La firme américaine Microsoft annonce avoir mis au point un nouveau type de processeur basé sur d'étranges comportements contre-intuitifs de la matière au niveau subatomique. Cette innovation majeure va accélérer considérablement le développement des ordinateurs quantiques. L’entreprise prévoit de commercialiser ces puces d’ici à 2029.
Dans l’univers de l’infiniment petit, les constituants ultimes de la matière se comportent bien différemment des objets macroscopiques du monde qui nous entoure. Par exemple, une particule, comme un électron, se déplace à deux vitesses à la fois, se trouve à deux endroits en même temps, idem pour sa rotation en tourniquant d’un côté et de l’autre simultanément. Les atomes sont soumis aux mêmes lois de la quantique. Et notamment l’une d’entre elles, que les physiciens nomment la superposition d’état.
Une brève histoire de la pizza quantique
Et pour bien comprendre ce qui peut paraître étrange avec cette physique des particules dans l’infiniment petit, transposons fictivement les phénomènes quantiques dans notre monde macroscopique. Imaginons qu’un livreur de pizza vous envoie le message suivant sur votre mobile : « Je suis arrivé ». Tant que vous n’avez pas ouvert la porte de votre domicile. Le livreur quantique est à la fois en bas des escaliers et devant votre porte. C’est une personne qui est en même temps de petite et de grande taille. Pire, la pizza est à la fois une quatre fromages et une margherita.
Vous ouvrez la porte et là patatras, le phénomène quantique de la superposition s’effondre. Le livreur est contraint par votre observation directe de montrer qu’il est de grande taille, en bas des escaliers. Et que la pizza est en fait une calzone parce qu’il n’y avait plus rien d’autre au restaurant. Mais le résultat de l'examen de la situation aurait pu être complètement différent puisque toutes les possibilités des caractéristiques du livreur quantique existaient avant d’ouvrir la porte. Le coursier aurait bien pu, au hasard, être petit, que la pizza soit une quatre fromages et qu’il campait depuis la veille devant votre porte. Et même, avec toutefois une probabilité proche de zéro, mais non nulle, que c’est un extraterrestre déguisé en pizzaiolo qui a décidé de bouloter le repas que vous aviez commandé. Pas de bol !
Voilà pourquoi les sciences de la mécanique quantique paraissent si déroutantes et heurtent notre sens commun. Elles décrivent un univers subatomique probabiliste dans lequel les caractéristiques des objets peuplant cet univers cohabitent simultanément. En revanche, rien de magique dans les principes de la physique quantique, qui a été mainte fois vérifiés. Cependant, cette science a remis en cause nos certitudes sur une réalité qui serait indépendante de l’observation dans l’univers des particules élémentaires.
La superposition d’état, le Graal de l’informatique quantique
Les scientifiques envisageaient depuis longtemps de mettre à profit le phénomène de la superposition d’état pour réaliser les calculs des problèmes de math particulièrement complexes. Les équations qui intègrent une infinité de variables issues du monde physique pour modéliser, par exemple, l’évolution dans le temps et la dynamique d’un mégaincendie. Ces calculs sont impossibles pour le plus puissant des supercalculateurs au monde qui moulinerait pendant des années avant de donner des solutions viables au problème.
C’est la raison pour laquelle, les grandes firmes de la tech cherchent maitriser cette puissance de calcul quantique et l’intégrer dans les processeurs de leurs futurs ordinateurs. Mais le principal problème pour les fabriquer est de garder le plus longtemps possible l’état de superposition en refroidissant leurs composants à l’extrême. D’autre part, les erreurs de calculs des processeurs quantiques existants sont considérables et les chercheurs n’ont pas trouvé une méthode fiable pour les corriger.
« Majorana 1 », le processeur quantique de Microsoft
Mais voilà ! Cette informatique du futur vient de connaître une avancée spectaculaire qui va tout changer. Microsoft a dévoilé ce mercredi « Majorana 1 », un processeur quantique basé sur une nouvelle catégorie de matériaux, qui, une fois refroidis près du zéro absolu, atteignent un nouvel état de la matière, qui n’est ni solide, ni liquide ou gazeux. La firme américaine a utilisé les phénomènes quantiques de ce nouvel état de la matière pour créer son processeur. Il bénéficie par sa conception même d’une résistance aux erreurs de calculs d’environ 1%. Un taux qui bat à plate couture les puces quantiques concurrentes.
Microsoft précise aussi que son microprocesseur est capable d'accueillir jusqu'à un million de bits quantiques sur une seule puce. Indiquons que le Qbit est une unité d’information informatique fondamentale dans un processeur quantique. Sa particularité par rapport au bit classique qui soit 0 ou 1 est que le Qbit existe dans plusieurs états simultanément, intégrant toutes les valeurs comprises entre 0 et 1, toujours selon le principe de la superposition.
Une innovation de rupture phénoménale
Les implications des avancées dans le domaine quantique dépassent largement le cadre de l’exploit technologique. Tous les secteurs des activités humaines en seront bouleversés : la recherche scientifique, l’économie, l’industrie, l'agriculture, la santé, l’environnement, le traitement des données, y compris par IA, dans les fermes de serveurs. Et la première application concrète de l’informatique quantique, sera de développer un système de cryptage des données internet absolument inviolable.
A contrario, les puissances militaires qui maitriseront cette technologie pourront casser n’importe quel code des systèmes de chiffrement précédents. Les industriels emploieront ces ordinateurs pour optimiser la logistique, la performance de leurs usines, les réseaux de distribution d’eau et d’énergie. Les chercheurs les utiliseront pour mettre au point de nouveaux médicaments, une chimie respectueuse de l’environnement ou de nouveaux matériaux capables de s’autoréparer. Et petit détail qui a son importance, en substituant les milliards de puces binaires au silicium par quelques milliers de processeurs quantiques, la consommation électrique du numérique dans le monde se réduira considérablement.