important. Et surtout, si quelqu’un veut démarrer, il faut démarrer modeste. C’est-à-dire, voilà, j’ai des élèves qui n’arrivent pas à produire le son « u » ou bien le son « je ». Pour le premier cours que je vais faire je vais uniquement me focaliser sur le son « u » ou sur le son « je ». Je prends un son. Je prépare mon cours. Je sais que le « je » il va devoir le produire dans telle phrase de dialogue. Je me prépare à ca, j’ai mon petit tableau sous les yeux, il n’y a pas de honte à voir ça, j’ai noté mes techniques de corrections et je me lance. Même en tant que prof débutant, je peux dire aux élèves : « Bon, écoutez, je vais quand même tenter un coup, aidez-moi un peu, ne m’en veuillez pas. » Généralement, les élèves sont bienveillants avec ça, ils aiment bien voir que le prof prend des risques, quelque part c’est humain. Et là vous tentez le coup. De deux choses l’une, soit vous allez réussir du premier coup, vous allez avoir des étoiles dans les yeux et vos élèves aussi soit dit en passant. Soit vous n’allez pas forcément réussir mais en tentant le truc : « je me suis planté, pourquoi ? », vous trouverez nécessairement la technique. Au début vous travaillez sur un ou deux sons. Quand vous vous sentez plus sûr de vous vous gardez toujours vos petits papiers à côté de vous et à moment donné vous verrez que les petits papiers, vous ne les aurez plus, parce que vous commencerez à avoir les automatismes de corrections. Mais l’idée, c’est : « je commence tout doucement, j’en parle avec mes élèves, je me focalise sur des sons qui vraiment posent problème » des sons que vous avez envie de corriger. Le « u », c’est une monstruosité phonologique pour beaucoup d’élèves, mais ce n’est pas si compliqué que ça à corriger. De même le « r » du français, il y a un certain ordre de correction à avoir, mais ce n’est pas si compliqué. Les nasales par contre, c’est beaucoup plus dur.
D’accord, donc prenez les choses qui vous paraissent les plus simples, préparez-vous bien en amont et surtout, vous dites à vos élèves : « écoutez, je vais tenter de faire ça. Si vous avez un problème de prononciation, c’est parce que depuis votre naissance, il y a ces espèces de cribles qui posent problème » etc. Et vous vous lancez là-dessus. C’est vraiment le conseil : y aller doucement mais sûrement. Et mettre les élèves dans le coup. Si vous voulez, la correction phonétique, il faut que les élèves l’acceptent. Si vous leur dites : « On va au labo, on va faire ça », il y a plein d’élèves qui vont dire : « Elle nous casse les pieds, la prof » Si vous dites : « On tente le coup. » ne serait-ce que par curiosité, vous aurez des élèves qui accepteront le challenge. ET si ça marche, je vous garantis qu’ils seront de votre côté.
Oui, je pense que c’est un bon truc ça, de dire : « On tente le coup et on regarde ensemble si ca fonctionne » c’est peut-être effectivement une bonne idée pour les motiver.
Ah, important : quand je vous disais tout à l’heure que chaque élève progresse à son propre rythme, il faut savoir qu’au début, la régression l’emporte pratiquement toujours sur la progression. C’est-à-dire que votre élève n’arrive pas à faire de « u ». Au prochain cours, miracle, il va vous faire des « u » absolument géniaux, le cours d’après, bof, cela va être de temps en temps le son « u », de temps en temps le son qu’il produit normalement à la place, donc la progression est chaotique. C’est normal. Le système cherche ses marques. Mais à partir d’un certain moment, ça commence à se stabiliser. Alors, vous avez des élèves qui au bout de 5, 6, 7 séances, vous font des « u » parfaits, vous en aurez d’autres qui feront des sons plus hésitants, vous aurez même des sons qui seront un peu intermédiaires entre « u » et « ou ». Ça aussi c’est un classique dans la vraie vie. Mais à partir du moment où vous l’avez décollé du son d’origine, vous avez déjà remporté une victoire. Je le répète, il faut du temps et de la patience.
Oui, d’accord. Alors, effectivement, pour ceux qui veulent aller plus loin, je sais qu’il y a votre blog : Au son du FLE (https://www.verbotonale-phonetique.com) sur lequel vous proposez beaucoup de matériel concernant la verbo-tonale, toutes les informations, il y aussi un MOOC sur la plate-forme France Université Numérique (FUN).
Oui, sachant que ce MOOC, le contenu de ce MOOC va faire l’objet d’une ressource qui sera diffusée par l’UOH (Université Ouverte des Humanités), ce sera mis en ligne une fois que ce MOOC aura été terminé. C’est en deux temps, à la fois initiation à la phonétique générale et initiation à la phonétique corrective.
Oui, c’est vraiment intéressant. Et justement là, il y a des exemples qui peuvent être mis en place quand même assez simplement je trouve, des exercices sur le rythme qui peuvent être mis en place assez simplement en cours.
Tout à fait.
Est-ce qu’il y a d’autres ressources ?
Il y a une autre ressource à laquelle je pense. Il y a la ressource de 2013 encore une ressource UOH à laquelle on peut accéder par le blog Au son du FLE (http://w3.uohprod.univ-tlse2.fr/UOH-PHONETIQUE-FLE/), c’est une ressource que j’avais également dirigé. Et il y a également le site de Pietro Intravaia (http://www.intravaia-verbotonale.com), là aussi, vous trouvez la référence sur le site Au son du FLE. Tout en bas du site, vous avez un kit de survie verbo-tonale et là, vous pourrez trouver ce genre de référence. Pietro est quelqu’un qui a écrit un bouquin qui est paru en 2000 je crois, qui est un bouquin extrêmement intéressant sur la méthodologie de formation des professeurs de langue. Ce qu’il y a d’intéressant sur son site c’est que c’est bourré d’exemples. Il a passé 20 ans de sa vie à enregistrer des erreurs aux quatre coins du monde. En termes d’entrainement pour un enseignant, c’est une banque de données sonores absolument remarquable. Cela vaut la peine également de consulter ce site.
Merci beaucoup !
Avec grand plaisir.
L’article Interview de Michel Billières – la méthode verbo-tonale est apparu en premier sur Culture FLE.
Aujourd’hui, je vous propose une interview d’Anne Mocaër, formatrice et éditrice aux Editions Maison des Langues, sur le thème de l’utilisation de la photographie en classe de Français Langue Étrangère.
Anne Mocaër nous y parle de son parcours, des raisons qui l’ont amenée à s’intéresser à l’utilisation de photos en classe de FLE et aussi de leurs nombreux avantages. Elle nous donne quelques astuces et conseils pour mieux les utiliser et savoir où les trouver. Mais surtout, elle nous présente 10 activités (mais oui, j’ai bien dit dix !) que vous pouvez tout de suite et facilement ré-investir dans votre propre cours. Ses conseils précieux vous permettront d’utiliser (mieux et plus souvent) les photos en cours, en particulier les photos d’art et de presse. Car si une image vaut mille mots, la photo comme support créatif, c’est tout un art…
Vous trouverez ci-dessous tous les liens cités par Anne et d’autres pour aller encore plus loin :
https://www.nytimes.com/column/learning-whats-going-on-in-this-picture
https://www.courrierinternational.com/diaporama
https://phraseit.net/
http://www.polkamagazine.com/#
http://myroomphotos.com/
https://www.nytimes.com/interactive/2014/10/08/magazine/eaters-all-over.html?_r=2
https://www.instagram.com/stevemccurryofficial/
https://www.instagram.com/reuters/
https://www.instagram.com/natgeo/
Raymond Depardon
Dorothea Lang
Martin Parr
Henri Cartier-Bresson
Cet article participe à l’évènement inter-blogueurs « Le support visuel dans l’apprentissage d’une langue étrangère », organisé par le blog Le français illustré.
C’est parfait si vous voulez travailler sur l’expression « il y a » ou sur les expressions de localisation (à droite, devant, à côté, etc.). Cela peut avantageusement remplacer un plan.
Demandez alors aux apprenants de faire des suppositions sur la partie cachée. Cela permet de donner son opinion (sans subjonctif : niveau A2)
Vous pouvez découper du papier ou utiliser l’outil « https://phraseit.net » pour insérer une bulle parlante ou une bulle de pensée. Possible à partir de A1.
Prenez une photo de presse et demandez à vos apprenants de trouver une légende. Puis, comparez avec la vraie légende. Cela permet de travailler l’expression écrite de manière assez rapide pour être faite en classe.
Il s’agit d’un exercice inspiré du New York Times avec des photos un peu spéciales : https://www.nytimes.com/column/learning-whats-going-on-in-this-picture. Il est possible de traduire l’anglais en français si vos apprenants le comprennent. Ils peuvent ainsi travailler l’expression de l’hypothèse. Vous pouvez aussi leur demander d’apporter eux-mêmes une photo intéressante.
Les apprenants doivent nommer une émotion et justifier, expliquer. Permet de parler des émotions sans que les apprenants doivent s’impliquer trop directement. Demandez ensuite aux apprenants de chercher une autre photo qui représente pour eux la même émotion et de l’apporter en classe. Ils doivent alors la décrire aux autres, et leur expliquer pourquoi elle appelle cette émotion-là chez eux (Éventuellement, laissez les autres d’abord trouver de quelle émotion il s’agit).
Donnez un peu d’informations sur le photographe ou sur l’événement, puis demandez à vos apprenants d’en rechercher davantage sur l’événement (historique ou d’actualité) ou le photographe. Demandez-leur de chercher des photos d’événements historiques de leur pays.
Cela permet de réviser le vocabulaire !
Un groupe d’apprenants en dirige un autre pour reproduire une photo. Cela permet d’utiliser l’impératif. Ensuite, la photo est prise, et les apprenants peuvent comparer le résultat avec l’original.
Demandez aux apprenants de reprendre le travail d’un photographe. Hannah Whitaker prend en photo les petits déjeuners. Cela permet de travailler l’interculturel. Puis, ils doivent prendre une photo de leur propre petit-déjeuner !
Demandez-leur de chercher une autre photo du même photographe qui leur a le plus plu ou qui les a touché et de la décrire en classe en expliquant leur choix.
L’article Utiliser les photos en classe de FLE avec Anne Mocaër est apparu en premier sur Culture FLE.
J’ai discuté avec Odile Bams, orthophoniste donnant des cours de prononciation à l’université populaire de Strasbourg. Elle nous parle de la manière dont elle enseigne la prononciation du français aux étrangers, et j’espère que vous trouverez dans son intervention des astuces utiles que vous pourrez réutiliser dans vos propres cours.
Certains d’entre vous se demanderont peut-être pourquoi j’ai choisi de poser des questions à une orthophoniste… Eh bien, il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d’abord, Odile BAMS enseigne la prononciation du français à l’université populaire de Strasbourg. A ce titre, elle est bien enseignante de FLE spécialisée en prononciation. Son parcours un peu atypique, venant de l’orthophonie, m’a attirée et j’ai pensé qu’elle aurait pour cette raison quelques astuces utiles pour les professeurs souhaitant travailler davantage sur la prononciation. Personnellement, j’ai effectivement appris des choses intéressantes en parlant avec elle. J’espère donc que ce sera également votre cas.
Certains professeurs de FLE déjà spécialisés en prononciation trouvent peut-être qu’il ne faut pas faire d’amalgame entre un(e) « orthophoniste », travaillant sur les troubles du langage, et leur métier, qui s’adresse à des apprenants étrangers. Et ils ont raison : je suis entièrement d’accord sur le fond. Cependant, mon expérience personnelle m’a poussée vers les orthophonistes : Française cherchant à corriger mon accent en allemand, je n’ai malheureusement pas trouvé de professeur d’allemand capable de m’aider à travailler cet aspect parfois handicapant dans ma vie professionnelle. Je suis convaincue que les étrangers vivant en France sont confrontés exactement au même problème. L’accent est un facteur de discrimination. Les personnes qui y sont confrontées ont bien des difficultés à trouver des personnes formées et qualifiées pour les aider.
Bref, il y a clairement un déficit de formation en prononciation. Il me semble que toutes les techniques pouvant s’avérer utiles dans ce domaine méritent donc d’être présentées. Je compte bien refaire quelques épisodes sur la prononciation. Si vous avez des choses à dire sur ce sujet, n’hésitez pas à prendre contact avec moi. Nous pourrons peut-être proposer un nouveau podcast sur le sujet ensemble.
Si vous avez des questions, des remarques, des commentaires, n’hésitez pas à les poster et à animer un débat autour de ce sujet sensible mais passionnant. Les échanges de points de vue sont à mon avis toujours enrichissants.
Bonne écoute !
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Aujourd’hui, je vous propose une interview de Jérôme Paul, le créateur du français illustré.
N’hésitez pas à aller faire un tour sur son blog : https://lefrancaisillustre.com
Marianne Viader (Culture FLE) : Bonjour Jérôme !
Jérôme PAUL (le français illustré) : Bonjour !
MV : Est-ce que tu peux nous présenter ton parcours ? Qui es-tu et qu’est-ce tu fais ?
JP : Eh bien je m’appelle Jérôme Paul, je suis prof de FLE aux Pays-Bas depuis plus de 25 ans et j’ai enseigné dans des écoles publiques néerlandaises, enfin j’enseigne toujours dans une école publique, dans un collège Montessori. Et depuis quelque temps, je suis aussi le créateur de la chaine YouTube « le français illustré ». Depuis très peu de temps, j’ai un blog sur le français illustré.
MV : D’accord. Et qu’est-ce qui t’a motivé à créer le français illustré ?
JP : Eh bien, dans mon école Montessori, je voulais proposer à mes élèves une autre façon d’aborder la lecture, d’aborder la compréhension écrite, et donc j’ai imaginé des illustrations qui permettaient de soutenir le texte, de soutenir des phrases surtout, d’aider à la compréhension des phrases. Très rapidement, j’ai imaginé un système, en deux temps, d’exercices à la compréhension écrite. Tout d’abord, il y avait une phase d’exposition. Pendant cette phase, l’élève avait la phrase française qui était illustrée, et il avait la traduction néerlandaise juste à côté. Il lisait cela, et ensuite on passait à une phase de compréhension proprement dite, c’est-à-dire de contrôle de la compréhension : l’élève avait les phrases françaises et au-dessus de toutes ces phrases, il y avait les illustrations. Tout se faisait sur ordinateur, sur document Word. Pour montrer que l’élève avait compris les phrases en français, il cliquait sur une illustration et il la plaçait au bon endroit derrière la phrase. En fait, on avait une traduction : français®illustration. Et puis, comme ça a bien marché à l’école, je me suis demandé ce que je pouvais en faire de plus. Au début, j’ai eu l’idée de faire une application pour téléphones portables, pour smartphones. J’ai même contacté une entreprise spécialisée dans ce domaine, mais c’était vraiment trop cher pour mon porte-monnaie de monter un tel projet. Donc j’ai laissé de côté. Et après, je me suis demandé : « Mais comment est-ce que je peux quand même utiliser ce système d’illustration pour aider la compréhension ? » J’ai eu l’idée de fabriquer une chaine YouTube. Cela fait maintenant déjà presque trois ans que j’ai une chaine YouTube, avec 140 vidéos à l’heure actuelle, et ça marche bien. Enfin, je trouve que ça marche bien.
MV : D’accord. Donc en fait l’idée de départ c’était la compréhension écrite ?
JP : Enfin, l’idée de départ c’était la compréhension écrite à l’école. Parce que j’avais vraiment le matériel de base, j’avais des ordinateurs, et c’était déjà très bien, j’utilisais le programme Word et voilà. Après, avec la chaine YouTube, là, c’est passé au niveau oral et écrit, c’est-à-dire que pour chaque vidéo, il y a, au début, c’étaient 5 phrases, maintenant c’est beaucoup plus, cela va de 8 à 12 phrases, parfois 6 phrases, qui sont lues et écrites, donc on peut s’exercer à la compréhension orale, et à la compréhension écrite aussi.
MV : Oui, donc les vidéos, cela fonctionne comment ? Est-ce que tu peux nous décrire ce qui se passe dans une vidéo du français illustré ?
JP : Alors une vidéo dure en gros une minute trente, deux minutes, en gros. Il y a de 5 à 12 phrases qui forment ensemble une petite histoire, ou en tout cas une unité thématique. Les phrases sont dites et écrites, et au milieu de l’écran, il y a un cartouche avec les illustrations. Ensuite, les phrases sont répétées, plus lentement, et pour chaque mot ou groupe de mot, il y a l’illustration qui apparait, pour ensuite reformer la phrase entière. Et puis voilà, c’est tout simple, donc c’est vraiment de l’exposition, de l’input, c’est vraiment du comprehensible input selon la théorie de Stephen Krashen, donc voilà, c’est surtout pour offrir le plus possible aux visiteurs de la chaine YouTube, aux apprenants du français, de l’input.
MV : Et je crois que, grâce au blog, maintenant, tu proposes aussi des exercices sur ces vidéos… Donc les exercices dont tu parlais, que tu faisais auparavant en classe, maintenant il est possible de les faire en ligne sur le blog ?
JP : Plus ou moins… Donc la chaine YouTube, je l’ai créée il y a trois ans, et j’ai créé un blog depuis le mois de juin dernier, donc depuis 2018, et sur ce blog, je place bien sûr mes vidéos, et je place aussi des exercices. Alors, cela peut être des exercices interactifs en ligne, des memory. Au lieu de retrouver deux images identiques, l’apprenant doit retrouver une image et son mot. Mais il y a aussi des exercices qui reprennent plus ou moins ce que je faisais à l’origine dans mon école : on doit replacer les mots sous les bonnes illustrations ou replacer les illustrations sous les bons mots.
MV : Et donc maintenant tu proposes quelque chose pour les professeurs ?
JP : Oui, j’ai sur mon blog une page spéciale profs. Avant de créer le blog, j’avais créé une fiche pédagogique qu’on pouvait utiliser avec des vidéos YouTube. Mais je propose aussi ce que j’appelle des fichiers bis, c’est-à-dire les présentations PowerPoint que j’ai utilisées à l’origine pour fabriquer mes vidéos. Les profs peuvent utiliser ces présentations pour exercer l’expression orale, et l’expression écrite aussi. Donc les profs peuvent aller voir sur le site, tout est en accès libre et gratuit.
MV : D’accord, oui, je mettrais le lien. Donc justement, un professeur trouve le principe intéressant. Qu’est-ce que tu lui proposes de faire ? Est-ce que tu as des activités à lui proposer ?
JP : Le plus simple, c’est d’utiliser les vidéos pour introduire un cours, pour introduire une thématique, ou pour le finir. Le prof peut aussi donner des vidéos à visionner à la maison, en devoirs, ça peut être de simples devoirs. Mais ça peut être aussi un système de classe inversée : il donne une ou deux ou trois vidéos à visionner à la maison et en cours, il fait plus d’exercices, il ne passe pas trop de temps à visionner, il fait des exercices d’expression ou de compréhension en classe. Un prof branché pourrait même utiliser le smartphone et l’application Whatsapp. Il crée un groupe Whatsapp avec sa classe et chaque jour, il diffuse, il poste sur le Whatsapp, sur le groupe, une vidéo du français illustré. Comme il y a déjà maintenant 140 vidéos, ça fait plus d’une demi-année presque quotidien, en tout cas de jours d’école, que les élèves peuvent regarder chez eux avec leur téléphone portable. Donc le plus simple, c’est simplement la diffusion pour offrir le plus d’exposition possible au français.
MV : Ça permet aux élèves de s’exposer au français chez eux, par le biais des vidéos
JP : Voilà, le problème du cours de français c’est qu’on est assez limité en temps et si on veut que les élèves soient plus en contact avec le français, les vidéos sont courtes, donc cela ne leur demande pas trop d’investissement en temps et ils peuvent utiliser leur téléphone portable ou leurs ordinateurs ou leurs tablettes pour regarder ça chez eux.
MV : OK, est-ce tu as encore d’autres pistes d’utilisation ?
JP : Oui, alors j’ai ce que j’appelle les fichiers bis. Alors les fichiers bis, ce sont les fichiers PowerPoint que j’ai utilisés pour fabriquer mes vidéos. Je n’utilise pas entièrement tout le fichier PowerPoint, mais j’utilise une première diapositive qui expose un cartouche avec les illustrations, et une deuxième diapositive qui expose ce même cartouche mais avec le texte. Et donc le professeur peut utiliser ce fichier PowerPoint, peut le diffuser sur son tableau blanc et en projetant seulement la première diapositive, il peut demander à ses élèves de formuler des phrases à l’oral ou à l’écrit. Évidemment, il est préférable d’avoir visionné au préalable, à la maison ou en classe, la vidéo correspondante. Et donc les profs peuvent trouver ça sur le blog page prof, fichier bis. Là, c’est pour faire travailler l’expression écrite et l’expression orale. J’ai aussi sur le blog une fiche pédagogique. C’est une fiche pédagogique basée sur 4 vidéos qui permet, pour un niveau A1, de traiter le thème « j’aime / je n’aime pas / je préfère / je déteste ». Ce qui est un peu particulier, ce qui est nouveau avec cette fiche pédagogique, c’est que je propose un jeu de cartes, enfin, deux jeux de cartes que les profs peuvent imprimer et découper pour leurs élèves. Sur le premier jeu de carte, il y a seulement les illustrations, et en utilisant ce jeu de cartes, les élèves peuvent montrer qu’ils ont compris une phrase à l’oral ou à l’écrit en plaçant les bonnes illustrations dans le bon ordre. Et le deuxième jeu de cartes, ce sont les illustrations et le texte, plus d’autres mots qui ne font pas partie des 4 vidéos mais qui peuvent être utilisés dans le cadre de dire ce que l’on aime ou ce que l’on n’aime pas. Et là, on offre la possibilité aux élèves de fabriquer de nouvelles phrases simplement en posant sur leur table les cartes dans le bon ordre.
MV : D’accord. Oui, donc, tout ça c’est vraiment intéressant. Ça leur permet aussi, les illustrations, j’imagine, de mieux retenir les mots quand ils sont associés à des images. Cela sollicite aussi la mémoire visuelle.
JP : Oui, et pour les élèves qui sont beaucoup plus visuels, cela les aide beaucoup. Et j’ai remarqué aussi dans mon école, j’ai certains élèves qui sont dyslexiques, et ils sont plus à l’aise avec cette façon d’apprendre qu’avec un livre et pratiquement que du texte.
MV : Oui et puis c’est vrai qu’avec ce PowerPoint, comme tu disais, c’est un peu l’inverse de la dictée dans laquelle les élèves doivent faire des dessins, là ce sont des dessins et les élèves doivent écrire le texte.
JP : Oui, c’est ça.
MV : Oui, c’était une astuce que j’avais reprise sur mon blog, mais que justement tu m’avais soufflée.
JP : Oui, oui.
MV : Est-ce tu as une sorte de lexique ? Puisque tu utilises des illustrations pour chaque mot, je pense que le professeur devrait savoir à quel mot correspond chaque illustration. Est-ce que tu as une sorte de lexique ?
JP : Ben, les illustrations sont … J’ai un lexique que j’utilise pour fabriquer mes vidéos, parce que dans chaque vidéo, je reprends en gros 80% de termes que j’ai déjà utilisés auparavant, et j’introduis de nouveaux mots, donc j’ai besoin de ce lexique, cet index français ®illustrations pour fabriquer mes vidéos, mais je n’ai pas d’index que j’ai mis en ligne. C’est peut-être une idée… Mais en principe les illustrations parlent d’elles-mêmes : si on a le mot pomme, eh bien c’est le dessin d’une pomme. Si c’est le verbe manger, eh bien, c’est le dessin de quelqu’un qui mange. Alors, il y a des illustrations qui sont peut-être un peu plus compliquées à comprendre, mais si, par exemple, on a le pronom je, on a le dessin d’un personnage qui pointe son index sur sa poitrine, pour dire c’est moi, donc je. Il y a d’autres illustrations qui sont un peu plus compliquées, comme par exemple comment illustrer le verbe avoir, ou le verbe être, c’est assez compliqué finalement, mais j’ai écrit des articles où j’explique ma démarche et donc ces articles sont disponibles sur le blog.
MV : D’accord, donc en fait c’est très facile d’utilisation même si on le prend en cours de route. Finalement, pour des élèves qui ne sont plus débutants, ils s’accommoderont vite des illustrations.
JP : Oui, oui. J’ai déjà fait des tests, avec mes vidéos, sur des enfants du primaire qui n’avaient jamais eu aucun contact avec le français, et je leur diffusais la vidéo et je leur demandais : Qu’est-ce que tu comprends en néerlandais ? Et ils me faisaient la traduction assez facilement du français, simplement en se basant sur les illustrations Donc ça marche. C’est pour ça que le slogan du français illustré, en tout cas sur le blog, c’est « un apprentissage simple et naturel du français ».
MV : D’accord. OK, c’est très intéressant. J’espère que nos auditeurs iront faire un tour sur ton blog. Est-ce que tu veux nous redonner l’adresse ?
JP : Donc l’adresse c’est https://lefrancaisillustre.com
MV : OK, d’accord ! Merci beaucoup
JP : De rien.
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Lundi, j’étais à TheaLingua avec Marjorie Nadal. Mais qu’est-ce que TheaLingua ? Pour le découvrir, écoutez l’interview !
Marjorie Nadal nous explique comment utiliser le théâtre pour dépasser ses peurs en cours de langue grâce à trois piliers :
Allez aussi faire un tour sur le site de TheaLingua !
Si vous souhaitez contacter Marjorie Nadal, vous pouvez le faire à cette adresse : [email protected].
Voici les sites de ressources dont elle nous parle dans l’interview :
J’espère qu’elle vous aura convaincu(e)s d’essayer. N’hésitez pas à nous faire part de vos réussites dans les commentaires !
PS: Vous pouvez aussi utiliser l’extrait de l’interview dans lequel Marjorie Nadal raconte sa propre expérience d’apprentissage en compréhension orale en cours…
Cette interview est également disponible sur Youtube :
Marianne VIADER (Culture FLE) : Bonjour Marjorie !
Marjorie NADAL (Thealingua): Bonjour Marianne !
Marianne VIADER : Alors tu as cofondé Thealingua…
Marjorie NADAL : Oui, tout à fait.
MV : Est-ce que tu peux nous raconter un petit peu ce que fait Thealingua ?
MN : Alors, qu’est-ce que fait Thealingua ? Alors, Thealingua est une entreprise d’intérêt public qui promeut l’apprentissage du français par le théâtre. On promeut un apprentissage du français par le théâtre doublé avec un apprentissage plus classique dans la classe de langue, dans le cours de langue. C’est-à-dire qu’on prend les outils du théâtre pour promouvoir une expression en langue française qui est engagée, qui est motivée et qui est plaisante pour les apprenants. Voilà !
MV : D’accord. Est-ce que tu peux nous expliquer comment tu es arrivée à cette idée de fonder Thealingua ?
MN : Oui, alors… pour revenir un tout petit peu sur mon parcours, Thealingua a été une rencontre. Alors moi, je viens du milieu animation/formation, tout ce qui était dans l’éducation populaire, et puis une école de théâtre, quand j’étais fort jeune. Et ensuite ce milieu de la jeunesse lié au théâtre m’a amenée à faire du théâtre avec des jeunes, pour moi, semi-professionnel, etc. Donc ce milieu-là, je le connaissais bien… Et puis rencontre avec un Allemand, envie de partir vivre à l’étranger… Donc j’ai fait un master de didactique des langues que j’ai tout orienté sur apprendre – l’écrit, l’oral, la culture, tout – par le théâtre. Mon mémoire de master portait sur apprendre la langue française par le théâtre d’improvisation, puis le doctorat que j’ai commencé portait également sur la question des variations identitaires de la langue maternelle à la langue étrangère. J’ai vu qu’on n’était pas les seuls à faire ça et à Berlin, j’ai rencontré des personnes qui étaient comédiens, metteurs-en-scène, éducateurs, professeurs de langue, qui avaient des expériences comme moi dans ce monde de la pédagogie, de l’enseignement des langues et du théâtre et en fait au milieu de ces trois piliers – pédagogie, enseignement des langues et théâtre – il y a Thealingua. Thealingua, c’est comment je vais pouvoir prendre le groupe d’apprenants avec les outils du théâtre pour aller le porter vers l’utilisation de langue française qui est sa langue étrangère. Et voilà ! Donc Thealingua, c’est une histoire de rencontre avec chacun nos spécificités dans ces trois domaines.
MV : D’accord, c’est très intéressant… Est-ce que tu peux nous décrire concrètement qu’est-ce que vous faites ? Vous intervenez dans les écoles ?
MN : Oui, concrètement on intervient dans les écoles, à partir de la troisième classe (en France : CM1) jusque pour les enseignants puisqu’on propose aussi des formations. Donc concrètement, on a trois formats qui sont les plus courants :
L’exemple typique, c’est les relations franco-allemandes au cœur de l’Europe, c’est un grand thème qui est fait en Leistungskurs (Terminale) de français, c’est un vaste thème : qu’est-ce que, aujourd’hui, un groupe de 14 par exemple, qu’est-ce que ces 14 jeunes ont envie de dire là-dessus ? Et ça par exemple, c’est intéressant de prendre ce temps, d’aller explorer leur vision pour ensuite voir leurs mots, et puis leur texte, et puis du coup la création théâtrale. Donc c’est pour ça qu’on a ce petit atelier d’initiation, mais ensuite on essaie d’avoir au moins un Projekttag (journée projet) qui permet d’avoir au moins une petite scène, et voire, si on a la chance d’avoir une Projektwoche (semaine projet) où on va vraiment réaliser tout une pièce de théâtre sur le thème qui a été décidé avec l’enseignant.
MV : Ok, alors les professeurs de FLE vous contactent… Quel est l’intérêt d’inclure le théâtre dans une classe de langue, dans un cours de langue ?
MN : Alors les intérêts y’en a beaucoup mais généralement, enfin, assez souvent, on est contacté pour un phénomène qui se retrouve à tous les âges et à tous les niveaux de langue, c’est la question de la peur. La peur, elle est diverse : il y a la peur de mal s’exprimer, de faire une faute, d’être bloqué là-dedans… Il y a la peur soi-même de se sentir ridicule parce qu’on se sent incompétent, comme moi quand j’ai commencé à parler l’allemand. Je n’arrivais pas à exprimer ce qu’il y avait dans ma tête, dans mon corps, dans mon cœur, parce que j’avais une déficience au niveau des mots en langue étrangère, en langue allemande pour moi. Et du coup, il peut y avoir cette peur aussi chez les apprenants de ne pas arriver à faire passer ce que eux veulent signifier. Donc il y a déjà ces deux peurs : la peur de se sentir ridicule et la peur de faire des fautes. Et la troisième, évidemment, que met en jeu le théâtre, c’est la peur du regard de l’autre… la peur d’être observé, regardé, jugé, critiqué, estimé, évalué et tout ce qu’on veut. Et du coup, ces trois peurs sont bloquantes pour parler et parler avec son corps, parler de façon libre et spontanée et souvent, le travail de théâtre va aider à dépasser ces peurs. Comment ? C’est la grande question. C’est toute la méthodologie de Thealingua qui est basée là-dessus. C’est en travaillant par le plaisir, mais le plaisir qui s’acquiert avec l’énergie qu’on met dans l’expression corporelle, donc il y a déjà quelque chose qui part du corps, une impulsion du corps : le corps est quand même d’abord le premier vecteur d’expression avant les mots – je pense c’est important de le rappeler. Donc on met en action ce corps (1), (2) on le met en action de façon collective, ensemble, en groupe, on va faire des choses : non pas un qui est observé par le groupe mais tous ensemble. On va devoir être responsable et acteur dans le projet, la parole etc… Donc ce collectif il est vraiment important et avec ça, chacun va pouvoir s’engager dans ce qu’il a à dire, comment il veut le dire et du coup pouvoir s’emparer du projet. Donc ces trois choses : le corps, le collectif et l’engagement sont faites pour dépasser la peur et prendre du plaisir à s’exprimer dans la langue étrangère, ici le français.
MV : Oui, c’est vrai que, pour nos auditeurs qui ne te voient pas, j’aimerais quand même préciser qu’on voit que tu t’exprimes vraiment avec le corps. Quand on te regarde, on voit que beaucoup d’expression passe par le corps, effectivement.
MN : Oui, et c’est aussi l’habitude, je pense, d’être devant des apprenants de français où mes mains, mes bras, mes mimiques, mon corps, aident justement à faire passer ce que je veux dire en découpant ma phrase et en l’accompagnant de mimiques expressives ou de gestes qui permettent de mieux comprendre. Je pense qu’il y a les deux, il y a le côté théâtre et comédienne, et le côté justement d’être avec des apprenants avec des choses explicatives physiquement.
MV : Oui, il y a l’aspect : ça aide à mieux expliquer, mais ça aide aussi les apprenants à mieux repérer les mots, à mieux mémoriser les mots. C’est vrai qu’il y a des recherches en neurodidactique qui montrent que les gestes permettent de reconnecter les deux hémisphères et que cela permet de mieux mémoriser les mots si on les met en relation avec des gestes.
MN : Tout à fait, et c’est pour ça que nous, on est le propre exemple de ce qu’on promeut ! On est beaucoup dans notre corps, dans l’énergie, dans les gestes. Ce qu’on va demander et que les apprenants, les jeunes vont réaliser en passant eux aussi par leur corps, leurs gestes, leur sourire, leurs mimiques, leur voix et leurs mots de français.
MV : Donc tout cela c’est passionnant et si un professeur nous écoute et se dit : « je trouve ça génial, demain je veux mettre ça en place dans ma classe. » Que doit-il faire ?
MN :Allez, c’est parti ! Alors, soit il nous contacte parce qu’il a envie d’aller loin, fort et haut avec un gros projet, soit il peut concrètement commencer avec des petites choses : un petit exercice nous qu’on aime bien, et qui généralement lance soit un atelier d’initiation, soit un Projektwoche (semaine projet) soit un Projekttag (journée projet), c’est un exercice qui s’appelle le mot écho.
Le problème principal de l’enseignant de langue, ce n’est pas tant de motiver les élèves, d’avoir des exercices de qualité, c’est… l’espace, c’est-à-dire la table et les chaises. Parce que si on veut travailler le corps d’une façon collective et engagée, les trois piliers que j’ai décrits, il nous faut de l’espace. Donc je conseille d’abord à cet enseignant ou cette enseignante de prendre ces tables, de prendre ces chaises et de les mettre, si possible dans le couloir, ou de les empiler les unes sur les autres, pour que les jeunes, les élèves, les apprenants se retrouvent en cercle dans la classe. Et déjà quand on a aura pu faire un cercle de personnes, on sera un petit peu plus au clair pour commencer l’exercice. Donc, on fait de l’espace, on fait un cercle, on se met dans son corps, donc les pieds bien par terre, hop, on se positionne, et on va travailler, disons, le vocabulaire de la classe. On essaie de tous prendre dans la main quelque chose de la classe : des lunettes, un crayon, un stylo, chacun quelque chose… Donc moi, j’arrive, je suis dans le cercle, les pieds dans le sol et j’ai un crayon dans la main.
L’exercice s’appelle : Le mot écho. Je vais donc prendre mon crayon, aller dans le cercle et dire « mon crayon » avec un geste. Par exemple, je dis « mon crayon » avec un grand soleil que font mes bras. Donc, cela va faire : « mon crayon » (Marjorie fait un soleil avec ses bras). Voilà, le geste du grand soleil avec les bras avec ce mot. Le groupe qui a observé et écouté, va répéter « mon crayon » avec mon geste au centre du cercle. Donc, au niveau sonore ,ça ferait : « mon crayon » avec le grand geste, et le groupe qui reprend tous ensemble « mon crayon » avec un grand geste, le grand soleil, voilà. Ensuite le deuxième passe. Le deuxième a ses lunettes, donc il va faire « mes lunettes » en agitant les bras, le groupe reprend « mes lunettes » en agitant les bras, etc., le troisième, le quatrième, le cinquième, tout le monde passe.
C’est un petit exercice de lancement, mais c’est un petit exercice qui combine :
MV : Est-ce que tu as d’autres conseils à donner, un autre exemple ?
MN : Alors une autre petite chose qui marche généralement bien et qui est très théâtrale, c’est tous les jeux avec les émotions. Donc, comme j’expliquais, on va d’abord partir du corps avec le collectif, s’engager, donc il y a différents jeux qu’on peut trouver dans des exercices dans des livres d’exercices de théâtre ou bien sur des sitographies d’exercices de théâtre, je pourrai t’en donner une ou deux qui sont très très bonnes (cf. liens ci-dessus), bref, une fois qu’on a échauffé le corps au niveau des émotions, une fois que le corps est prêt – il est prêt, il a envie de jouer et on est dedans grâce à la dynamique collective, l’expression – on prend une petite phrase de notre Découvertede Klett (ouvrage utilisé en Allemagne pour les cours de français) et donc page 37 on a :
Imaginons qu’on va lire maintenant : alors vous, vous faites le groupe de monsieur Rigaud et vous êtes en colère. Et vous, vous faites le groupe de madame Rigaud, et vous êtes aussi en colère. Alors ça va nous faire : (lecture du dialogue par Marjorie avec le ton). On commence à avoir un peu d’intérêt à la scène. On imagine du contexte.
Maintenant faisons-le, ils sont très fatigués, ils rentrent de vacances, c’est le bazar dans la maison, il faut tout organiser, demain c’est la rentrée, c’est la catastrophe, donc : (nouvelle lecture du dialogue avec le ton). Pareil, on imagine encore un autre monde.
Et le dernier, qui est toujours intéressant à jouer, c’est amoureux, qu’est-ce que ça va dégager comme contexte… Donc là on aurait : (nouvelle lecture avec le ton). Et pareil, on va imaginer du coup tout un contexte qui fait que le dialogue va devenir intéressant : il va y avoir du plaisir à jouer ça, on va se mettre à imaginer du sous-texte, des scènes autres etc. Et du coup, les participants seront engagés dans ce qu’ils disent davantage que si on leur demandait de jouer d’une façon classique et neutre, avec juste un objectif linguistique. L’objectif d’expression complète l’objectif linguistique à ce moment-là.
MV : Oui, c’est intéressant. Cela permet aux apprenants de sortir de leur propre personne pour jouer un personnage et à surmonter de cette manière leurs peurs en fait…
MN : Tout à fait, alors là, il y a pas mal de chercheurs qui s’intéressent au fait de se décentrer. C’est plutôt au niveau de l’interculturel, rentrer dans la culture de l’autre, l’empathie etc. Et on a un parallèle qui est assez clair entre le fait, au théâtre, de rentrer dans la peau d’un autre personnage, de devenir autre, et le fait, quand on parle une langue étrangère, de s’approprier une autre langue, une autre culture, et du coup, un autre soi parlant une langue que l’on ne maitrise pas. Et ce que ce que cela implique chez nous est un petit peu comme le comédien qui interprète un personnage, on est un peu, je crois, quand on parle une langue étrangère, un comédien qui s’ouvre des portes et qui s’approprie le monde par un autre personnage, un autre soi-même dirons-nous.
MV : Oui, on dit souvent que cela ajoute un peu une nouvelle personnalité, apprendre une langue étrangère ajoute une autre facette à la personnalité qu’on a.
MN : Exactement, l’ajouter ou l’ouvrir. Je pense que, plus on apprend la langue intensément et dans sa culture, dans la façon de la dire, de la vivre, de l’exprimer, et au plus on va s’ouvrir des portes et se découvrir soi-même capable de plein de choses, et prendre confiance sur un tas de choses qui pouvaient faire peur chez l’autre ou dans le monde.
MV : D’accord, merci beaucoup !
MN : Avec plaisir !
MV : Tout cela est très intéressant donc j’espère que nous aurons convaincu nos auditeurs d’utiliser le théâtre dès demain dans leur classe. Merci beaucoup !
MN : Avec plaisir ! Au revoir !
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J’ai une question pour toi : as-tu déjà entendu quelqu’un se souvenir avec plaisir ou nostalgie de ses cours de langues du collège ou du lycée ? As-tu déjà entendu quelqu’un s’extasier de leur qualité, du fait qu’ils lui aient permis d’apprendre à bien parler une langue étrangère ? Non ? Eh bien moi non plus ! C’est bizarre, n’est-ce pas ? Chaque fois que quelqu’un parle de ses cours de langues de l’école, c’est pour les critiquer. Comment cela se fait-il ?
D’abord, reconnaissons que ce n’est pas facile d’apprendre (ou d’enseigner) une langue étrangère avec 3 ou 4 heures de cours par semaine, et encore moins au sein d’une classe de 25 à 40 élèves… Il est compréhensible qu’on ne devienne pas bilingue, même après 5 à 7 ans à ce régime. Cependant, ces cours ont bien un objectif. Ne devrions-nous pas être capables, en fin de lycée, de tenir une conversation simple dans les langues apprises ? Alors pourquoi n’est-ce pas le cas ?
N’essaie pas de me dire que c’est un problème français ! Je vis en Allemagne, et je ne compte plus le nombre de fois où j’ai entendu : « J’ai appris le français à l’école, j’en ai quelques souvenirs, mais je suis incapable de parler. » D’ailleurs, mon cousin allemand (eh oui, j’ai de la famille originaire d’Allemagne, même si moi, je suis française) résumait ses cours de français à des cours de grammaire française. Et inutile de préciser que de tels cours ne permettent pas de parler plus tard…
Bon, c’est peut-être un peu caricatural. Toi qui donnes des cours de langue, tu te dis que tu fais quand même aussi de la compréhension écrite et orale, et un peu d’expression. Il est vrai que l’expression orale, avec 30 élèves dans ta classe, reste malgré tout assez limitée, mais tu fais de ton mieux et il y en a ! On ne peut pas dire le contraire. L’expression écrite, ce sont souvent des devoirs et des tests, et si tu es honnête, il est clair que certain·es se donnent plus de peine que d’autres. Tout ne dépend pas non plus de toi…
Alors, qu’est-ce qui manque au Français (ou à l’Allemand) quand un étranger lui demande en anglais (ou en français) dans la rue comment se rendre à la gare ou au musée ? Est-ce que je me trompe en supposant qu’une réponse simple va te venir assez spontanément à l’esprit : du vocabulaire ?
Bien sûr, parler correctement une langue, cela demande de maîtriser la grammaire. Mais le premier élément indispensable pour être en mesure de parler (et de comprendre), ce sont les mots, c’est le vocabulaire… Quelques mots dans le désordre suffisent souvent à se faire comprendre. J’en veux pour preuve la tactique (très efficace) que certain·es ont adopté ici à Berlin pour demander leur chemin. Leur question se limite à : « où gare ? » et si elle n’est pas correcte, elle est parfaitement compréhensible.
Pour répondre en anglais à notre étranger perdu dans la rue en France, il faudrait des mots du type : « à droite », « à gauche », « tout droit », « la première rue », « prendre », « tourner », etc… Et peut-être aussi justement un peu moins de complexes au sujet de la grammaire. Peu importe que la phrase soit parfaitement juste du point de vue grammatical, du moment qu’elle est compréhensible.
Et là, tu vas très certainement me dire que ces mots ont sûrement déjà été vus à l’école pendant le cours de langue. Et tu auras parfaitement raison. Je crois que nous touchons maintenant le cœur du problème !
En effet, ils ont assurément été vus au moins une fois, lorsque l’unité « donner des directions » a été traitée. Et avec un peu de chance, il y a eu une deuxième édition l’année suivante, mais ce n’est plus du tout sûr. Et ensuite, ces mots n’ont très vraisemblablement plus jamais été utilisés. Résultat : ils ont été oubliés ! Car nous savons pertinemment que l’apprentissage (et celui du vocabulaire en est l’exemple paroxystique) repose sur les répétitions et les révisions.
Pourtant, l’apprentissage du vocabulaire, sans même parler des révisions, est souvent donné à faire seul·e à la maison… Comme tout le monde n’a pas forcément appris à apprendre, cela donne des résultats très variables selon les élèves. Tout cela ne fait qu’augmenter l’hétérogénéité de la classe. Le résultat, c’est que la grande majorité d’entre nous se retrouve incapable de parler la langue étrangère qu’elle a étudiée à l’école pendant des années.
C’est logique ! Nous avons finalement toujours fait ainsi. Nous observons que cela ne fonctionne pas, mais en l’absence de meilleure idée, nous continuons à faire ce que nous avons appris à faire par l’exemple.
Aujourd’hui, tu es toi-même professeur de langue, et tes apprenant·es sont peut-être motivé·es et capables d’apprendre seul·es à la maison. Peut-être que cela fonctionne mieux à l’âge adulte et que c’est l’opportunité pour elles et eux de combler d’anciennes lacunes accumulées à l’école par manque de motivation (et de maturité). Peut-être que cela dépend des enfants…
Mais est-ce bien vrai ? Trouvent-ils le temps d’apprendre régulièrement ? Leur rappelles-tu au moins de temps en temps de le faire ? Leur expliques-tu aussi comment s’y prendre ? Dans quelle mesure as-tu le même réflexe que tes ancien·nes professeur·es au sujet du vocabulaire ? Combien de temps consacres-tu à son apprentissage sur ton heure de cours ? Et combien d’occasions offres-tu à tes apprenant·es de réviser ?
Tu penses peut-être qu’il serait possible de faire mieux, mais tu manques d’idées concrètes et efficaces. Tu as déjà essayé différentes stratégies : cela fonctionne dans un premier temps, jamais sur la durée… Il faut avouer que les cours de didactique du lexique en FLE n’ont pas été ni très instructifs, ni très concrets sur ce sujet.
Et pense à tous ceux qui pensent avoir plus appris avec Duolingo que pendant ces longues années d’apprentissage. Comment est-ce possible ? Si tu as toi-même testé l’application, tu t’es certainement rendu compte qu’elle était très basique. Le niveau qu’elle permet d’atteindre dans une langue reste très bas. Il est donc inquiétant que ce niveau assez bas soit jugé plus haut que celui atteint pendant les cours de l’école, tu ne penses pas ?
Évidemment, en dehors de l´école, sans contrainte, il est beaucoup plus facile d’être motivé·e. En plus, l’application est toujours disponible sur le portable : c’est plus facile de s’entraîner tous les jours (une des clés de l’apprentissage : des sessions courtes mais fréquentes). On se concentre cinq minutes et hop ! On a déjà l’impression d’avoir appris quelque chose. Ces succès motivent à en faire plus. Tu ne me crois pas ? Alors va faire un tour dans les commentaires de l’article dans lequel j’explique pourquoi Duolingo ne permet de parler (et je dis bien « parler ») une langue. Tu y trouveras de fervents adeptes de l’application !
Même si je ne crois toujours pas que Duolingo permette de parler une langue (pas utilisé seul en tout cas), il est peut-être temps de tirer les leçons de son succès. Il me semble qu’il faudrait tout simplement remettre le vocabulaire au centre de l’apprentissage : c’est lui qui permet à la fois de comprendre et de s’exprimer quand on débute dans une langue. C’est grâce à sa maîtrise que nos apprenant·es connaîtront leurs premiers succès et seront motivé·es pour aller plus loin.
Qu’en penses-tu ? Combien de temps de ton cours consacres-tu à l’apprentissage du vocabulaire ? Est-ce que tu penses à faire des rappels réguliers ? As-tu des techniques efficaces pour cela ? As-tu réfléchi à des activités en adéquation avec les dernières découvertes des sciences cognitives sur le fonctionnement du cerveau et de la mémoire ?
Je suis curieuse de lire tes réponses.
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