Aujourd’hui, une artisane designer qui mêle lumière, matière et inspiration littéraire : Marion Mezenge, tourneuse sur métal et fabricante de luminaires. Cette artisane d’art spécialisée dans le tournage, formée à l’école Boulle, à Paris, développe une passion pour la lumière et le travail du métal. Co-fondatrice d’un atelier collaboratif, ses créations s’inspirent de ses lectures et de ses expériences tout en alliant tradition et innovation.
Lauréate 2024 du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art, Marion Mezenge expose pour la première fois ses œuvres au Salon international du Patrimoine culturel qui se termine, ce dimanche 27 octobre, à Paris au Carrousel du Louvre. Nous l’avons rencontré dans son atelier à Pantin, en banlieue parisienne.
La création m’accompagne et des fois, elle est moins présente.
Marion Mezenge, artisane designer, tourneuse sur métal et fabricante de luminaires de la marque éponyme.
« Depuis l’âge de quinze ans, je fais des études dans le secteur de l’art et de l’artisanat, mais je pense qu’elle [la création] m’accompagne. C’est une fidèle amie, elle est là, à côté et il y a des périodes où nous devons prendre un peu de pause entre nous et il y a des périodes où c’est la fusion. »
Marion Mezenge est née en banlieue parisienne, elle a grandi dans un environnement familial propice à l’imagination. Sa passion pour l’artisanat a démarré dès son plus jeune âge, au contact d’un père bricoleur qui l’a initiée à divers matériaux dans leur atelier familial. Ces expériences, découvertes des matières l’ont naturellement conduit à intégrer l’école Boulle, à Paris, où elle découvre le tournage d’art.
« Je suis amoureuse de mon métier. J’adore le tournage, cela s’est énormément industrialisé avec le temps. Mais moi, je trouve que tous les mécanismes qui sont cachés dans vos moteurs, qui sont cachés dans les objets du quotidien, c’est ce que j’ai essayé de mettre en avant dans la collection Astérie. »
« J’ai appris ce métier et il conditionne aussi ma manière de créer. C’est mon ossature, ce qui fait que, pour moi, il est porteur dans le sens que cette technique mécanique me permet après de combiner avec d’autres techniques qui sont plus empreintes du geste ou qui vont être aléatoires ou complètement empiriques, et je vais faire dialoguer ces techniques entre elles. »
Après cinq années d’apprentissage intense, elle obtient son diplôme des métiers d’art en section tournage. Diplôme en poche, Marion Mezenge effectue des stages dans différents ateliers, apprenant ainsi les rouages du mobilier et des luminaires sur mesure. En parallèle, elle co-fonde l’atelier Edward Tisson, un espace dédié à l’expérimentation et à la création.
« Mon atelier s’appelle Edward Tisson. C’est une association que j’ai co-fondée. Nous l’avons montée parce que nous nous connaissons depuis l’école et nous voulions avoir un lieu pour expérimenter. Nous avions en commun le fait de travailler le métal. Le travail du métal, comme souvent aussi pour le bois et le verre, nécessite des investissements lourds. Or, nous, voulions avoir un lieu d’expérimentation. Nous avions un même besoin en machines et de lieu. Nous nous sommes réunis et nous avons mutualisé tout cela. Nous avons commencé par acheter la forge. Petit à petit, moi, j'ai eu mon tour, après, j'ai acheté mon deuxième tour, puis la fraiseuse et ainsi de suite. C’est comme cela que l’atelier s’est monté. Cela nous permet aussi de mutualiser en quelque sorte les savoir-faire, parce que nous avons différents profils, donc différents savoir-faire dans la bijouterie, la ciselure et le tournage et aussi en design, nous sommes sur des échelles différentes, mais nous avons un besoin commun. Nous avons besoin souvent d’outils qui sont similaires. Le but, c'est vraiment la mutualisation. »
« Et puis à l’époque, il y avait l’essor des laboratoires de fabrication, sauf que faire venir une forge dans ces espaces, c’est compliqué. Pour nous, c’est un réel besoin, nous avons besoin de travailler la flamme, d’avoir une structure importante et donc c’est comme cela que nous avons décidé d’être ensemble dans un lieu fixe, parce que nous ne pouvons pas bouger souvent. Par exemple, mon tour fait une tonne et ma fraiseuse une tonne deux. Quand je les déplace, c’est toujours un peu la mission. »
Marion Mezenge est sensible à la lumière et au métal. Elle ne se contente pas de créer des pièces fonctionnelles, elle exploite la réflexion de la lumière pour provoquer des émotions.
« Quand nous faisons le tournage d’art à l’école, nous apprenons à tourner le bois, le plastique, etc. Mais j’ai plus de sensibilité envers le métal. À l’école, nous apprenons le métier sur des pièces dites de style, donc sur des bougeoirs Louis XII, sur des lampes, bouillottes, etc. J’ai appris cela sur les bougeoirs, mais j’aimerais m’intéresser à l’objet du bougeoir pour sa réflexion lumineuse. Avant, c’était un élément dont nous avions besoin pour nous éclairer. Or, maintenant, ce n’est plus un besoin primaire. »
« Est-ce que nous ne pouvons pas exploiter le pouvoir narratif du bougeoir ? Travailler la réflexion de la lumière pour raconter une histoire avec des textures ? Et pour le coup, le métal se prête énormément à cela avec le métal poli, le martelage. Je ne sais pas pourquoi le métal, mais je sais que c’est en partie lié pour moi vraiment à la réflexion de la lumière et le métal qui jouent très bien ensemble. Il y a d’autres médiums qui sont très intéressants, mais le métal, c'est le mien pour l’instant. »
Passionnée par les récits d’exploration, Marion Mezenge nourrit son imaginaire de ses lectures. Des récits qui résonnent profondément avec son processus créatif.
« Au début, je pense que j’avais un procédé très académique. Ma première collection a été ma collection de bougeoirs. C’est après les avoir dessinés que je me suis rendu compte que c’était lié à toutes mes lectures. Je lis énormément de livres et je suis passionnée par les récits d’explorateurs, de primatologues, enfin de toutes ces personnes qui ont un peu quitté un circuit classique pour s’intéresser à autre chose, à des terres inhospitalières. Maintenant, je me rends compte que c’est vraiment ma base. La lecture nourrit mon imaginaire. Les mots me créent des images et petit à petit, quand je dessine des pièces, cela se connecte malgré moi. C’est plutôt très agréable comme sensation. Mais maintenant, je sais que c’est comme cela que cela marche. Je suis toujours en train de lire. J’ai toujours un livre et souvent maintenant, j’ai du mal à trouver des ouvrages qui soient encore édités sur les récits d’exploration. »
Le choix des matériaux est important pour Marion Mezenge qui s’est tournée vers l’aluminium, une matière que beaucoup considèrent comme ordinaire. Ce dialogue entre matière et émotion donne naissance à des créations sans pareil.
« Je dis que je suis en train de me constituer une bibliothèque du froid. Je suis passionnée ces derniers temps par la glace, la banquise, les explorations qui se sont faites sur ces terres lointaines. Et, je me suis énormément orienté sur le travail de l’aluminium parce que cette matière, quand elle est polie, travaillée, je trouvais que c’était un sujet qui était intéressant parce que déjà, je trouvais que c’est une matière qui est catégorisée comme pauvre et qui n’est pas du tout dans le secteur de l’artisanat d’art ou très peu. Elle est plus commune aussi. Vous avez l’habitude de l’avoir sur vos canettes ! C’est intéressant d’essayer de trouver un langage plastique avec cette matière qui me permette de la dissocier des codes actuels et de complètement l’anoblir. Il s’est avéré que la technique pour l’applique Léonie, nous plonge tout de suite dans cette ambiance, un peu banquise, c’est la première chose que les gens me disent "Cela fait froid, comme du givre". Je n’ai pas un choix précis de métal que je vais travailler. Mais souvent, tout s’imbrique. C’est un petit pas à la fois sur chaque sujet. »
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