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Or
Attention aux termes que l’on peut employer lorsqu’on parle d’un chef de l’État. Il faut éviter l’injure qui tombe souvent sous le coup de la loi. C’est le cas au Sénégal. Et ce matin, le vocable qui est à la Une de la presse dakaroise, c’est « gougnafier »…
« Gougnafier, le mot de trop », s’exclame Walf Quotidien en première page. L’ex-chef de cabinet du président Macky Sall, Moustapha Diakhaté, a été placé en garde à vue hier après-midi et poursuivi pour offense au chef de l’État.
Tout est parti d’une photo, où l’on voit les trois plus hauts personnages de l’État, à savoir le président Bassirou Diomaye Faye, le Premier ministre Ousmane Sonko et le président de l’Assemblée nationale Malik N’Diaye, marchant côte à côte, au Centre international de conférences Abdou Diouf à Dakar.
Moustapha Diakhaté a critiqué publiquement cette photo, en affirmant que le président de la République ne devait pas marcher au même niveau que le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale. D’après son avocat, cité par Walf Quotidien, « c’est une violation du protocole de la République. Car ce protocole voudrait que le président soit devant, suivi du président de l’Assemblée nationale, lui-même suivi du Premier ministre. » Ce qui explique pourquoi l’opposant a qualifié les trois hommes de « gougnafiers », dans le sens d'« ignorants » du protocole. Et « d’après lui, pointe le journal, le mot gougnafier n’est pas offensant. »
Glissement de sens…Seulement voilà, si l’on consulte un dictionnaire, gougnafier veut dire rustre, goujat, ou encore bon à rien…
Résultat, pointe Walf : « À moins que l’Autorité judiciaire ne mette de l’eau dans son vin, l’ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar fonce droit vers la prison. Auditionné hier par les enquêteurs de la Division des investigations criminelles, Moustapha Diakhaté a été placé en garde à vue en attente de son face-à-face avec le maître des poursuites. Il est poursuivi pour offense au chef de l’État et à des personnes ayant les prérogatives du chef de l’État. » Il encourt, précise encore le journal, « une peine de 3 mois à 1 an et de 20 000 à 100 000 francs d’amende. »
Prisonnier politique ?Alors l’opposition a aussitôt réagi… Dans les colonnes du quotidien 24 Heures, Thierno Alassane Sall du parti La République des valeurs, s’insurge : « L'insécurité est la hantise des populations, les braquages se multiplient, mais le pouvoir s’illustre dans la traque de celles et ceux qui ne pensent pas comme lui. (…) Avec le Pastef (le parti présidentiel), qui avait promis de supprimer le délit d’offense au chef de l’État, on n’en est pas à un reniement près. (…) Moustapha Diakhaté rejoint le lot des prisonniers politiques. »
« Libérez Moustapha Diakhaté, lance pour sa partThierno Bocoum, président de Agir-Les leaders, et cessez de vous ridiculiser. Vous êtes censés diriger un pays, pas fuir la critique. (…) Dans une République digne de ce nom, rien ne justifie qu’un citoyen soit convoqué pour avoir exprimé des opinions, même dures, dès lors qu’elles n’incitent ni à la haine ni à la violence. »
Malaise démocratique ?Alioune Tine, fondateur de l’ONG Afrikajom Center, réclame aussi la libération immédiate de Moustapha Diakhaté. Ses propos sont rapportés notamment par le site d’information Seneweb : « À force de convoquer des opposants politiques, des activistes ou des journalistes à la division des investigations criminelles ou à la Cybercriminalité pour poser ce genre de question, on finira par créer un vrai malaise démocratique. (…) Ça ne nous change guère du passé. (…) La prison finira par fabriquer des héros politiques, poursuit Alioune Tine. Le passage obligé pour gagner plus de valeur, de considération et de reconnaissance sociale. La fonction d’un opposant est précisément de critiquer, de déprécier ceux qui gouvernent avec le lexique qui lui convient. »
Jusqu’où peut aller la critique politique dans un État de droit ?Enfin, La Nouvelle Tribune à Cotonou élargit le problème : « L'affaire relance un débat ancien, mais toujours sensible : jusqu’où peut aller la critique politique dans un État de droit ? À l’heure où les réseaux sociaux amplifient les voix discordantes et où les figures publiques expriment leurs opinions en dehors des canaux classiques, les institutions sont confrontées à un dilemme. Faut-il laisser libre cours à toutes les opinions, au risque de fragiliser la stabilité ? Ou faut-il poser des balises, au risque de restreindre la liberté d’expression ?
La convocation de Diakhaté intervient dans un moment où plusieurs voix critiques, issues du monde politique ou de la société civile, dénoncent un climat d’intimidation croissante. (…) Cette situation illustre un paysage démocratique où la parole publique devient un champ de bataille, et où les institutions judiciaires sont perçues, à tort ou à raison, comme des instruments politiques. »
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Attention aux termes que l’on peut employer lorsqu’on parle d’un chef de l’État. Il faut éviter l’injure qui tombe souvent sous le coup de la loi. C’est le cas au Sénégal. Et ce matin, le vocable qui est à la Une de la presse dakaroise, c’est « gougnafier »…
« Gougnafier, le mot de trop », s’exclame Walf Quotidien en première page. L’ex-chef de cabinet du président Macky Sall, Moustapha Diakhaté, a été placé en garde à vue hier après-midi et poursuivi pour offense au chef de l’État.
Tout est parti d’une photo, où l’on voit les trois plus hauts personnages de l’État, à savoir le président Bassirou Diomaye Faye, le Premier ministre Ousmane Sonko et le président de l’Assemblée nationale Malik N’Diaye, marchant côte à côte, au Centre international de conférences Abdou Diouf à Dakar.
Moustapha Diakhaté a critiqué publiquement cette photo, en affirmant que le président de la République ne devait pas marcher au même niveau que le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale. D’après son avocat, cité par Walf Quotidien, « c’est une violation du protocole de la République. Car ce protocole voudrait que le président soit devant, suivi du président de l’Assemblée nationale, lui-même suivi du Premier ministre. » Ce qui explique pourquoi l’opposant a qualifié les trois hommes de « gougnafiers », dans le sens d'« ignorants » du protocole. Et « d’après lui, pointe le journal, le mot gougnafier n’est pas offensant. »
Glissement de sens…Seulement voilà, si l’on consulte un dictionnaire, gougnafier veut dire rustre, goujat, ou encore bon à rien…
Résultat, pointe Walf : « À moins que l’Autorité judiciaire ne mette de l’eau dans son vin, l’ancien président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar fonce droit vers la prison. Auditionné hier par les enquêteurs de la Division des investigations criminelles, Moustapha Diakhaté a été placé en garde à vue en attente de son face-à-face avec le maître des poursuites. Il est poursuivi pour offense au chef de l’État et à des personnes ayant les prérogatives du chef de l’État. » Il encourt, précise encore le journal, « une peine de 3 mois à 1 an et de 20 000 à 100 000 francs d’amende. »
Prisonnier politique ?Alors l’opposition a aussitôt réagi… Dans les colonnes du quotidien 24 Heures, Thierno Alassane Sall du parti La République des valeurs, s’insurge : « L'insécurité est la hantise des populations, les braquages se multiplient, mais le pouvoir s’illustre dans la traque de celles et ceux qui ne pensent pas comme lui. (…) Avec le Pastef (le parti présidentiel), qui avait promis de supprimer le délit d’offense au chef de l’État, on n’en est pas à un reniement près. (…) Moustapha Diakhaté rejoint le lot des prisonniers politiques. »
« Libérez Moustapha Diakhaté, lance pour sa partThierno Bocoum, président de Agir-Les leaders, et cessez de vous ridiculiser. Vous êtes censés diriger un pays, pas fuir la critique. (…) Dans une République digne de ce nom, rien ne justifie qu’un citoyen soit convoqué pour avoir exprimé des opinions, même dures, dès lors qu’elles n’incitent ni à la haine ni à la violence. »
Malaise démocratique ?Alioune Tine, fondateur de l’ONG Afrikajom Center, réclame aussi la libération immédiate de Moustapha Diakhaté. Ses propos sont rapportés notamment par le site d’information Seneweb : « À force de convoquer des opposants politiques, des activistes ou des journalistes à la division des investigations criminelles ou à la Cybercriminalité pour poser ce genre de question, on finira par créer un vrai malaise démocratique. (…) Ça ne nous change guère du passé. (…) La prison finira par fabriquer des héros politiques, poursuit Alioune Tine. Le passage obligé pour gagner plus de valeur, de considération et de reconnaissance sociale. La fonction d’un opposant est précisément de critiquer, de déprécier ceux qui gouvernent avec le lexique qui lui convient. »
Jusqu’où peut aller la critique politique dans un État de droit ?Enfin, La Nouvelle Tribune à Cotonou élargit le problème : « L'affaire relance un débat ancien, mais toujours sensible : jusqu’où peut aller la critique politique dans un État de droit ? À l’heure où les réseaux sociaux amplifient les voix discordantes et où les figures publiques expriment leurs opinions en dehors des canaux classiques, les institutions sont confrontées à un dilemme. Faut-il laisser libre cours à toutes les opinions, au risque de fragiliser la stabilité ? Ou faut-il poser des balises, au risque de restreindre la liberté d’expression ?
La convocation de Diakhaté intervient dans un moment où plusieurs voix critiques, issues du monde politique ou de la société civile, dénoncent un climat d’intimidation croissante. (…) Cette situation illustre un paysage démocratique où la parole publique devient un champ de bataille, et où les institutions judiciaires sont perçues, à tort ou à raison, comme des instruments politiques. »
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