La reconduite de Vladimir Poutine à la tête de la Russie cette semaine a de quoi donner des sueurs froides à l’État major ukrainien alors que le conflit entre dans sa troisième année, mais les appétits de conquête du Président russe ne pourraient-ils pas mener le pays bien au-delà de ses frontières ?
C’est un scénario catastrophe redouté, qui pourrait dépasser le seuil de la politique fiction. Au même titre que très peu d’analystes croyaient, quelques heures avant son déclenchement, à la possibilité de l’invasion de l’Ukraine à l’aube du 24 février 2022, la fuite en avant guerrière de Vladimir Poutine pourrait continuer de surprendre et, effectivement, mener son pays, à court et moyen terme, vers des contrées lointaines réparties aux quatre coins de la planète, au gré de guerres multidimensionnelles et hybrides qui changeraient assurément le monde tel que nous le connaissons. Bien entendu, le premier des sujets de préoccupations reste l’Ukraine, aux avant-postes de l’Europe, qui, au-delà des revers militaires récents sur le terrain, redoute l’échéance électorale américaine en novembre prochain qui pourrait, brutalement, en cas de retour au pouvoir de Donald Trump, laisser Kiev bien seule face à la soldatesque russe, soudain privée de milliards de dollars d’aide militaire de Washington.
Mais le fantasme expansionniste du maître du Kremlin lui fait clairement lorgner en direction des anciennes républiques soviétiques d’Europe Orientale, la petite Moldavie en tête, considérée comme composante de la zone d’influence naturelle de Moscou qui s’ingénie à contribuer à sa déstabilisation politique en attendant de passer, qui sait, à la vitesse supérieure.
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Dans le viseur de Vladimir Poutine, ce sont aussi les frontières de l’Otan et même le continent africain.
Les pays Baltes, la Finlande, la Géorgie et même l’Arménie. Tout est prétexte pour Moscou à engager une tectonique de la confrontation avec l’Occident et ses valeurs quitte à se lancer, bien au-delà d’une économie de guerre, vers une véritable mondialisation de la guerre sur fond d’un narratif et d’une propagande implacablement bien huilée.
D’ailleurs, bon nombre de soldats russes faits prisonniers sur le front ukrainien révélaient dans leurs interrogatoires qu’ils étaient persuadés de venir se battre contre des militaires de l’Otan, américains et européens. Et ce commentaire lapidaire du chef de l’armée française, le général Thierry Burkhard : « La Russie est déjà un peu en guerre avec les pays occidentaux. Une guerre informationnelle pour déstructurer nos sociétés ».
En Afrique, difficile de ne pas reconnaître les succès de l’influence russe. Avec des années d’avance, la Russie a eu la vision et l’intuition de l’énorme potentiel de la guerre hybride. Dévastatrice et peu coûteuse. Le continent africain en a été le laboratoire. La France, la cible privilégiée, dont la sphère post-coloniale s’est écroulée de manière fulgurante, en deux ou trois ans. De l’Afrique centrale à l’effet domino des coups d’État militaires au Sahel. Syrie, Soudan, Libye... L’hydre russe continue de montrer au monde sa profonde volonté de conquête.
Quels sont les moyens de se défendre ?
Les récentes déclarations du président français Emmanuel Macron à l’encontre de l’expansionnisme de Moscou enjoignant l’Europe, elle aussi, à se mobiliser dans une économie de guerre, ont reçu un accueil mitigé en Occident, mais ont fait redoubler les attaques et invectives russes à l’égard de Paris. Ce qui montre, peut-être, que le chef de l’État français ne se trompe pas. « Vous, les Français, êtes en train de provoquer la Troisième Guerre mondiale » a même lancé le francophone vice-président de la Douma et propagandiste-en-chef, Piotr Tolstoï.
Soutenir l’Ukraine coûte que coûte, assurer la souveraineté et la cohésion européennes comme celle de l’Alliance atlantique, mais aussi utiliser les mêmes armes de la guerre hybride sont les options qui semblent avoir été choisies par Paris et ses alliés pour contrecarrer les plans de Vladimir Poutine. Ne reste plus qu’à espérer qu’il ne soit pas trop tard.
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