Nous sommes le 25 décembre 1022, à Orléans. Robert II le Pieux, roi des Francs, depuis un peu plus de vingt-cinq ans, fait mettre en accusation quatorze chanoines du chapitre de la cathédrale Sainte-Croix. Des chanoines qui ont été dénoncés par un certain Arefat, chevalier normand infiltré. Dès la dénonciation enregistrée, un synode délibère durant neuf heures, sous la présidence du roi et en présence de la reine Constance. La situation est délicate : les accusés sont des clercs de haut niveau, leur dialectique théologique est bien rodée. Parmi eux, figure Étienne, l’ancien confesseur de la reine. Un témoin de l’époque rapporte que la vindicative et rancunière Constance a tenté de l’éborgner, pendant les débats. Mais, les heures passant, si l’on en croit les cinq chroniques qui relatent l’affaire, ils finissent par reconnaître, puis revendiquer, leur dissidence. Le 28 décembre, jour des saints Innocents, on conduit les chanoines, sur décision royale, dans une cabane de bois et l’on y met le feu. Dans ce premier quart du XIe siècle, le royaume de France vit pourtant dans une paix religieuse « acceptable », les foyers d’hérésie sont plutôt rares. Alors, que s’est-il passé ? Pourquoi Robert le Pieux a-t-il éprouvé le besoin de supplicier quatorze moines largement connus pour leur savoir ? Est-ce en raison de l’originalité de leur doctrine ? Les clercs tiennent, en effet, le baptême pour inefficace et les œuvres pour seules responsables du salut. De là, pour eux, l’importance de l’ascèse, de la vie intérieure et de la chasteté, le refus du sacrement du mariage, l’aspiration au martyre ainsi que de sérieux doutes sur l’utilité de l’Église en général et des évêques en particulier. L’affaire devient célèbre et laisse perplexes les contemporains mais aussi et les historiens qui suivront. Une affaire qui sera suivie de beaucoup d’autres. Penseurs, mystiques, contestataires, écrivains, imprimeurs, promoteurs de modernité : leur "choix" de croire différemment va les a conduire à une confrontation souvent fatale avec l'Église et le pouvoir séculier qui entendent lutter contre la remise en cause de la doctrine et le désordre social. Quels ont été les mécanismes mis en place pour justifier les pires des cruautés ? Comment une institution aussi solide que l’Eglise catholique en est-elle venue à de telles extrémités ? Revenons, aujourd’hui, sur une histoire de l’hérésie. Avec les Lumières de Jean-Yves Boriaud, professeur émérite à l’Université de Nantes. « Hérétiques ! » ; Perrin.

Sujets traités : hérétiques, bûcher, Eglise, Robert le Pieux, Francs, Arefat, Constance, la dissidence i

 
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