Le Brésil est devenu le premier exportateur de coton au monde, devant les États-Unis. Les volumes exportés par le géant d'Amérique latine ne cessent de croître et pourraient demain menacer les parts de marché du coton africain, que certains qualifient de plus beau coton du monde. Où en est la prise de conscience sur le continent et quelles sont les pistes d'adaptation ?
De notre envoyée spéciale au Forum de l'Association français cotonnière, qui s'est tenu au début du mois d'octobre dans la ville du Havre,
« On a la pression du Brésil, on ne peut pas le nier », reconnaît le président de l'Association professionnelle des sociétés cotonnières en Côte d'Ivoire. « Les signaux sont là, ajoute Jean-François Touré, il faut en prendre conscience et mener les réflexions nécessaires pour contrecarrer la situation ».
L'expansion de la culture du coton au Brésil a déjoué toutes les prévisions : elle est même vue par certains experts comme le fait marquant de ce 21ᵉ siècle pour le secteur. Depuis l'année dernière, le Brésil est devenu le premier exportateur mondial, de quoi pousser un peu plus les producteurs d'Afrique de l'Ouest à réfléchir à leur avenir.
Sur le marché international, l'Afrique reste toujours le premier fournisseur du Bangladesh, grâce à la beauté de son coton ramassé à la main, mais cela pourrait vite changer. D'où les efforts actuellement menés au sein de l'Association cotonnière africaine pour maintenir et améliorer la qualité de l'or blanc, assure Papa Fata Ndiaye, directeur général de la Sodefitex au Sénégal. « Cela passe par une récolte plus soignée, explique-t-il, une lutte acharnée contre la contamination du coton par les polypropylènes et une meilleure homogénéité des lots pour répondre avec plus d'efficacité aux exigences de la filature. »
À lire aussiLe marché du coton entre forte volatilité et manque de visibilité
Dix producteurs pour 50 % de la production
Au Brésil, une petite ferme s'étend sur 50 000 hectares, contre 2 hectares en Afrique. Dix producteurs concentrent pas moins de 50 % de la production brésilienne. On parle donc d'exploitations hors normes, aux rendements impressionnants, entre trois et cinq fois plus élevés que ceux du continent africain, qui permettent de réduire les coûts de production par hectare. Même s'il n'y a pas de comparaison possible entre un coton cueilli à la main et celui récolté à la machine, une marge de progression en termes de pratiques agricoles et de rendement existe en Afrique de l'Ouest.
« On continue toujours avec la même formulation d'engrais, il y a donc un certain nombre de réformes et de réflexions à mener », selon Jean-François Touré, qui estime que les pays producteurs du continent peuvent atteindre un rendement de 1,5 t tonne par hectare, voire même de 2t/ha.
À lire aussiRemobiliser la filière africaine du coton face aux chutes de production
Un Brésil encore plus présent demain
Personne n'a de doute, le géant d'Amérique latine produira encore plus dans les prochaines années dans la région du Mato Grosso - qui occupe une surface une fois et demie plus grande que celle de la France.
La menace est réelle, mais pas que pour l'Afrique, explique Laurent Peyre, président de l'Association française cotonnière et directeur exécutif de la société StoneX CDI. « Si les volumes deviennent très importants, le Brésil fera de l'ombre à tout le monde, à l'Afrique de l'Ouest, mais surtout au coton américain et australien qui sont deux cotons mécanisés également ».
Parmi les débouchés alternatifs pour l'Afrique, hors Asie, la transformation locale a de plus en plus le vent en poupe. Elle passe par la construction de filatures et d'usines de tissage, à l'image de ce que le Bénin est en train d'expérimenter, le principal frein restant, dans la plupart des pays, la disponibilité d'une énergie durable et accessible.