Alors qu’Uber a jeté l’éponge il y a six ans déjà, d’autres applications de transport à la personne opèrent au Maroc comme Careem, Yango ou InDrive. Le vide juridique concernant cette pratique commerciale provoque toujours de nombreuses situations de conflits entre chauffeurs de taxi et chauffeurs particuliers.
De notre correspondant à Casablanca,
Moustafa parcourt les artères de Casablanca depuis 5 heures du matin dans son petit taxi rouge aux sièges défraîchis. Il est chauffeur depuis plus de 10 ans. Selon lui, le métier devient de plus en plus pénible, entre les bouchons casaouis qui lui rendent le quotidien difficile et l’essor des applications de transport qui l’inquiète. Pour lui, ces applications devraient être réservées uniquement aux taxis rouges.
« Le problème, c’est que des véhicules personnels arrivent sur ce marché et les chauffeurs de taxi sont obligés de partager leur clientèle avec ces nouveaux acteurs, ça va réduire notre pouvoir d’achat, et ça nous fatigue au quotidien, dénonce le chauffeur de taxi. Il faut réguler, réguler le système de transport urbain, et c’est l’État qui doit le faire. »
Sur la toile, les vidéos se multiplient montrant des chauffeurs de taxi lancer des attaques verbales ou physiques contre les conducteurs utilisant ces applications avec leur véhicule personnel, qu'ils accusent de ne pas respecter la loi. Le mois dernier, la presse marocaine a largement relayé l’histoire d’un ressortissant russe qui s’est interposé pour séparer un chauffeur de taxi et un chauffeur de VTC. Le chauffeur de taxi a été mis aux arrêts. À Casablanca, Youssef, chauffeur de voiture particulière âgé de 65 ans, a appris à éviter ses collègues taxis. « Ça fait deux ans que je fais ce travail-là — ou ce service-là, témoigne-t-il. Au début, on avait beaucoup de problèmes, maintenant, j'évite les chauffeurs [de taxi], j’évite la police, j’essaye de l’éviter. »
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Un vide juridique
Les applications qui opèrent au Maroc sont nombreuses : Yango, inDrive ou encore Careem. Mais ces entreprises n’ont toujours pas réussi à convaincre les autorités de légiférer pour permettre aux chauffeurs privés de travailler légalement. C’est ainsi qu’Hicham, chauffeur InDrive à Marrakech, s’est fait retirer son permis.
« J’ai été dénoncé par les taxis. Eux, ils ne voulaient pas que ces applications travaillent ici, au Maroc, explique le chauffeur InDrive. J’ai été arrêté, j’étais choqué. Bien sûr, les clients aussi ont été choqués par ce geste-là, ils m’ont pris mon permis pour trois mois. Ce n’était pas facile pour moi parce que c’est ma seule source pour avoir de la monnaie. Bien sûr, ma voiture a été confisquée et j’ai payé une pénalité ».
Pour éviter les problèmes, les clients des applications sont invités à s’assoir à l’avant et régler la course le plus discrètement possible. Situation paradoxale : bien que les chauffeurs de VTC travaillent toujours dans l’illégalité, certaines applications, comme l’américaine InDrive, affichent leurs publicités dans la rue. En avril dernier, le groupe parlementaire du Parti du progrès et du socialisme a adressé une question formelle au ministre de l’Intérieur au sujet de ce vide juridique.
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