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Vous êtes bilingue ou trilingue ? Vous avez peut-être remarqué que certaines émotions semblent plus fortes, plus brutes ou plus distanciées selon la langue dans laquelle vous les exprimez. Dire "je t’aime" en français ne résonne pas toujours avec la même intensité que "I love you" ou "Te quiero". Ce phénomène, loin d’être anecdotique, intrigue les chercheurs en psycholinguistique. Et pour cause : notre langue ne se contente pas de véhiculer des mots — elle modèle notre manière de ressentir, de penser et même de vivre nos émotions.
Une distance émotionnelle mesurable
De nombreuses études ont montré que lorsqu’on parle dans une langue apprise — souvent une langue étrangère acquise à l’école ou à l’âge adulte — les réactions émotionnelles sont généralement atténuées. Les battements du cœur s’accélèrent moins, la transpiration diminue, et les mots sensibles deviennent plus faciles à prononcer. Cette "distance émotionnelle", observée notamment par les psycholinguistes Jean-Marc Dewaele (University of London) ou Catherine Caldwell-Harris (Boston University), s'expliquerait par le contexte d'apprentissage. Une langue maternelle est intimement liée aux premières expériences affectives, familiales et sensorielles. En revanche, une langue apprise tardivement est souvent associée à des contextes formels, scolaires ou professionnels, donc moins chargés émotionnellement.
Langue et cognition : un filtre émotionnel
Le phénomène ne touche pas seulement la perception des émotions, mais aussi leur régulation. Par exemple, une étude menée en 2021 a montré que prendre une décision morale dans une langue étrangère conduit plus souvent à des choix rationnels — et parfois plus froids — car la distance linguistique permet de désactiver partiellement la charge émotionnelle d’un dilemme. C’est ce qu’on appelle "l’effet langue étrangère". Des chercheurs ont même observé que les souvenirs évoqués dans une autre langue sont perçus comme plus flous ou moins vivaces.
Une arme de régulation ?
Pour certaines personnes, changer de langue permet de prendre du recul, de mieux gérer la douleur émotionnelle ou de parler plus librement. Cela explique pourquoi certains psychologues ou thérapeutes multilingues ajustent volontairement la langue d’un échange pour débloquer ou au contraire désamorcer une réaction émotionnelle.
Une pluralité d’identités émotionnelles
Enfin, pour les personnes multilingues, chaque langue peut être associée à une identité émotionnelle différente. On n’a pas le même ton, le même humour ni la même sensibilité selon qu’on parle en italien, en arabe ou en anglais. La langue devient alors bien plus qu’un outil : elle façonne le soi.
Dans un monde où plus de la moitié de la population utilise quotidiennement plusieurs langues, comprendre cette influence n’est pas seulement une curiosité scientifique, c’est un enjeu humain. Car parler une autre langue, ce n’est pas juste traduire des mots. C’est aussi traduire — ou transformer — ce que l’on ressent.
Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.
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Vous êtes bilingue ou trilingue ? Vous avez peut-être remarqué que certaines émotions semblent plus fortes, plus brutes ou plus distanciées selon la langue dans laquelle vous les exprimez. Dire "je t’aime" en français ne résonne pas toujours avec la même intensité que "I love you" ou "Te quiero". Ce phénomène, loin d’être anecdotique, intrigue les chercheurs en psycholinguistique. Et pour cause : notre langue ne se contente pas de véhiculer des mots — elle modèle notre manière de ressentir, de penser et même de vivre nos émotions.
Une distance émotionnelle mesurable
De nombreuses études ont montré que lorsqu’on parle dans une langue apprise — souvent une langue étrangère acquise à l’école ou à l’âge adulte — les réactions émotionnelles sont généralement atténuées. Les battements du cœur s’accélèrent moins, la transpiration diminue, et les mots sensibles deviennent plus faciles à prononcer. Cette "distance émotionnelle", observée notamment par les psycholinguistes Jean-Marc Dewaele (University of London) ou Catherine Caldwell-Harris (Boston University), s'expliquerait par le contexte d'apprentissage. Une langue maternelle est intimement liée aux premières expériences affectives, familiales et sensorielles. En revanche, une langue apprise tardivement est souvent associée à des contextes formels, scolaires ou professionnels, donc moins chargés émotionnellement.
Langue et cognition : un filtre émotionnel
Le phénomène ne touche pas seulement la perception des émotions, mais aussi leur régulation. Par exemple, une étude menée en 2021 a montré que prendre une décision morale dans une langue étrangère conduit plus souvent à des choix rationnels — et parfois plus froids — car la distance linguistique permet de désactiver partiellement la charge émotionnelle d’un dilemme. C’est ce qu’on appelle "l’effet langue étrangère". Des chercheurs ont même observé que les souvenirs évoqués dans une autre langue sont perçus comme plus flous ou moins vivaces.
Une arme de régulation ?
Pour certaines personnes, changer de langue permet de prendre du recul, de mieux gérer la douleur émotionnelle ou de parler plus librement. Cela explique pourquoi certains psychologues ou thérapeutes multilingues ajustent volontairement la langue d’un échange pour débloquer ou au contraire désamorcer une réaction émotionnelle.
Une pluralité d’identités émotionnelles
Enfin, pour les personnes multilingues, chaque langue peut être associée à une identité émotionnelle différente. On n’a pas le même ton, le même humour ni la même sensibilité selon qu’on parle en italien, en arabe ou en anglais. La langue devient alors bien plus qu’un outil : elle façonne le soi.
Dans un monde où plus de la moitié de la population utilise quotidiennement plusieurs langues, comprendre cette influence n’est pas seulement une curiosité scientifique, c’est un enjeu humain. Car parler une autre langue, ce n’est pas juste traduire des mots. C’est aussi traduire — ou transformer — ce que l’on ressent.
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