La ressource naturelle la plus consommée dans le monde après l'eau est indispensable à la fabrication du béton et donc aux constructions. Mais l'industrie du sable provoque de nombreux dégâts sur la planète.
Le sable, dans un certain imaginaire, ce sont des vacances, au soleil, en bord de mer, sur une plage où des enfants construisent des châteaux de sable. Mais en réalité, et avant tout, le sable ramène au béton, le matériau phare de la construction. Le sable a bien d’autres utilisations industrielles, la fabrication du verre, des produits de beauté également, mais à 70 %, il sert à construire des bâtiments, des infrastructures. Et on construit tellement et de plus en plus, partout dans le monde, que le sable finira par manquer.
« Quand j'ai écrit le premier rapport en 2014 sur le sable, raconte Pascal Peduzzi, du programme des Nations unies pour l'environnement, tout le monde me regardait avec des grands yeux en disant : "Quoi, on a un problème avec le sable ? Mais enfin, il y en a partout !" Il n’y avait pas vraiment cette prise de conscience que c'est l'élément solide qu'on prélève le plus sur Terre. On en prélève quand même 50 milliards de tonnes par année. C'est un mur qui ferait 27 mètres de haut, 27 mètres de large, et qui ferait le tour de l'Équateur chaque année. »
Avec une telle consommation mondiale, les réserves de sable diminuent. Parce que le sable n'est pas une matière première renouvelable. Il faut des milliers, voire des millions d'années pour que le sable naturel se forme. La Belgique, par exemple, n'a plus que 80 ans de réserve de sable.
À lire aussiL'ONU lance un outil de surveillance de l'exploitation des «gigantesques» volumes de sable
Sous le sable
Du sable, il y en a pourtant à peu près partout. On le fabrique aussi, dans des carrières, où on broie de la roche. Les carrières de sable ont d’ailleurs un impact environnemental limité, alors que partout ailleurs le sable qu'on prélève joue un rôle dans les écosystèmes, « que ce soit pour la filtration de l'eau, la correction du cours des rivières, le niveau des nappes phréatiques, la protection du littoral pour les plages… Dans le sable marin, vous avez des tortues, des poissons, toutes sortes de faune et de flore qui sont dépendants du sable », souligne Pascal Peduzzi.
Face à cette pénurie de sable annoncée, on pourrait penser aux déserts de sable. Sauf que ce sable-là est trop fin et trop rond pour faire du béton. C’est d'ailleurs le paradoxe de Dubaï ou de l'Arabie saoudite, aux projets pharaoniques, obligés d'importer énormément de sable alors qu'ils sont construits sur du sable.
L’exploitation du sable au fond de la mer provoque des dégâts environnementaux « encore plus importants que l'exploitation minière des fonds marins », estime Pascal Peduzzi, de l'ONU Environnement. Il s'agit là de récupérer du sable jusqu'à 50 mètres de profondeur, donc près du littoral, avec des engins utilisés, des sabliers, qui « vont se comporter comme des aspirateurs, c'est-à-dire qu'ils vont aspirer le sable au fond de l'eau. Ce faisant, ils vont broyer tous les micro-organismes, ce qui va stériliser les fonds marins. Vous avez une perte de biodiversité, des petits organismes qui nourrissent les autres. C'est donc quelque chose qui a énormément d'impacts et qui est malheureusement en augmentation parce qu’il y a beaucoup de pays qui dépendent de plus en plus du sable marin pour leur approvisionnement. »
À lire aussiAux Maldives, l’utilisation du sable pour lutter contre la montée des mers, une méthode controversée
Singapour est construit sur du sable
L’exploitation du sable marin a même parfois des conséquences très visibles : la disparition d’îles. « Les grains de sables sont solides, mais quand vous prenez une poignée de sable dans votre main, il coule entre vos doigts et donc il se comporte aussi comme un liquide, explique Pascal Peduzzi. Donc si vous extrayez du sable à faible distance du littoral, le sable de la plage va couler pour compenser ce trou. Vous vous retrouvez avec une érosion côtière importante. Par exemple, en Indonésie, on a prélevé trop de sable pour l'exporter vers Singapour et une quinzaine d'îles ont disparu. » Singapour a ainsi agrandi son territoire de 23 % avec du sable importé de nombreux pays d'Asie.
Il existe quand même des solutions, comme le recyclage des déchets des exploitations minières, recommandé par ONU Environnement. Une fois qu'on a récupéré le minerai, tout ce qui reste, les résidus, et qui forme des terrils, ce sont, des montagnes de sable qu'on pourrait utiliser. Mais la solution la plus écologique reste la construction avec des matériaux naturels plutôt qu'avec du béton. Une tonne de béton représente presque une tonne de CO2, le principal gaz responsable de la crise climatique. Le béton, on laisse béton !