Dimanche 29 Mars 2020 - Jour 14
Etretat le dimanche, habituellement, c’est d’abord du monde. Des sourires, des cris d’enfants qui se confondent avec ceux des mouettes, des milliers de pas, autant de repas que surveillent des milliers de paires d’ailes, des galets volés, des baisers qui s’envolent tournés vers la mer, qui monte, qui descend, narguant le flot imperturbable, pénible, des voitures et leurs gaz assassins, qui prennent d’assaut chaque brin de rue, chaque centimetre de bitume pouvant servir de place de parking, et déchargent des familles de partout, d’ici comme d’ailleurs, et même de très loin, qui s’extasient devant les portes d’amont et d’aval, merveilles d’une nature sur laquelle ils chient, tous, sans même s’en apercevoir.
Etretat le dimanche, c’est la fête populaire, un 14 juillet où ça bosse, hôtels complets, restaurants bondés, moules importées (y’en a pas ici), bière bon marché, ça mange dedans, ça mange dehors même s’il fait froid, même s’il pleut parfois, ça mange en marchant, proies des goélands, insolents oiseaux qui ne pêchent plus dans l’eau, tant pis on jette les emballages, les papiers gras, plus rien à manger car ils ont tout piqué, on s’en débarrasse de nos déchets plastiques, ici c’est pratique pas de recyclage, pas de poubelles de tri, tu balances comme ça, dans une grosse benne si tu la vois. Tout ce que nos belles photos ne montrent pas finit bien souvent dans la mer ou meurent au milieu de la verdure par delà les falaises.
Ainsi trinque cette nature qui nourrit le village, ses femmes et ses hommes. Habituellement.
Ce dimanche, il n’y a personne.
Pas âme qui vive après 13h quand les commerces de nécessité ferment.
Après que le chocolatier, dont l’ouverture dominicale était fort attendue par mes enfants, eut baissé pour la semaine son rideau de fer, il n’y a plus que le vent et ses bourrasques de soixante noeuds qui s’amusent à pousser les innombrables crottes de chiens qui s’amoncellent chaque jour davantage un peu partout dans les rues.
Il n’y a plus que le vent qui pousse les ailes des oiseaux.
Il n’y a plus que le vent qui porte la grêle aux voitures échouées sur le parking.
Il n’y a plus que le vent qui fait voler les pancartes des restaurants, sur lesquelles on peut lire : fermeture Covid19.