Accord avec le Mercosur, immigration et conflits dans diverses régions du monde, José Manuel Albares, ministre espagnol des Affaires étrangères au sein du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez, revient sur les défis auxquels l’Union européenne doit faire face.
Alors que l’Espagne pourrait bientôt devenir le dernier grand pays social-démocrate d’Europe, son gouvernement adopte des politiques singulières sur plusieurs dossiers.
Tandis que de nombreux États membres durcissent leur politique d’accueil, notamment vis-à-vis des Syriens, l’Espagne vient d'adopter une réforme : elle entend régulariser 900 000 étrangers sans-papiers d'ici trois ans. "L'Afrique est le continent du futur et c'est pour cela que nous adoptons ces stratégies", explique José Manuel Albares, sur le plateau de France 24. "Nous voulons une migration maîtrisée, sûre, ordonnée, avec nos frontières bien contrôlées. Mais en même temps, nous voulons aussi une migration humaine, qui respecte les droits de l'homme", précise-t-il.
Le chef de la diplomatie espagnole souhaite également "ne pas mentir aux citoyens" et explique que "l'immigration irrégulière est un tout petit pourcentage de tous les mouvements migratoires". Il assure que son gouvernement socialiste mène "une forte politique de développement dans certains pays africains pour pouvoir proposer à la jeunesse, des formations et des emplois" dans leurs pays d’origine, pour "lutter contre les mafias qui trafiquent des êtres humains". "Il ne faut pas oublier que la meilleure façon de décourager l'immigration irrégulière, c'est de proposer des filières d'immigration légale", estime José Manuel Albares.
"Le plus grand marché de libre-échange de la planète"
L’autre dossier sur lequel l’Espagne compte peser est celui de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur.
"Une large majorité des pays européens est en faveur du Mercosur qui va donner lieu au plus grand marché de libre-échange de la planète. Les avantages sont beaucoup plus importants que les inconvénients", estime le ministre espagnol.
Pour lui, les supposés problèmes peuvent "être très facilement nuancés par des mesures de la Commission européenne". D’un point de vue environnemental, "des mesures ont déjà été inscrites dans le traité afin que les accords de Paris et la préservation de la biodiversité soient mieux respectés par l'Amérique latine".
Selon lui, ce traité porte aussi des ambitions géopolitiques : "Nous avons besoin d’amis et d'alliés dans le monde. L'Amérique latine est la région la plus eurocompatible de la planète", juge le ministre espagnol. "Si nous ne leur tendons pas la main, ils vont se tourner vers d'autres partenaires". José Manuel Albares pense que pour défendre la préservation de l’environnement, les États membres devraient vouloir que l’Amérique latine s’associe à l’UE plutôt qu’à des pays qui n’ont pas à cœur la question écologique.
Reconnaissance officielle de l’État de Palestine
Face au conflit israélo-palestinien, l’Espagne se démarque à nouveau. Le pays a officiellement reconnu l’État de Palestine en mai dernier : "Nous l‘avons fait par justice envers le peuple palestinien qui ne doit pas être condamné à être éternellement un peuple de réfugiés", s’émeut José Manuel Albares. "Nous l’avons également fait en pensant à la sécurité d'Israël car seul un État palestinien vivant en bon voisinage avec l'État d'Israël peut garantir prospérité et sécurité à tous les deux".
La Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt contre Benyamin Netanyahou pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
À la différence de la France, qui estime qu’il jouit s’une certaine immunité, le chef de la diplomatie espagnole explique qu’en tant que pays fondateur de la CPI, ils suivront "toutes les obligations que ce statut [leur] impose".
En Syrie, le pouvoir de Bachar al-Assad a été renversé par des groupes rebelles. Alors qu’un gouvernement de transition se met en place, José Manuel Albares salue la chute de la dictature mais appelle à surveiller les actions des nouvelles autorités. "Nous devons nous assurer que le futur de la Syrie sera un futur pluriel, comme l'est la société syrienne, avec différentes religions, différents peuples. Nous devons garantir l'intégrité territoriale de la Syrie. Il faut que le pays devienne une source de stabilité pour le Moyen-Orient".
"La désinformation est là pour diviser nos citoyens et nos sociétés"
Au sujet de la guerre en Ukraine, José Manuel Albares rappelle que "si la Russie gagne cette guerre d'agression, le monde et l'Europe seront moins sûrs demain". Alors que la Russie est accusée d’ingérence lors des récentes élections en Roumanie et en Géorgie, il apporte son soutien à ces deux pays. "Nous souhaitons que la Géorgie revienne sur le chemin européen. La Roumanie est un pays essentiel pour l'Union européenne", affirme-t-il. La Russie est également fréquemment accusée de pratiquer la désinformation sur le continent européen, ce qui représente "le plus gros danger pour nos démocraties" selon José Manuel Albares. "La désinformation est là pour diviser nos citoyens et nos sociétés", prévient-il.
Concernant la politique intérieure espagnole, et alors que le gouvernement socialiste de Pedro Sánchez ne dispose pas d’une majorité absolue au Parlement, José Manuel Albares rappelle que "chaque fois qu’ils ont été appelés à voter, les Espagnols ont renouvelé leur confiance dans le gouvernement actuel". "Pourquoi ? Parce que les résultats sont là. Nous sommes le pays d'Europe où la croissance est la plus élevée. Nous créons le plus d'emplois et nous prouvons que nous pouvons arrêter l'extrême droite".
Emission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Oihana Almandoz