Démêler le vrai du faux dans l’info, là où l’accès à l’information est déjà considérablement restreint, c’est un véritable défi pour les fact checkers tout particulièrement au Sahel. Les journalistes burkinabè Harouna Drabo et Adnan Salif Sidibé, de retour du sommet Africa Fact de Accra au Ghana, témoignent de l'enjeu que représente la vérification des faits dans un contexte informationnel fragilisé par les crises.
Harouna Simbo Drabo, journaliste burkinabè et analyste de la désinformation au Sahel, a participé au sommet Africa Fact qui se tenait les 9 et 10 octobre 2024 à Accra, au Ghana, où des solutions innovantes ont été discutées pour faire face à ce défi croissant.
« Nous sommes dans un contexte où on a une croissance vertigineuse des campagnes coordonnées de désinformation. »
Il évoque la nécessité d'unir les efforts au-delà des frontières africaines pour lutter efficacement contre la désinformation. « Il faut renforcer le travail collaboratif au-delà des frontières de nos pays », déclare-t-il, insistant sur l'importance d'une « task force » pour dialoguer avec les plateformes numériques et les institutions multilatérales.
L'absence de modération sur les plateformes
Harouna Drabo déplore l'absence de modération adéquate sur les plateformes numériques en Afrique. Il souligne que même des discours haineux signalés ne sont pas retirés. « La voix de l'Afrique ne porte pas », dit-il à ce sujet, ce qui pose un véritable enjeu géopolitique.
Impact de la désinformation sur les populations
Il met également en lumière l'impact direct de la désinformation sur les populations africaines, particulièrement vulnérables en raison d'un faible niveau d'alphabétisation. Au sujet des groupes WhatsApp où circule la désinformation, il évoque un « dark social », où les membres partagent des informations sans vérification, ajoutant que les notes vocales sont particulièrement efficaces pour diffuser des fausses informations, au risque de provoquer des tensions communautaires.
Influence étrangère et désinformation
Harouna Drabo aborde aussi l'influence étrangère dans le domaine de la désinformation, notamment celle de la Russie. Il affirme que « l'influence russe est la locomotive qui cache les autres wagons » faisant référence à d'autres acteurs comme la Chine et les Émirats arabes unis qui utilisent également des méthodes insidieuses pour diffuser leur narratif.
Son confrère burkinabè Adnan Salif Sidibé a pour sa part remporté le prix fact checker de l'année 2024 décerné par Africa Fact, lors du sommet de Accra au Ghana.
Le Fact-Checking comme mission d'utilité publique
Adnan Sidibé considère le fact-checking comme une « production journalistique d'utilité publique ». Il souligne que « Le fact checking permet de rétablir les faits et également aussi de susciter une sorte de responsabilité à la prise de parole par les autorités. »
On peut consulter son travail de vérification sur le site Faso check, ainsi que sur paff.africa la plateforme africaine des fact checkers francophones.
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