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Cette semaine, nous recevons Alain Berset, secrétaire général du Conseil de l'Europe. Défense de la démocratie, reconstruction de l’Ukraine, résilience face aux ingérences étrangères : il commente les missions menées par son organisation.
Organisation internationale instituée en 1949, le Conseil de l'Europe compte 46 pays signataires de la Convention européenne des droits de l'homme. L’institution est garante de l'État de droit sur le continent. Face à la guerre en Ukraine et aux conflits dans d’autres régions du monde, son secrétaire général, Alain Berset, explique qu'"aujourd'hui, la force, la violence, la destruction, la guerre et l'impunité semblent dominer l'agenda". "Nous souhaitons exactement le contraire. Nous aimerions avoir un monde fondé sur des règles stables, avec des relations de paix", ajoute-t-il.
"Nous devons réfléchir à la création d'un tribunal dédié"
Au chapitre de la guerre en Ukraine, Alain Berset, également ancien conseiller fédéral et président de la Confédération suisse en 2018 et 2023, confirme la volonté du Conseil de l’Europe de se battre contre l’impunité : "Nous avons créé un registre des dommages pour enregistrer les destructions des maisons privées. Nous enregistrons aussi maintenant les décès des proches et les conséquences de la guerre. L’idée est d’avoir la plus haute qualité possible d'enregistrement pour pouvoir un jour envisager la réparation et la reconstruction."
Le secrétaire général du Conseil de l'Europe explique qu’il "n’y a pas de cour internationale compétente pour se saisir du sujet de l’impunité". "Si nous ne voulons pas que l'impunité l'emporte, nous devons réfléchir à la création d'un tribunal dédié. Avec le Conseil de l'Europe, nous sommes prêts à mettre tout cela en place si cela est souhaité par les États membres du Conseil", poursuit-il.
"La liberté d'expression est absolument garantie en Europe"
Face à la montée du populisme, de l’autoritarisme et de la désinformation, Alain Berset estime que "la démocratie recule un peu partout". Alors que les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle sont parfois accusés de nourrir la désinformation, il appelle à "adapter le fonctionnement de nos démocraties à ce monde dans lequel la diffusion de l'information, la manière de mener le débat a complètement changé". "C'est un monde dans lequel il y a beaucoup plus de fragmentation et de polarisation qu’avant", ajoute-t-il. "Nous devons réfléchir ensemble à une architecture de sécurité démocratique sur le continent européen. Pas seulement dans l'Union européenne, mais avec les 46 membres du Conseil de l'Europe, ce qui représente une immense diversité."
En ce qui concerne les réseaux sociaux, les géants américains du numérique refusent toute réglementation européenne au nom de la liberté d’expression. "Je m'étais attendu à toutes les critiques possibles de la part des États-Unis, mais s’il y a bien une critique que je n'ai pas vu venir, c'est celle sur la liberté d'expression", explique Alain Berset, en référence au discours du vice-président américain J.D. Vance à la Conférence sur la Sécurité de Munich dans lequel ce dernier dénonce un recul de la liberté d'expression sur le Vieux continent. "La liberté d'expression est absolument garantie en Europe ainsi que la diversité des opinions. Nous devons toujours faire attention à ce que cela ne recule pas. Mais la liberté d'expression, ce n'est pas la liberté à dessein, avec des objectifs politiques, comme faire exprès de diffuser des fausses informations. Donc, évidemment, il faut un certain contrôle. Celles et ceux qui dirigent ces entreprises [du numérique] doivent être attentifs, sinon, nous minons les conditions même d'exercice de la démocratie", détaille le secrétaire général du Conseil de l'Europe.
"Les ingérences étrangères sont de plus en plus courantes"
Le Conseil de l’Europe a également pour objectif de renforcer la résilience du continent face aux ingérences étrangères. "La démocratie, c'est vivant. Nous votons souvent, mais c'est un système qui est très fragile. Ce système, parce qu'il fait participer les masses à des décisions communes, est très sensible aux manipulations de l'opinion ou de l'information. Nous devons nous adapter. Nous devons être capables de poser des conditions pour que la démocratie fonctionne dans un monde qui n'est plus celui d'il y a 30 ans", note Alain Berset. "Les ingérences étrangères sont de plus en plus courantes", poursuit-il.
En Roumanie, l’élection présidentielle de novembre 2024 a été annulée du fait de l'invalidation des résultats du premier tour. La Cour constitutionnelle du pays invoque l'usage de TikTok comme outil de campagne en faveur du candidat pro-russe. "Je ne suis pas en mesure de juger de ce qui s'est passé en Roumanie parce que je n'ai pas les détails. Je constate simplement qu'une cour compétente a pris la décision d'annuler les élections et de les refaire. C'est une des réponses possibles", commente Alain Berset.
"Nous ne sommes pas dans un mouvement de convergence"
Même s’ils adhèrent tous à la Convention européenne des droits de l'homme de 1950, les 46 membres du Conseil de l’Europe sont en désaccord sur certains sujets : "Il y a une immense diversité de contextes et des réalités différentes. Nous ne sommes pas en train de voir un mouvement de convergence. Depuis une quinzaine d'années, il y a un mouvement où ça diverge. C'est inquiétant, car ça ne va pas dans la bonne direction", reconnaît Alain Berset.
Au sujet des violences faites aux femmes, il se dit "choqué" du retour en arrière observé dans certains pays : "J'ai été très frappé de voir dans des pays très avancés une forme de libération de la parole, avec des paroles de nouveau inacceptables. Encore une fois, nous reculons."
Il reconnait cependant des avancées positives comme l’abolition de la peine de mort au sein de tous les États membres. "Nous avons atteint des niveaux ensemble qu'on ne retrouve pas ailleurs et que nous devons aujourd'hui défendre et protéger. Nous devons assurer la sécurité démocratique."
"Il ne faut pas se laisser déstabiliser"
Au sujet des multiples volte-face de Donald Trump concernant l’instauration de droits de douane supplémentaires, Alain Berset critique la "création d’incertitude" de la part de l’administration américaine. "Il ne faut pas se laisser déstabiliser par cela. C'est très négatif pour tout le monde et je pense que les premiers concernés, ce serait les consommateurs américains", estime le secrétaire général du Conseil de l'Europe. Face à cette situation d’instabilité, il appelle à "penser à long-terme" : "Nous devons penser pour les générations qui vont nous suivre", conclut-il.
Émission préparée par Oihana Almandoz, Perrine Desplats, Luke Brown et Isabelle Romero
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Cette semaine, nous recevons Alain Berset, secrétaire général du Conseil de l'Europe. Défense de la démocratie, reconstruction de l’Ukraine, résilience face aux ingérences étrangères : il commente les missions menées par son organisation.
Organisation internationale instituée en 1949, le Conseil de l'Europe compte 46 pays signataires de la Convention européenne des droits de l'homme. L’institution est garante de l'État de droit sur le continent. Face à la guerre en Ukraine et aux conflits dans d’autres régions du monde, son secrétaire général, Alain Berset, explique qu'"aujourd'hui, la force, la violence, la destruction, la guerre et l'impunité semblent dominer l'agenda". "Nous souhaitons exactement le contraire. Nous aimerions avoir un monde fondé sur des règles stables, avec des relations de paix", ajoute-t-il.
"Nous devons réfléchir à la création d'un tribunal dédié"
Au chapitre de la guerre en Ukraine, Alain Berset, également ancien conseiller fédéral et président de la Confédération suisse en 2018 et 2023, confirme la volonté du Conseil de l’Europe de se battre contre l’impunité : "Nous avons créé un registre des dommages pour enregistrer les destructions des maisons privées. Nous enregistrons aussi maintenant les décès des proches et les conséquences de la guerre. L’idée est d’avoir la plus haute qualité possible d'enregistrement pour pouvoir un jour envisager la réparation et la reconstruction."
Le secrétaire général du Conseil de l'Europe explique qu’il "n’y a pas de cour internationale compétente pour se saisir du sujet de l’impunité". "Si nous ne voulons pas que l'impunité l'emporte, nous devons réfléchir à la création d'un tribunal dédié. Avec le Conseil de l'Europe, nous sommes prêts à mettre tout cela en place si cela est souhaité par les États membres du Conseil", poursuit-il.
"La liberté d'expression est absolument garantie en Europe"
Face à la montée du populisme, de l’autoritarisme et de la désinformation, Alain Berset estime que "la démocratie recule un peu partout". Alors que les réseaux sociaux et l’intelligence artificielle sont parfois accusés de nourrir la désinformation, il appelle à "adapter le fonctionnement de nos démocraties à ce monde dans lequel la diffusion de l'information, la manière de mener le débat a complètement changé". "C'est un monde dans lequel il y a beaucoup plus de fragmentation et de polarisation qu’avant", ajoute-t-il. "Nous devons réfléchir ensemble à une architecture de sécurité démocratique sur le continent européen. Pas seulement dans l'Union européenne, mais avec les 46 membres du Conseil de l'Europe, ce qui représente une immense diversité."
En ce qui concerne les réseaux sociaux, les géants américains du numérique refusent toute réglementation européenne au nom de la liberté d’expression. "Je m'étais attendu à toutes les critiques possibles de la part des États-Unis, mais s’il y a bien une critique que je n'ai pas vu venir, c'est celle sur la liberté d'expression", explique Alain Berset, en référence au discours du vice-président américain J.D. Vance à la Conférence sur la Sécurité de Munich dans lequel ce dernier dénonce un recul de la liberté d'expression sur le Vieux continent. "La liberté d'expression est absolument garantie en Europe ainsi que la diversité des opinions. Nous devons toujours faire attention à ce que cela ne recule pas. Mais la liberté d'expression, ce n'est pas la liberté à dessein, avec des objectifs politiques, comme faire exprès de diffuser des fausses informations. Donc, évidemment, il faut un certain contrôle. Celles et ceux qui dirigent ces entreprises [du numérique] doivent être attentifs, sinon, nous minons les conditions même d'exercice de la démocratie", détaille le secrétaire général du Conseil de l'Europe.
"Les ingérences étrangères sont de plus en plus courantes"
Le Conseil de l’Europe a également pour objectif de renforcer la résilience du continent face aux ingérences étrangères. "La démocratie, c'est vivant. Nous votons souvent, mais c'est un système qui est très fragile. Ce système, parce qu'il fait participer les masses à des décisions communes, est très sensible aux manipulations de l'opinion ou de l'information. Nous devons nous adapter. Nous devons être capables de poser des conditions pour que la démocratie fonctionne dans un monde qui n'est plus celui d'il y a 30 ans", note Alain Berset. "Les ingérences étrangères sont de plus en plus courantes", poursuit-il.
En Roumanie, l’élection présidentielle de novembre 2024 a été annulée du fait de l'invalidation des résultats du premier tour. La Cour constitutionnelle du pays invoque l'usage de TikTok comme outil de campagne en faveur du candidat pro-russe. "Je ne suis pas en mesure de juger de ce qui s'est passé en Roumanie parce que je n'ai pas les détails. Je constate simplement qu'une cour compétente a pris la décision d'annuler les élections et de les refaire. C'est une des réponses possibles", commente Alain Berset.
"Nous ne sommes pas dans un mouvement de convergence"
Même s’ils adhèrent tous à la Convention européenne des droits de l'homme de 1950, les 46 membres du Conseil de l’Europe sont en désaccord sur certains sujets : "Il y a une immense diversité de contextes et des réalités différentes. Nous ne sommes pas en train de voir un mouvement de convergence. Depuis une quinzaine d'années, il y a un mouvement où ça diverge. C'est inquiétant, car ça ne va pas dans la bonne direction", reconnaît Alain Berset.
Au sujet des violences faites aux femmes, il se dit "choqué" du retour en arrière observé dans certains pays : "J'ai été très frappé de voir dans des pays très avancés une forme de libération de la parole, avec des paroles de nouveau inacceptables. Encore une fois, nous reculons."
Il reconnait cependant des avancées positives comme l’abolition de la peine de mort au sein de tous les États membres. "Nous avons atteint des niveaux ensemble qu'on ne retrouve pas ailleurs et que nous devons aujourd'hui défendre et protéger. Nous devons assurer la sécurité démocratique."
"Il ne faut pas se laisser déstabiliser"
Au sujet des multiples volte-face de Donald Trump concernant l’instauration de droits de douane supplémentaires, Alain Berset critique la "création d’incertitude" de la part de l’administration américaine. "Il ne faut pas se laisser déstabiliser par cela. C'est très négatif pour tout le monde et je pense que les premiers concernés, ce serait les consommateurs américains", estime le secrétaire général du Conseil de l'Europe. Face à cette situation d’instabilité, il appelle à "penser à long-terme" : "Nous devons penser pour les générations qui vont nous suivre", conclut-il.
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