Revendiquer la reconnaissance de l'artiste dans les politiques existantes, n'est pas la seule forme d'engagement politique accessible à l'artiste.
L'artiste, en tant qu'il offre un regard décalé sur la société, en tant qu'il est à même de faire des contre-positions sociales, de valoriser des comportements et des valeurs qui vont à l'encontre du statu quo, gagne à défendre et revendiquer sa marginalité.
En restant hors du champ législatif sur le travail, en s'assumant comme un "travailleur pas comme les autres", l'artiste préserve, pour lui-même et pour ses œuvres, une position privilégiée qu'il met en danger à partir du moment où il réclame les avantages (et les contraintes) de la classe travailleuse.
Là où la situation se complexifie c'est que l'artiste est aussi un technicien (mais pas que) et un membre à part entière de la société marchande. Il avance donc sur le fil ténu entre appartenance et marginalité, comme le fou du roi qui vit des largesses de la cour sans faire partie de la cour.
L'artiste occupe une place fragile.
Observateur, commentateur, critique, il façonne des lentilles à travers lesquelles la société peut se voir, il invente des société alternatives à partir desquelles l'avenir peut se rêver et se construire.
À trop vouloir recevoir reconnaissance et avantages sociaux, il risque de perdre sa singularité. À trop se revendiquer "travailleur comme les autres", il risque d'abandonner sa casquette d'artiste au profit de celle de pur technicien, producteur de contenus, ouvrier des disciplines artistiques qui fabrique de simples produits de consommation vidés de leur capacité de subversion, vidés de leur aptitude à engendrer du rêve et à transformer les existences.
Au lieu de revendiquer plus de confort, exigeons la sanctuarisation de notre marginalité, de notre droit à la contestation, à la contemplation, et faisons proliférer un rapport esthétique et utopiste au monde.
Devenons pirates, monnayant avec stratégie nos compétences d'artistes sans jamais perdre l'insolence bohémienne qui nous caractérise. Et que ce soit là notre acte politique le plus marqué.
https://www.liberation.fr/culture/retraites-des-artistes-auteurs-une-reforme-deletere-pour-un-secteur-deja-precaire-20230313_3Y233FPTPVFCXOPVNCAAMWDPPM/
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