Reportage France

Trois générations racontent leur rapport à la guerre du Vietnam, achevée il y a 50 ans


Listen Later

Il y a 50 ans s’achevait l’un des conflits les plus meurtriers du XXe siècle : la guerre du Vietnam. Le 30 avril 1975, la ville de Saïgon, bastion occidental du sud, tombe aux mains de l’armée populaire vietnamienne. C’est une débâcle pour les États-Unis engagés dans le conflit et le début d’une nouvelle ère marquée par la réunification du pays, dirigé depuis cinq décennies par un régime communiste. De nombreux vietnamiens fuient ce nouveau régime par la mer à la fin des années 1970 : ce sont les « boat people ». Nombre d’entre eux trouvent refuge en France, notamment à Bussy-Saint-Georges, une ville située à l’est de Paris, où trois générations de Vietnamiens racontent leur rapport au conflit.

« Le 30 avril 1975 est une journée que je n'oublierai jamais. » Anh Linh Tran, septuagénaire, est un ancien officier de l’armée du sud Vietnam. Ce 30 avril 1975, lui et la centaine d'hommes qu’il dirige, n’ont d’autres choix que de se rendre : « Nous n’avions plus assez de nourriture et de munitions pour résister, alors nous avons déposé les armes. Nous étions très tristes, mais on ne pouvait pas faire autrement. »  Le nouveau régime communiste l’emprisonne durant trois ans.

Puis, en 1979, il fuit son pays à contrecœur et embarque avec lui les traumatismes de la guerre. Il rejoint la Malaisie en bateau, puis la France où naissent et grandissent ses enfants. « Quand ils étaient jeunes, je leur promettais de les amener au Vietnam, là où je suis né. Je l’ai dit comme cela, sans trop réfléchir, mais mes enfants s’en sont souvenus et ils m’en ont à nouveau parlé quelques années plus tard, raconte Anh Linh Tran. Mais à l’approche du départ, je leur expliquais que je ne me sentais pas encore d’y retourner, car je ne supporte pas le régime communiste en place. »

Le voyage aura finalement lieu en 2019. Un retour au pays pour l’ancien militaire, quarante ans après l’avoir quitté. Depuis, c’est dans un livre intitulé Good Bye Saïgon, adressé à ses enfants, qu’il a couché ses souvenirs. « Je relate mon passage à l’armée, la prison puis mon arrivée en France, je leur raconte presque tout. » Presque tout. Car une partie du récit est toujours douloureuse, alourdie par le tabou de la guerre et le déracinement.

« Je ne raconte pas la tristesse que j’ai vécue, je ne leur impose pas, car ce n'est pas leur histoire », renchérit de son côté Tran Phung Vu Nguyen, la cinquantaine. Avec ses enfants, il fait aussi le choix de l’économie des mots. Lui a quitté le Vietnam à l’âge de neuf ans. « On est partis sur un petit bateau avec une vingtaine de personnes et on a rencontré un bateau pirate qui nous a coulés. » Ce sont finalement des marins malaisiens qui les récupèrent et les ramènent à terre. Tran Phung Vu Nguyen finit lui aussi par gagner la France.

« J’essaye de ne pas me définir par mon passé »

De cette histoire, ses enfants savent peu de choses. Ils ne posent pas beaucoup de questions. L’histoire, le passé, la mémoire les intéressent peu. « Ils sont nés en France donc ils ont une mentalité française. Pour eux, le Vietnam est un pays plus touristique qu’autre chose, explique le père de famille, président de l’amicale des Vietnamiens de Bussy-Saint-Georges. Quand je les emmène au Vietnam, c’est d’abord et avant tout pour les paysages. L’aspect mémoriel, on l’évoque ici, en France, entre nous. »

À 18 ans, Minh Quan Vo, étudie le droit à Paris. Issu de la seconde génération de Vietnamiens nés en France, il le confirme : il pose peu de questions à ses aînés. Par crainte, dit-il, « de réveiller des blessures ». Par volonté aussi d’écrire sa propre histoire : « J’ai étudié la géopolitique au lycée, donc je connais l’importance de la mémoire et du devoir de mémoire, mais pour autant, j’essaye de ne pas me définir par mon passé et mes origines. J'essaye de me définir par mes propres actions, explique le jeune homme. Je pense que c’est important de savoir ce qu’il s’est passé, de savoir comment cela a affecté ma vie indirectement. C'est important d'en avoir conscience, pour autant, je n’ai pas envie que ça influence ce que je ferai et qui je serai à l’avenir. »

Minh Quan Vo participera tout de même aux commémorations organisées à Bussy-Saint-Georges, ce dimanche 4 mai, où une petite stèle rend hommage aux immigrés vietnamiens.

À lire aussiLa guerre du Vietnam: un conflit que les États-Unis souhaitent oublier

...more
View all episodesView all episodes
Download on the App Store

Reportage FranceBy RFI

  • 5
  • 5
  • 5
  • 5
  • 5

5

3 ratings


More shows like Reportage France

View all
Le Billet politique by France Culture

Le Billet politique

13 Listeners

Géopolitique by France Inter

Géopolitique

191 Listeners

Cultures monde by France Culture

Cultures monde

55 Listeners

Le vrai ou faux by franceinfo

Le vrai ou faux

14 Listeners

Nouveau monde by franceinfo

Nouveau monde

6 Listeners

L'édito politique by France Inter

L'édito politique

25 Listeners

Entendez-vous l'éco ? by France Culture

Entendez-vous l'éco ?

35 Listeners

Questions du soir : le débat by France Culture

Questions du soir : le débat

43 Listeners

Les Midis de Culture by France Culture

Les Midis de Culture

26 Listeners

Le Regard culturel by France Culture

Le Regard culturel

11 Listeners

La Revue de presse internationale by France Culture

La Revue de presse internationale

37 Listeners

Soft Power by France Culture

Soft Power

9 Listeners

Archives d'Afrique by RFI

Archives d'Afrique

86 Listeners

Appels sur l'actualité by RFI

Appels sur l'actualité

22 Listeners

Mourir Moins Con by Bound Media

Mourir Moins Con

22 Listeners

L'Afrique qui gagne by RFI

L'Afrique qui gagne

2 Listeners

Dans la peau by RFI

Dans la peau

4 Listeners

Infos coronavirus by RFI

Infos coronavirus

1 Listeners

Géopolitique by RFI

Géopolitique

28 Listeners

L’Heure du Monde by Le Monde

L’Heure du Monde

49 Listeners