1. Introduction
Dans cet épisode, Michel Onfray poursuit son étude de Claude-Adrien Helvétius, en insistant sur sa posture utilitariste, en opposition frontale avec la morale kantienne. Il montre comment Helvétius, bien avant Bentham et Mill, pose les bases d’une éthique fondée sur l’intérêt général, la sensibilité empirique et le bonheur collectif, plutôt que sur des principes moraux abstraits et désincarnés.
2. Helvétius et l’émergence de l’utilitarisme
Un précurseur du calcul des plaisirs
Helvétius ne parle pas d'utilitarisme, un terme qui n’existe pas encore à son époque. Cependant, il développe une pensée qui annonce clairement cette doctrine. Pour lui, le but ultime de la politique et de la morale est de maximiser le bonheur du plus grand nombre en réduisant les souffrances inutiles.
L’influence de Locke et de la philosophie empirique
Helvétius s’inscrit dans une tradition empiriste et sensualiste, héritée de John Locke. Il considère que toutes nos connaissances et notre morale viennent des sens et de l’expérience, et non d’un quelconque principe transcendant ou rationnel pur.
3. Une morale fondée sur l’intérêt et non sur le devoir
Critique du libre arbitre et de la vertu désintéressée
Contrairement à Kant, qui pose la morale comme un impératif catégorique, indépendant des conséquences, Helvétius affirme que toutes nos actions sont guidées par l’intérêt. Il récuse donc l’idée d’une vertu désintéressée, qu’il considère comme une illusion entretenue par la religion et les moralistes idéalistes.
Le conditionnement social et éducatif
Helvétius pense que la morale doit être enseignée et conditionnée par l’éducation et les institutions. Plutôt que de croire en un bien et un mal absolus, il soutient que les comportements vertueux doivent être encouragés par des récompenses sociales, et les comportements nuisibles, découragés par des sanctions adaptées.
4. L’opposition radicale à Kant
L’impératif catégorique vs. l’intérêt bien compris
Chez Kant, une action est morale si elle est accomplie par devoir, indépendamment de son utilité ou de ses conséquences. Helvétius, au contraire, affirme que toute action humaine est motivée par un intérêt et que la société doit orienter ces intérêts vers des fins collectivement bénéfiques.
Le refus du bien et du mal absolus
Alors que Kant croit en l’existence d’un bien universel et d’un mal universel, Helvétius adopte une approche relativiste et contextuelle de la morale. Ce qui est "bien" ou "mal" dépend des effets concrets qu’une action produit sur la société.
5. L’influence de l’utilitarisme sur la pensée moderne
Un héritage chez Bentham et Mill
Bien que rarement crédité comme tel, Helvétius est une inspiration majeure pour les penseurs utilitaristes du XIXe siècle, comme Jeremy Bentham et John Stuart Mill. Sa vision d’une morale fondée sur l’intérêt collectif, plutôt que sur des principes abstraits, annonce leurs théories.
Une pensée toujours actuelle
Onfray montre comment l’approche d’Helvétius résonne encore aujourd’hui, notamment dans les débats contemporains sur la bioéthique, la politique sociale et l’ingénierie morale appliquée aux systèmes législatifs.
💡 Conclusion
Michel Onfray oppose deux visions irréconciliables de la morale : celle de Kant, idéaliste et absolue, et celle d’Helvétius, empirique et utilitariste. Il insiste sur le fait que l’éthique d’Helvétius, en lien avec l’intérêt général et le bonheur collectif, est une alternative puissante à la morale dogmatique et culpabilisante encore dominante aujourd’hui.
📚 Philosophes mentionnés
* Épicure (341 av. J.-C. – 270 av. J.-C.) — Philosophe matérialiste et hédoniste.
* Lucrèce (env. 94 av. J.-C. – env. 55 av. J.-C.) — Poète et philosophe épicurien.
* Montaigne (1533 – 1592) — Philosophe humaniste et sceptique.
* Pierre Gassendi (1592 – 1655) — Philosophe empiriste et matérialiste.
* René Descartes (1596 – 1650) — Philosophe rationaliste, défenseur du dualisme.
* Baruch Spinoza (1632 – 1677) — Philosophe rationaliste et panthéiste.
* John Locke (1632 – 1704) — Philosophe empiriste anglais, inspirateur d’Helvétius.
* Claude-Adrien Helvétius (1715 – 1771) — Philosophe des Lumières, théoricien du bonheur collectif et de l’utilité sociale.
* Emmanuel Kant (1724 – 1804) — Philosophe idéaliste allemand, fondateur de la morale déontologique.
* Paul-Henri Thiry d’Holbach (1723 – 1789) — Philosophe matérialiste et athée.
* Jeremy Bentham (1748 – 1832) — Philosophe utilitariste, théoricien du calcul des plaisirs.
* John Stuart Mill (1806 – 1873) — Philosophe utilitariste et libéral.
* Friedrich Nietzsche (1844 – 1900) — Philosophe allemand, critique du rationalisme et du dualisme.
* Gilles Deleuze (1925 – 1995) — Philosophe français, auteur de Le Pli. Leibniz et le baroque.
Crédits : Michel Onfray et la Contre-histoire de la philosophie
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