Cette semaine, nous recevons Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et ancien commissaire européen. Il commente la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine et ses conséquences pour l'Union européenne. Il revient également sur le déficit record de la France et les efforts financiers à réaliser dans les prochaines années.
À la suite de l'élection de Donald Trump, l'Union européenne (UE) s'inquiète des conséquences de cette victoire. "On a espéré conjurer cette victoire et je pense que c'est tout de même une nouvelle difficile pour le monde, pour la France, pour l'Europe", explique Pierre Moscovici. "Ce sera difficile, peut-être même très difficile", ajoute-t-il à propos du mandat à venir de Donald Trump.
S'il est sceptique face aux actions à venir du futur président américain, il explique qu'"il ne faut jamais condamner un président par avance". "Lors de son élection, Donald Trump a été un peu plus apaisé dans ses propos. Il a manifesté la volonté d'unir les Américains", ajoute le Premier président de la Cour des comptes.
Pierre Moscovici rappelle les liens qui unissent les États-Unis et l'UE. "Ils sont nos alliés. Ce sont nos amis", dit-il. S'il estime que Joe Biden avait renoué des liens avec le Vieux continent, il rappelle l'attitude beaucoup plus isolationniste de Donald Trump. "Depuis quelque temps, l'Europe n'est plus la priorité des États-Unis", explique Pierre Moscovici. "Donald Trump est un businessman, donc il fait ce qu'il dit. Les risques sont multiples", estime l'ancien commissaire européen. "Espérons le mieux, mais le mieux, c'est une sorte de neutralité, d'amitié un peu contrariée", insiste-t-il.
En ce qui concerne le conflit en Ukraine, que Donald Trump affirme pouvoir régler en 24 heures, Pierre Moscovici reste prudent. "Si c'est aux conditions de Vladimir Poutine, c'est difficile", explique-t-il. Il rappelle les conséquences désastreuses qu'aurait un arrêt du soutien américain à l'Ukraine et, ainsi, l'importance de renforcer une défense européenne. "Il faut montrer que nous sommes capables de nous défendre, non pas sans les Américains, car nous resterons dans l'Otan, mais éventuellement par nous-mêmes si la situation l'exige", explique Pierre Moscovici.
Le défi climatique est aussi à l'ordre du jour. "Donald Trump est un climato-sceptique", dit-il. Il rappelle que lors de son premier mandat, le futur président américain avait retiré son pays des Accords de Paris, un traité international sur l'adaptation au changement climatique. "C'est un problème si les États-Unis décident que le climat n'est plus un défi mondial qui doit être assumé par tous", ajoute Pierre Moscovici.
D'un point de vue économique, Pierre Moscovici rappelle que la politique de Donald Trump impliquera un protectionnisme plus appuyé du pays. Le républicain souhaite taxer l'Union de 10 % de droits de douane supplémentaires. "Cela peut générer de l'inflation et créer des difficultés pour nos entreprises", explique-t-il. "C'est pour cela que je parle de sursaut existentiel de l'Europe, parce que ça veut dire que dans cette situation-là, nous n'avons pas d'autre alternative que de nous construire, de regarder le monde", ajoute-t-il.
Face à l'élection de Donald Trump, les Vingt-Sept sont divisés. L’ancien commissaire européen rappelle que des "illibéraux tels que le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, ou le Slovaque, Robert Fico, prospèrent en Europe", et que Donald Trump est leur "inspirateur". "Il se peut que les États-Unis aient l'intention de prospérer sur nos divisions", ajoute Pierre Moscovici. "Si nous sommes divisés, si nous ne sommes pas capables de bâtir une réaction ensemble, alors nous serons affaiblis", affirme-t-il.
Face à la menace de plusieurs puissances mondiales, il insiste sur le fait "d'avancer ensemble". "La Chine est une puissance hégémonique qui vise la première place dans le monde. La Russie est fauteur de guerre sur notre continent et les États-Unis opèrent un isolationnisme nationaliste", rappelle le Premier président de la Cour des comptes.
En France, le déficit record, qui risque de dépasser les 6 % du PIB à la fin de l'année, alarme Pierre Moscovici. "Nous ne maîtrisons pas notre dette, elle est aujourd'hui la troisième de l'Union européenne en pourcentage du PIB, à plus de 110 %, et elle continue d'augmenter", explique-t-il. En ce qui concerne l'influence de la France dans l'UE, la situation économique du pays agit comme "un facteur d'affaiblissement objectif dans la mesure où nous avons connu une année noire en 2024", ajoute Pierre Moscovici. Sans parler d'austérité, il évoque "une phase d'effort qui va durer plusieurs années". "Il y a eu une phase expansionniste. Il faudra basculer dans un mode d'économie sur la dépense publique avec la réforme des services publics et une qualité de la dépense publique qui permet de réduire notre déficit", détaille-t-il.
Émission préparée par Perrine Desplats, Isabelle Romero, Oihana Almandoz et Luke Brown