Au début de l’été, dans la presse régionale, on pouvait lire des centaines de récits individuels saluant les parcours méritants de jeunes diplômés du brevet et du baccalauréat.
Le 14 juillet dernier, la France célébrait une fois encore la fête nationale par un grand défilé militaire. En tête du cortège, comme le veut la tradition, marchaient les élèves de l’École polytechnique, fièrement coiffés de leur bicorne. Sur les Champs-Élysées, ce sont ainsi des jeunes qui ont réussi un concours d’entrée dans une grande école qui défilent devant le chef de l’État, devant les autorités civiles et militaires, devant les grands corps constitués, parfois même devant des chefs d’État étrangers invités.
Ce qui justifie leur place en tête du défilé, c’est l’idée qu’ils sont appelés à exercer un jour le pouvoir : hier le pouvoir militaire, aujourd’hui davantage le pouvoir administratif, économique, financier ou scientifique.
A certains égards, ce défilé, cette mise en scène du triomphe de lauréats d'un concours passé à à peine 20 ans, peut paraître étrange, voire incongrue, vue d’un autre pays. Ce mélange des genres — la solennité militaire, la réussite scolaire, la fierté nationale — peut sembler déroutant.
Et pourtant, il incarne l’une des expressions les plus emblématiques de ce que l’on pourrait appeler, en France, une certaine sacralisation de la méritocratie. Ce terme fait partie intégrante de notre paysage mental. On parle de « méritocratie républicaine » comme d’une évidence, d’un principe indiscutable, d’un totem républicain. Il est omniprésent dans les discours, dans les récits de réussite, dans les justifications du pouvoir.
Mais si l’on y regarde de plus près, ce mot, si souvent invoqué, se révèle étonnamment ambigu. Son évocation soulève interrogations et paradoxes et même une certaine perplexité.
Pour essayer de la dépasser, je vais poser 10 questions à Philippe Mazet, intervenant de culture générale au sein de la Prépa ISP.