Ici l'Europe

Charles Michel : "Vladimir Poutine a ouvert les yeux des Européens sur leur défense"


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Nous recevons Charles Michel, le président du Conseil européen, dont la lourde tâche est d’accorder les Vingt-Sept de sommet en sommet. Il revient avec nous sur celui des 21 et 22 mars, qui a culminé par l'appel des États membres à un cessez-le-feu "nécessaire" à Gaza,  l'octroie des fonds russes gelés à l'Ukraine, et un sursaut européen sur le sujet d'une défense commune.

Le président du Conseil européen en convient : "On a eu besoin de plusieurs semaines pour réussir à dégager une position détaillée, unie, parce qu'on sait que sur un sujet pareil, les 27 États membres peuvent avoir des relations avec Israël ou avec la Palestine qui sont inspirées par l'histoire, et c'est cela qui nous a amené à avoir besoin d'un peu de temps avant d'être en mesure d'exprimer une position unique et unie sur ce sujet".

Mais le président du Conseil européen tient à saluer le "message d’unité" des Vingt-Sept sur la situation à Gaza lors du dernier sommet européen, qui a, selon lui, démontré l’absence de "double standard" européen en aboutissant à une "condamnation ferme de l’attaque terroriste menée par le Hamas le 7 octobre et [un] appel à Israël de respecter le droit international humanitaire […], dans le respect du comportement qui doit être celui d'un État démocratique."

Un "pas supplémentaire" dans le soutien à l'Ukraine

Quant au conflit en Ukraine, Charles Michel se félicite d’avoir "pris le Kremlin et le reste du monde par surprise, parce que l'Union européenne, traditionnellement vue comme un projet exclusivement économique et fondé sur des valeurs, est en train de devenir un projet qui a une ambition de puissance et de développement de capacités militaires". Les États membres ont "fait un pas supplémentaire" dans leur aide à l’Ukraine lors du dernier conseil, "en s'attaquant aux revenus des avoirs russes gelés" dans les banques européennes – qui s’élèvent à quatre milliards d’euros – "afin de soutenir l'Ukraine, y compris avec de l'équipement militaire".

La guerre en Ukraine a par ailleurs obligé Kiev à exporter via les pays européen des denrées agricoles. Pour satisfaire les agriculteurs européens, l’Union voudrait plafonner ces exportations d'œufs, poulets ou encore de blé ukrainiens : "Il faut trouver une solution qui soit à la fois bonne pour les agriculteurs européens, mais qui permette aussi à l'Ukraine de continuer à exporter – d’ailleurs principalement hors de l'Union européenne – et à utiliser l'UE pour permettre un transit […]. Le Conseil européen a demandé à la Commission et à nos ministres de l'Agriculture de travailler dans les jours qui viennent à trouver des accords pragmatiques avec l'Ukraine, afin qu’on veille à ce qu’il n’y ait pas d'injustice."

L’Union européenne importe également beaucoup de céréales et d’oléagineux de Russie, jusque-là exemptés de droits de douane. "La Commission européenne vient de faire une proposition afin que les États membres examinent la possibilité de déterminer des droits de douane relativement élevés contre des produits agricoles russes", rappelle Charles Michel, "mais il est certain que l'on doit y aller avec précaution, afin que cette mesure n'ait pas d’effets collatéraux négatifs pour la sécurité alimentaire dans le monde entier."

Dénonciation de "l'irresponsabilité" de Vladimir Poutine

L’attentat du Crocus City Hall, à Moscou le 25 mars dernier, a fait plus de 140 morts. Vladimir Poutine a fini par reconnaître qu’il avait été commis par des islamistes radicaux, tout en continuant de sous-entendre un lien avec l'Ukraine. "Une fois encore – on est habitués –, on fait face à du mensonge, de la propagande, de la désinformation", dénonce Charles Michel. "On voit qu'il est apparemment impossible pour le Kremlin […] de ne pas tomber dans la tentation du mensonge en tentant de faire de l'escalade rhétorique, en accusant de manière saugrenue l'Ukraine […]. Ça montre qu'on a raison, comme Européens, avec de nombreux partenaires dans le monde, de défendre la démocratie, la liberté et la souveraineté de l'Ukraine."

Il dénonce également "l’irresponsabilité" de Vladimir Poutine qui, depuis deux ans, se livre à "une escalade verbale, rhétorique, avec des menaces de recours à l'arme nucléaire, des multiplications des attaques par des missiles, y compris ces derniers jours". "Il y a un agresseur, rétablit Charles Michel, c'est la Russie, avec des comportements qui s’apparentent à des crimes de guerre, et il y a un agressé, c'est le peuple ukrainien, et ce sont tous ceux qui croient dans ces valeurs de démocratie incarnée par la souveraineté de l'Ukraine, qui a fait le choix libre d'arrimer son destin à l'Union européenne […]. Nous devons être absolument déterminés à ne pas laisser la Russie l'emporter, parce que laisser la Russie l'emporter, ça veut dire plus de fragilité, plus d'instabilité, plus d'insécurité."

La justice russe a d'ailleurs émis un avis de recherche contre 700 ressortissants étrangers qui auraient, selon ses termes, "insulté l'histoire". Parmi ces personnalités se trouve la Première ministre estonienne Kaja Kallas. "C’est un exemple de plus sur une longue liste d'un cynisme absolu du Kremlin", juge Charles Michel.

Quid, enfin, d’un grand emprunt de 100 milliards d’euros pour renforcer la défense européenne ? Le président Emmanuel Macron et l’Estonie le réclament, mais l’Allemagne reste sceptique. Charles Michel en a la certitude : "Que ce soit à travers un grand emprunt européen ou par d'autres types de mécanismes de financement, nous sommes déterminés à changer de paradigme […]. Vladimir Poutine a ouvert les yeux des Européens sur leur défense : être un projet de prospérité, c'est bien, c'est nécessaire, mais c'est insuffisant. On a besoin d'un pilier de sécurité et de défense."

Défense du bilan européen des cinq dernières années

Le 6 janvier 2024, Charles Michel avait annoncé qu’il mènerait, à l'occasion des élections européennes, la liste du Mouvement réformateur en Belgique. Une telle décision aurait automatiquement entraînée sa démission du poste de président du Conseil européen, et il s'était rétracté trois semaines plus tard. "Il n'y a pas eu de pression de mes pairs, en aucun cas", affirme l’intéressé. "J’ai fait un choix en conscience […]. Ce qui compte pour moi, c'est la stabilité du Conseil. Et à un moment comme celui-ci, on a besoin d'un ancrage. Avec les 27 chefs d’États et de gouvernement, on va continuer à travailler pour réussir la transition institutionnelle qui sera nécessaire après les élections européennes du mois de juin."

Des élections pour lesquelles forte progression de l’extrême droite est pronostiquée. Mais Charles Michel reste "très prudent avec les sondages" et se veut "assez optimiste [quant au fait] que, partout en Europe, ceux qui croient dans l'intégration européenne comme pilier pour plus de prospérité, pour plus de développement économique, pour plus de stabilité, vont faire entendre leur voix. Et la responsabilité des leaders européens, c'est de démontrer qu'il y a une valeur ajoutée, qu'il y a des résultats." Il défend par là le bilan européen des cinq dernières années : la crise Covid, la lutte contre le réchauffement climatique, le soutien à l’Ukraine… "Ce projet européen, qu'il est facile de décrier quand on regarde les résultats, on voit que c'est plutôt un élément qui donne de la stabilité, de la sécurité", conclut-il.

Une émission préparée par Isabelle Romero, Sophie Samaille et Perrine Desplats

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