Si j'étais votre député,- Ohé ! ohé ! qu'on se le dise !J'ajouterais "Humanité ",Aux trois mots de notre devise...Au lieu de parler tous les joursPour la république ou l'empireEt de faire de longs discours,Pour ne rien dire,Je parlerais des petits fieux,Des filles-mères, des pauvres vieuxQui, l'hiver, gèlent par la ville...Ils auraient chaud, comme en été,Si j'étais nommé député,À Belleville.Je parlerais des tristes gueux,Des purotins batteurs de dèche,Des ventres-plats, des ventres-creux.Et je parlerais d'une crèchePour les pauvres filles sans lit,Que l'on repousse et qu'on envoieDans la rue !... avec leur petit !...Mères de joie!...Je parlerais de leurs mignons,De ces minables chérubinsDont les pauvres petits fignonsNe connaissent pas l'eau des bains.Chérubins dont l'âme et le sangSe pourrissent à l'air des bougesEt qu'on voit passer le teint blancEt les yeux rouges.Je parlerais des vieux perclusQui voudraient travailler encore,Mais dont l'atelier ne veut plus...Et qui traînent, jusqu'à l'aurore,Sur le dur pavé de Paris,- Leur refuge, leurs invalides, ?Errants... chassés... honteux... meurtris,Les boyaux vides.Je parlerais des petits lieux,Des filles-mères, des pauvres vieuxQui, l'hiver, gèlent par la ville...Ils auraient chaud, comme en été,Si j'étais nommé député,À Belleville. Aristide Bruant, Si j'étais votre député