Le 17 mars 2020, la France se confinait pour la première fois pour limiter la progression de l’épidémie de Covid-19. Un confinement de deux mois, suivi de port du masque obligatoire, de couvre-feux, de fermetures d’université... Si chacun a souffert psychologiquement de cette période, marquée par l’enfermement et la méfiance des autres, une tranche d’âge en a particulièrement souffert, celle des jeunes. Et les chiffres sur leur santé mentale sont alarmants.
Dans un bar du 15ᵉ arrondissement parisien, Maya commande un expresso. Il y a cinq ans, à l’heure du confinement et du Covid, cette rencontre dans un café aurait été impossible. « Je me dis que c’est dingue qu’on ait vécu ça, et maintenant, je n’y pense plus. Moi, j’adore sortir, je ne suis pas du tout casanière », s’exclame la jeune fille de 24 ans. Pourtant, elle garde un souvenir difficile de cette période. Sa mère travaillait à l’Agence régionale de santé et rapportait chaque jour, dans le cocon familial, des chiffres terribles.
Mais le pire, pour Maya, ce fut après. « J’ai emménagé dans un appart toute seule, mais là, pour le coup, j’étais beaucoup plus isolée, je trouve. Mes études, ça me soulait, confie-t-elle. En vrai, je suis un peu tombée en dépression à ce moment-là. C’était bizarre parce que, en même temps, c’était agréable pour le coup de ne plus être confinée dans le sens où je faisais beaucoup de choses dans mon appart. Mais je n’étais plus du tout stimulée. J’appréciais ma journée en soi, mais je ne voyais pas le but d’en faire une deuxième. »
Maya va mieux et ne rate pas une occasion de sortir. Une façon pour elle de récupérer un morceau de jeunesse volé.
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« Mon corps n’arrive plus à respirer, sans savoir pourquoi »
Pour d’autres jeunes, en revanche, depuis le confinement, l’extérieur est devenu menaçant. « Je ne vais pas forcément me balader, visiter Paris, faire des musées, des choses comme ça toute seule, témoigne Élisa, 28 ans. J’aimerais bien le faire plus, mais je ne m’en sens pas capable. » La jeune fille a toujours été un peu casanière, elle aime être chez elle, dans son appartement ordonné et chaleureux, un livre entre les mains ou devant une bonne série. Mais c’est après le confinement que ses angoisses ont commencé.
« Par exemple, aller faire mes courses, c’est une préparation mentale de fou... Ou si j’arrive dans un endroit où je ne connais pas grand monde et où je vais devoir sociabiliser, mon corps réagit, mon corps n’arrive plus à respirer, sans savoir pourquoi, pointe-t-elle. Ça me fait chier d’être comme ça alors que je suis à Paris, que je suis jeune, que j’ai 28 ans, que j’ai plein de choses à vivre et qu’en fait, je me fais des angoisses pour des trucs où, objectivement, ce n’est pas grand-chose. »
Le confinement laisse des séquelles — chez les jeunes, plus que dans les autres tranches d’âge. Mais 5 ans après, il n’est pas le seul responsable de leur mal-être. « C’est vrai que ces circonstances particulières ont fragilisé les étudiants, les ont isolés, et ont peut-être anticipé cette dégradation de leur santé mentale, indique Melissa Macalli, chercheuse à l'Inserm sur la santé mentale des jeunes adultes et les conduites suicidaires. Mais c’est vrai que les causes sont probablement multiples : l’aggravation de la précarité, du sentiment de solitude, l’impact des réseaux sociaux, mais aussi des facteurs environnementaux collectifs qui se sont ajoutés — notamment l’écoanxiété, les conflits internationaux et la situation politique mondiale qui les inquiètent beaucoup… »
Pouvoir parler de son mal-être est essentiel. Élisa l’a compris. Son objectif cette année : entamer une thérapie.
À écouter dans Grand reportageSanté mentale des jeunes, les difficultés de la prise en charge