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Une nouvelle vague du cinéma soudanais a émergé depuis 2019, portant les fruits de ce qui a été amorcé en 2010 comme un renouveau du mouvement cinématographique au Soudan. Quelques films remarquables ont précédé et accompagné la chute du régime d’Omar el-Béchir. La révolution artistique était déjà en marche. Parler des arbres, le documentaire de Suhaib Gasmelbari a été tourné d'une manière indépendante et sans autorisation préalable du pouvoir en place. Ce pouvoir avait fermé les salles de cinéma pour plaire aux islamistes. Il a exclu toute aide à la production. Pourtant, le jeune cinéma a pointé son nez et a fait sa sortie au grand jour, en même temps que le Hirak, le mouvement de la population dans les rues de Khartoum.
En février 2019, le premier film de Suhaib Gasmelbari, Parler des arbres, est récompensé du prix du meilleur documentaire à la Berlinale. Son réalisateur accompagne avec tact quatre cinéastes soudanais de l’ancienne génération, qui essaient de projeter des films à travers le pays malgré l'interdiction imposée par le pouvoir. Et cette génération ne cesse de récolter des prix et annonce ainsi la naissance d’une nouvelle ère du cinéma soudanais.
La même année, Tu mourras à 20 ans, d’Amjad Abou Alla, un premier film également, poétique et puissant, est projeté à la Mostra de Venise. Il sera très bien accueilli par les critiques. Depuis, une série de films marquants se fraient une place sur la scène internationale.
Goodbye Julia de Mohamed Kordofani est l’exemple le plus parlant. Il a été projeté au Festival de Cannes en 2023 dans la compétition « Un certain regard ». Il a eu le prix de la mise en scène, ainsi que le prix parallèle de la liberté, avant de récolter au total 62 prix. Il raconte la déchirure du Soudan, à travers l'histoire de deux femmes au moment de la séparation du Soudan du Sud : « Le Soudan est un pays qui a toujours été intellectuellement fermé. Il a été toujours présent dans les bulletins d'informations avec des images d'atrocités et de destruction. Depuis notre indépendance, on passe d’une guerre à l’autre… Je pense que l'une des raisons du succès de mon film, est le fait qu'il soit mondialement apprécié, c'est parce que je montre le quotidien et la vie du citoyen. Cela donne au spectateur un accès au côté humain d'un Soudanais et permet de comprendre les dynamiques qui conditionnent ses relations avec les autres ».
Les femmes ont fait leur entrée massivement dans le domaine. Elles expérimentent à leur tour cette liberté acquise. Sara Suliman, explore dans son documentaire Corps héroïques (2022), un thème jadis tabou :
« Dans Corps héroïques, nous évoquons les corps et les mouvements du corps dans le mouvement féministe soudanais. Il était très important pour moi d'utiliser le mot corps dans le titre. C'est un mot sur lequel il y a beaucoup d'objection. Lors des entretiens pour le film, j'ai senti que les invitées de l'ancienne génération ont été un peu gênées de l'employer. Elles avaient des réserves, avec toujours ce sentiment que le corps implique un seul sens, celui de la sexualité. Il était donc très important de mettre fin à ses réserves et de changer toutes les choses négatives liées à ce mot. Il est très important de libérer les mots avant de libérer le corps ».
Le conflit soudanais de 2023, a contraint cependant de nombreux cinéastes à s'exiler. Sara Suleiman vit actuellement à Londres. Mohamed Kordofani est à Bahrein, où il finalise l'écriture de son second film. Quant à Amjad Abou Alla, qui l'a produit, il est au Caire et travaille également sur deux nouveaux films. L'un d'eux se passe à Khartoum et se déroule sur une seule journée.
Le nouveau cinéma soudanais est un cinéma d’espoir. L'espoir est son dénominateur commun. Au-delà des films, l’espoir est la devise la plus chère au peuple soudanais.
À lire aussiL’émergence d’un cinéma soudanais depuis la Révolution [1/2]
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Une nouvelle vague du cinéma soudanais a émergé depuis 2019, portant les fruits de ce qui a été amorcé en 2010 comme un renouveau du mouvement cinématographique au Soudan. Quelques films remarquables ont précédé et accompagné la chute du régime d’Omar el-Béchir. La révolution artistique était déjà en marche. Parler des arbres, le documentaire de Suhaib Gasmelbari a été tourné d'une manière indépendante et sans autorisation préalable du pouvoir en place. Ce pouvoir avait fermé les salles de cinéma pour plaire aux islamistes. Il a exclu toute aide à la production. Pourtant, le jeune cinéma a pointé son nez et a fait sa sortie au grand jour, en même temps que le Hirak, le mouvement de la population dans les rues de Khartoum.
En février 2019, le premier film de Suhaib Gasmelbari, Parler des arbres, est récompensé du prix du meilleur documentaire à la Berlinale. Son réalisateur accompagne avec tact quatre cinéastes soudanais de l’ancienne génération, qui essaient de projeter des films à travers le pays malgré l'interdiction imposée par le pouvoir. Et cette génération ne cesse de récolter des prix et annonce ainsi la naissance d’une nouvelle ère du cinéma soudanais.
La même année, Tu mourras à 20 ans, d’Amjad Abou Alla, un premier film également, poétique et puissant, est projeté à la Mostra de Venise. Il sera très bien accueilli par les critiques. Depuis, une série de films marquants se fraient une place sur la scène internationale.
Goodbye Julia de Mohamed Kordofani est l’exemple le plus parlant. Il a été projeté au Festival de Cannes en 2023 dans la compétition « Un certain regard ». Il a eu le prix de la mise en scène, ainsi que le prix parallèle de la liberté, avant de récolter au total 62 prix. Il raconte la déchirure du Soudan, à travers l'histoire de deux femmes au moment de la séparation du Soudan du Sud : « Le Soudan est un pays qui a toujours été intellectuellement fermé. Il a été toujours présent dans les bulletins d'informations avec des images d'atrocités et de destruction. Depuis notre indépendance, on passe d’une guerre à l’autre… Je pense que l'une des raisons du succès de mon film, est le fait qu'il soit mondialement apprécié, c'est parce que je montre le quotidien et la vie du citoyen. Cela donne au spectateur un accès au côté humain d'un Soudanais et permet de comprendre les dynamiques qui conditionnent ses relations avec les autres ».
Les femmes ont fait leur entrée massivement dans le domaine. Elles expérimentent à leur tour cette liberté acquise. Sara Suliman, explore dans son documentaire Corps héroïques (2022), un thème jadis tabou :
« Dans Corps héroïques, nous évoquons les corps et les mouvements du corps dans le mouvement féministe soudanais. Il était très important pour moi d'utiliser le mot corps dans le titre. C'est un mot sur lequel il y a beaucoup d'objection. Lors des entretiens pour le film, j'ai senti que les invitées de l'ancienne génération ont été un peu gênées de l'employer. Elles avaient des réserves, avec toujours ce sentiment que le corps implique un seul sens, celui de la sexualité. Il était donc très important de mettre fin à ses réserves et de changer toutes les choses négatives liées à ce mot. Il est très important de libérer les mots avant de libérer le corps ».
Le conflit soudanais de 2023, a contraint cependant de nombreux cinéastes à s'exiler. Sara Suleiman vit actuellement à Londres. Mohamed Kordofani est à Bahrein, où il finalise l'écriture de son second film. Quant à Amjad Abou Alla, qui l'a produit, il est au Caire et travaille également sur deux nouveaux films. L'un d'eux se passe à Khartoum et se déroule sur une seule journée.
Le nouveau cinéma soudanais est un cinéma d’espoir. L'espoir est son dénominateur commun. Au-delà des films, l’espoir est la devise la plus chère au peuple soudanais.
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