« Les impossibles élections au suffrage universel », titre Le Monde Afrique. Dans une crise politique et sécuritaire, le pays essaye de renouer avec ce mode de scrutin abandonné il y a plus de cinquante ans, à l’occasion de ces élections locales organisées jeudi. Près de 400 000 électeurs inscrits étaient attendus aux urnes, selon la commission électorale. Ils devaient départager 1 600 candidats pour 390 sièges locaux. Ce suffrage universel est « une réforme ambitieuse mais semée d’embûches », commente Le Monde Afrique. Et, pour comprendre pourquoi, il convient de faire un point sur l’histoire de la Somalie.
En 1969, le coup d'État de Siad Barré a aboli le vote direct et mis en place un système électoral indirect pour les élections législatives et présidentielles qui est fondé sur la représentation des chefs de clan. En 2024, le président Hassan Cheikh Mohamoud a promis d’abandonner ce système d’ici mai 2026, date de la prochaine élection présidentielle à laquelle il est candidat, « mais la transition s’annonce périlleuse », analyse Le Monde Afrique. Le retour au suffrage direct est qualifié par certains de stratégie du président pour prolonger son règne.
Les principaux partis d’opposition ont boycotté le scrutin, accusant le gouvernement fédéral de « processus électoraux unilatéraux ». « Sous couvert de démocratisation, la réforme institutionnalise un régime présidentiel », analyse pour sa part le chercheur Mohamed Daud Ismail dans le journal. « Le président pourra notamment évincer son vice-président, une disposition susceptible de rompre l’équilibre clanique actuel – [parce que] traditionnellement, le chef de l'État et le Premier ministre doivent appartenir à des clans différents. » Mustafa Osman Farah, chercheur à l’institut somalien Balqiis souligne : « Le processus n’est pas inclusif ; tout se décide à Mogadiscio, sans en aviser les autres régions. » En raison de ce scrutin contesté, le risque de partition du pays augmente.
Le suffrage universel est par ailleurs déjà en place dans la région séparatiste du Somaliland, qui a déclaré son indépendance en 1991 mais n'a jamais été reconnue au niveau international, rappelle Courrier International, qui mentionne au passage l’AFP.
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En Guinée-Bissau, des libérations « sélectives » ?
La Guinée-Bissau fait aussi parler ce matin. Dans le pays, six opposants ont été remis en liberté mardi, après le coup d’État qui a eu lieu le 26 novembre, veille de la proclamation attendue des résultats provisoires des élections présidentielle et législatives. Des militaires ont renversé le mois dernier le président Umaro Sissoco Embalo, au pouvoir depuis 2020. Le processus électoral a été interrompu. « Depuis lors, la situation politique demeure tendue dans ce pays lusophone d’Afrique de l’Ouest », explique Sahel Intelligence.
« La junte libère six détenus mais maintient en prison les leaders de l’opposition », commente Afrik.com. « Une stratégie qui conforte la thèse d’une manœuvre orchestrée pour confisquer la victoire électorale au profit du clan Embalo. »
Juste avant ces libérations, une délégation sénégalaise conduite par le ministre des Affaires étrangères était venue plaider pour la libération des prisonniers. Les libérations ont par la suite fait l’objet d’« une annonce » présentée comme « un signe de bonne foi » mais qui sent « la combine diplomatique », explique Afrik.com. Les principales figures de l’opposition demeurent sous les verrous. Domingos Simões Pereira, leader historique du PAIGC, reste incarcéré. Fernando Dias, candidat indépendant qui revendique la victoire à la présidentielle du 23 novembre, est toujours retranché à l’ambassade du Nigeria où il a obtenu l’asile.
Des libérations sélectives qui renforcent les soupçons de connivence entre les putschistes et l’ancien pouvoir. « Les éléments troublants s’accumulent depuis le 26 novembre. Le général Horta N’Tam, investi président de transition, était le directeur de cabinet et chef d’état-major promu par Embalo lui-même. Le nouveau chef des armées, le général Tomas Djassi, occupait également un poste clé auprès du président déchu. » Par ailleurs, le timing du putsch interrogeait aussi dès le départ car il est survenu la veille de l’annonce des résultats provisoires, alors que les estimations donnaient Fernando Dias vainqueur.
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En Centrafrique, les élections de dimanche «
sous haute influence des paramilitaires russes »
Alors qu’en Centrafrique des élections sont prévues ce dimanche, « les paramilitaires russes, héritiers du groupe Wagner, s’affichent comme garants de la sécurité du scrutin et pilier du régime Touadéra, entre stabilisation et dépendance accrue à Moscou », souligne Afrik.com. Moscou revendique le désarmement de quelque 2 000 rebelles depuis le début de l’année « et reçoit des marques publiques de gratitude de la part de certaines populations ».
Un constat à bien nuancer, appuie Afrik.com : « Malgré une stabilisation relative depuis les accords de paix de Khartoum en 2019, des poches de violence persistent notamment dans l’Est et le Nord-Ouest du territoire ». À l’approche des élections présidentielles, législatives, municipales et régionales, « cette présence massive, loin de dissiper toutes les inquiétudes, interroge sur la dépendance croissante de Bangui vis-à-vis de Moscou, et sur les conditions dans lesquelles se déroule ce scrutin crucial pour l’avenir politique du pays ».