Lignes de défense

«Prosperity Guardian» se déploie en mer Rouge après les frappes contre les Houthis


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Le 12 janvier, les États-Unis et le Royaume-Uni sont passés à l'action. Ils ont bombardé les positions houthies au Yémen après la plus importante attaque contre le trafic maritime en mer Rouge menée en début de semaine. On dénombre près de 30 attaques des Houthis contre des bâtiments de commerce depuis le 7 octobre. Pour rétablir la liberté de navigation, les États-Unis ont mis en place une coalition internationale en décembre. La France est aux côtés de Washington dans cette opération nommée Prosperity Guardian.

L'US Centcom, le centre de commandement américain au Moyen-Orient, précise que cent munitions guidées ont été tirées contre seize positions tenues par les rebelles Houthis, le vendredi 12 janvier, tôt dans la nuit. Les cibles sont des postes de commandement, des pistes utilisées pour lancer des drones, des radars, des dépôts de munitions et des sites de fabrication d’armes.

Des frappes ont été également menées par des avions de chasse embarqués F-18 de l'US Navy et des Eurofighter Typhoon britanniques basés à Chypre. « Des frappes ciblées qui sont un message clair indiquant que les États-Unis et leurs partenaires ne tolèreront plus d'attaques mettant en péril la liberté de navigation dans la région », a fait valoir le président américain Joe Biden.

Reste désormais à savoir quel sera l'impact de ce raid sur l'arsenal des Houthis. Le commandant des forces françaises dans l'océan Indien, l'amiral Emmanuel Slaars, indiquait le 11 janvier aux journalistes de défense qu'il était extrêmement difficile de l'évaluer. Outre les drones kamikazes et de ciblage, les rebelles Houthis peuvent compter sur des missiles conçus et fournis en grand nombre par l'Iran, sans plus de précision quant à leur nombre précis.

Si une grande partie de cet arsenal peut être qualifié de low cost, dont la valeur unitaire, à l’instar des drones kamikazes, n’excède pas quelques centaines d’euros, l’usage des missiles Aster-15 pour les détruire est justifié, assure l’amiral Slaars : « L'idée d'analyser les choses uniquement par le rapport de coût de ce que l'on détruit et de ce que l'on utilise pour détruire, je pense que l'analyse est un peu courte. Déjà, les chiffres qui ont été donnés sur la valeur des drones sont partiellement inexacts, car certains drones sont assez sophistiqués, notamment ceux utilisés par les Houthis pour repérer les bateaux. Ce qui est important de retenir aussi, c'est que certains de ces drones sont là pour faire du ciblage. Être capable de détruire ce drone, c'est finalement anticiper une frappe beaucoup plus létale et critique que celle d'un drone kamikaze. Et au-delà de ça, il faut aussi intégrer le fait que le coût à prendre en compte n'est pas que le coût du missile que l'on utilise, mais également le coût de ce que l'on protège. Il s'agit de protéger nos marins qui sont en mer, leur bateau. Puisque très clairement sur les attaques du 9 et du 11 décembre, il n'y a aucun doute sur le fait que la Languedoc était visée. Donc comparer uniquement les coûts à l'aune de ce que l'on dépense est un peu court. »

Dans Prosperity Guardian sans y être

Outre les frappes, la réponse de la communauté internationale s’articule autour d’une coalition navale, Prosperity Guardian (« Gardien de la Prospérité », en français), initiée par Washington le 18 décembre dernier. Cette coalition repose essentiellement sur un groupe aéronaval américain constitué du porte-avions Eisenhower et de plusieurs destroyers dont un britannique, le HMS Diamond. La marine nationale a engagé un bâtiment dans cette opération : la frégate de premier rang Languedoc. Présente en mer Rouge depuis le 8 décembre dernier, elle a déjà, à trois reprises, utilisé ses missiles Aster-15 pour parer des attaques houthies.

Le bâtiment français patrouille donc avec les alliés, mais pas tout le temps, nuance l’amiral Emmanuel Slaars : « À tout moment, la Languedoc est placée sous mon commandement. Elle fait deux types d'actions : la première, c'est de faire des accompagnements de bâtiments qui sont sous pavillon français ou d'intérêt français. Lorsqu'elle ne fait pas ça, je décide de l'assigner à patrouiller dans un effort réparti avec les autres bâtiments qui sont engagés dans l'opération Prosperity Guardian. Toute la partie où l'on assure les accompagnements des bâtiments français, ça n'a rien à voir avec Prosperity Guardian. Et à d'autres moments, parce qu'il est utile de prendre position en face des zones à partir desquelles les Houthis mettent en œuvre leurs engins, on se répartit l'effort. C'est Prosperity Guardian qui distribue les zones de patrouille. Mais à tout moment, le bâtiment reste sous mon commandement et je peux lui assigner des tâches sans aucun État d'âme. » La France est donc dans l'opération Prosperity Guardian mais sans y être à temps plein.

À lire aussiPourquoi la Chine ne rejoint pas la coalition américaine en mer Rouge?

Une guérilla navale bien rodée

La menace Houthi ne faiblit pas et commence à peser lourd sur le trafic maritime mondial. Il a baissé de 22% depuis un mois en mer Rouge. Quant aux polices d’assurance des armateurs, elles flambent et accusent une augmentation de 100%. Plus que les Supertankers (les pétroliers géants) ce sont surtout les portes containers qui sont la cible des rebelles Houthis. Épaulés par l’Iran, ils sont aujourd’hui à même d’élaborer des stratégies complexes, mêlant drones d’observations et missiles.

Ainsi, dans la nuit du 9 au 10 janvier, les forces navales britanniques et américaines ont déjoué la plus importante attaque Houthis en mer Rouge. « Dix-huit drones et trois missiles ont été abattus, dans le cadre d'une attaque complexe », indique la marine américaine. Cette 26e attaque visant le trafic maritime commercial marque une escalade des tensions dans cette zone stratégique. Jamais les rebelles Houthis n'avaient organisé une attaque combinée d'une telle ampleur, avec 18 drones kamikazes, deux missiles de croisière anti-navire et un missile balistique antinavire. Les drones et les missiles ont été abattus par des avions de combat déployés depuis le porte-avions américain Eisenhower. Mais la réponse a également impliqué trois destroyers de l'US Navy.

Cette nuit-là, la frégate Languedoc patrouillait dans une autre zone de la mer Rouge, mais Alindien, le commandement de la marine pour cette zone, a décortiqué la stratégie mise en place par les Houthis. Emmanuel Slaars en tire le retour d’expérience suivant :« Leur mode d'action est de chercher à arrêter ces bateaux pour en prendre le contrôle plus facilement, comme le font les pirates. Ou alors plus simplement d'arrêter ces bateaux pour chercher à les couler. Comment font-ils ? D'abord, ils localisent leur proie avec des drones qui sont assez sophistiqués, des drones d'observation. Ensuite, ils émettent des injonctions par radio, et enfin ils tentent de frapper ces bateaux avec des drones suicides, mais aussi avec des missiles anti-navires qui eux sont nettement plus sophistiqués. Donc des moyens qui sont difficilement efficaces face à des cibles mobiles. D'où l'intérêt pour les Houthis de chercher dans un premier temps à arrêter ou à ralentir les bateaux. Les Houthis déclarent s'en prendre aux intérêts israéliens, mais ils commettent beaucoup d'erreurs, précise encore l'Amiral Slaars et font même preuve « d'irrationalité dans leur ciblage ».

Ciblages qui semblent aussi relever de leur principal soutien à l'Iran, qui dispose en permanence d'un navire de guerre en mer Rouge.

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