L’élection présidentielle aux États-Unis pourrait se jouer en Pennsylvanie, cet État industriel du Midwest. C’est le plus important des swing states, avec 19 grands électeurs en jeu. Voilà pourquoi Kamala Harris et Donald Trump multiplient les déplacements dans cet État que Joe Biden avait remporté de justesse en 2020. La région industrielle autour de Pittsburgh, autrefois bastion démocrate, est désormais tournée vers les républicains.
De notre envoyé spécial à West Mifflin,
Au bord de l’autoroute qui mène de Pittsburgh à West Mifflin, Natalie et son mari tiennent un stand permanent de produits dérivés de Donald Trump.
On y trouve des T-shirts, des casquettes, des mugs et d’autres accessoires « MAGA » (« Make America Great Again », le slogan de la campagne de Donald Trump). La tentative d’assassinat contre le candidat républicain en juillet dernier a dopé leurs affaires, explique Natalie, qui soutient Donald Trump depuis 2016. « Le lendemain de l’attentat, lorsque nous avons ouvert notre stand, il y avait déjà une queue d’environ 50 mètres. Elle n’a pas diminué de toute la journée ! Nous avons dû fermer plus tôt parce que nous avions tout vendu. » Et à quelques jours de l’élection, le stand attire toujours du monde. Mike, un ancien militaire, vient acheter une pancarte portant le slogan « Les vétérans pour Trump ».
L’espoir d’un retour de Trump
Mike ne rêve que d’une chose : le retour de Donald Trump. Comme beaucoup de ses partisans, il affirme qu’il vivait mieux sous sa présidence de 2016 à 2020. Il reproche à l’administration Biden d’avoir laissé entrer trop de migrants illégaux, dont la moitié, selon lui, « seraient des terroristes potentiels ». Une rhétorique typiquement trumpiste.
Mais ce n’est pas seulement l’immigration qui préoccupe ce vétéran. L’inflation, il l’impute entièrement à l’administration Biden. Tout a augmenté, dit-il : le prix de l’essence, les impôts, les taux d’intérêt, sans parler des produits alimentaires. « Il y a quatre ans, 12 œufs coûtaient environ un dollar. Aujourd’hui, c’est le triple ! » Mike estime que si Donald Trump ne revient pas au pouvoir, « on finira comme un des pays socialistes en Europe ».
Quel avenir pour l’industrie sidérurgique ?
Mais justement, comment relancer l’économie locale dans cette région où battait autrefois le cœur de l’industrie sidérurgique américaine ? Les syndicats soutiennent le rachat du groupe sidérurgique US Steel par le géant japonais Nippon Steel, espérant ainsi protéger des emplois.
Mais ce projet est devenu un sujet électoral brûlant, car les deux candidats à la présidence s’y opposent. Ils refusent que cette compagnie passe sous contrôle étranger. Une décision incompréhensible pour Chris Kelly, le maire de West Mifflin. Ce fils d’ouvrier, né à Homestead, a vu la grandeur et le déclin de la sidérurgie dans la région. Il se bat aujourd’hui pour préserver les emplois dans sa ville, qui est le siège d’une usine de transformation d’acier d'US Steel qui compte environ 900 employés. Selon le maire, « la fusion pourrait attirer 10 000 à 15 000 ouvriers qui auront besoin de se loger, de manger. Cela créerait des emplois ! » L’inquiétude d’être licenciés si la fusion ne se fait pas est grande chez les employés d’US Steel. « Ce sont surtout les femmes qui m’appellent. Elles me demandent : comment je vais faire pour payer le crédit de la maison et les frais scolaires ? », explique Chris Kelly.
Un sentiment d’abandon
Chris Kelly ne sait pas comment le conflit autour de la fusion influencera le vote. Il y a quatre ans, sa ville de West Mifflin avait préféré Joe Biden à Donald Trump, mais le candidat républicain s’était imposé dans l’ensemble du comté de Washington voisin, notamment grâce au soutien d’électeurs comme Jason White.
Ancien ouvrier du charbon, Jason s’est reconverti dans l’agriculture. Autrefois fervent démocrate, il se sent aujourd’hui abandonné par son parti. « Notre gouverneur vient d’annoncer un investissement de 600 millions de dollars pour Pittsburgh. Et que fait-on pour la région ? En fait, ils ignorent les besoins des gens et de l’industrie ici. » Jason White ne peut plus voter pour les démocrates : « Ce parti est devenu trop extrême sur des questions d’identité sexuelle », dit-il.
Des sympathisants de Trump partagés
Dans ce comté, il est rare de voir des pancartes pro-Harris devant les maisons. La plupart des habitants affichent ouvertement leur soutien à Donald Trump.
Cependant, certains républicains ont décidé de voter pour Kamala Harris. C’est le cas d’Augusta Doll, surnommée « Queen », originaire du Nigeria. Propriétaire d’une épicerie à Charleroi, le Queen’s Market, elle reproche à Donald Trump son discours anti-immigration. « La plupart de mes clients sont des Haïtiens, j’emploie des Haïtiens, ils travaillent très bien. Si Trump veut tous les expulser, je peux fermer mon magasin », explique-t-elle. « Avant l’arrivée des immigrants, Charleroi était une ville fantôme, ils l’ont revitalisée », confie une habitante sous anonymat, car, selon elle, « ma position n’est pas majoritaire à Charleroi ».
Assis devant un bar à cigares près de Charleroi, nous rencontrons Frederick, ancien officier de police et fervent partisan de Donald Trump. « Si Kamala Harris gagne l’élection, on est foutus », affirme-t-il. Le jour du vote, il compte se rendre aux urnes vêtu d’un sac-poubelle, en réponse à Joe Biden qui avait qualifié les partisans de Trump d’« ordures ».
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