100 % création

Sorobis, un styliste africain entre tradition et modernité


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Rencontre avec un styliste dont le parcours mêle tradition et modernité : Issa Sorogo, alias Sorobis. Créateur emblématique de mode, il se consacre à la valorisation du textile africain en mettant en lumière les artisans locaux et son héritage culturel. Ses collections sont à la fois élégantes et témoins d'histoire.

Avec une forte présence à New York, Sorobis s'efforce de porter au plus haut l'authenticité africaine sur la scène internationale, tout en soutenant des projets sociaux et économiques en Afrique de l'Ouest. Sorobis se voit comme un ambassadeur du savoir-faire africain, capable de transformer un simple morceau de tissu en œuvre d’art.  

La création, c'est ma source de vie. Partir de rien et transformer ce rien en quelque chose qui plaît, je ne dirais pas à tout le monde, mais à beaucoup de gens, c'est formidable. C'est un don que Dieu ne donne pas à tout le monde, ce n'est pas palpable. C'est un bonheur abstrait, certes, mais cela m'accomplit.  

Issa Sorogo alias Sorobis, styliste designer de la marque Sorobis.  

« Quand j'ai lancé le nom, tout de suite, je voulais dire Sorogo Bis. Je voulais utiliser un autre mot que Junior. Il y avait Sorogo et Bis. Mais dès que je suis arrivé aux États-Unis, les Américains ont commencé à dire : "C’est trop long, il faut que tu le raccourcisses." Sorogo représente mon nom, et "bis", c'est pour dire junior, parce que je prends la relève du père, et ils ont dit non, Sorobis ! »

Né en Côte d'Ivoire d'un père ivoirien et burkinabè et d'une mère nigériane, Issa Sorogo alias Sorobis a grandi dans un environnement où la couture était plus qu’un métier, c’était un art de vivre. Son père tailleur habillait déjà des personnalités. Avec ce riche héritage, il s’est naturellement orienté vers le monde de la mode, mais avec une approche bien à lui. Plutôt que de se cantonner à la coupe et à la couture, Sorobis préfère la création et la valorisation du tissu et des motifs qui racontent une histoire, comme son étoffe préférée, le Faso Dan Fani, un tissu emblématique du Burkina Faso. 

« C'est d'ailleurs par le Faso Dan Fani que j'ai commencé dans la mode en tant que mannequin, quand j'ai été pris à Bobo-Dioulasso, quand j'étais au lycée, pour participer à cet événement promotionnel du textile burkinabè. C'est le capitaine Thomas Sankara qui avait organisé le premier grand défilé de mode du Faso Dan Fani à New York. Je pense que c'était en 1986 ou en 1987. Quand il remettait les prix, il a dit : "Je compte sur vous pour cet héritage. Propagez-le à travers le monde entier." Même des créateurs, de grands créateurs, ici en Occident, utilisent, en ce moment, le Faso Dan Fani dans leurs créations. C'est formidable. Un peu comme le Kente. Et ce tissu, il fait des merveilles. » 

Les créations de Sorobis sont souvent en lien avec ses racines culturelles. Pour lui, la création ne se limite pas à un processus de design. Elle se nourrit de rencontres, d'échanges, et d'un profond respect pour son héritage culturel. Chaque collection fait écho à des thèmes de vie, des lieux de son enfance ou au souvenir de sa mère. Lors d’un défilé à Cannes, cette année, il a ainsi dévoilé une collection inspirée par la vie rurale au Burkina Faso. 

« La collection que nous avons présentée à Cannes cette année, je l'ai nommée Saponé. C'est un petit village qui n'est pas loin de Ouagadougou, au Burkina Faso, où la population est à 99 % rurale. Et la particularité de cette population rurale, c'est qu'ils fabriquent des chapeaux. Des chapeaux qui sont vraiment représentatifs du Burkina Faso et ces chapeaux, je crois, ont été déposés à l'Organisation internationale du commerce. Il y a un trademark pour ces chapeaux-là. Comme je sais que nous sommes assez suivis à l'international, j'essaie de mettre une lueur sur tout ce qui se passe au Burkina Faso ou en Côte d'Ivoire, ou même au Nigeria. Ma carrière a commencé à Bobo-Dioulasso en tant que mannequin. Donc, à un moment, il y a une collection que j'ai nommée Diarradougou, qui est l'un des quartiers les plus culturels de Bobo-Dioulasso. Et cette collection, c'était en mémoire de tout ce que Bobo-Dioulasso m'a apporté. J'ai nommé une collection Madeleine pour rendre hommage à ma mère que je venais de perdre. Il y a toujours quelque chose derrière », précise Sorobis.  

Sorobis croit à la nécessité de protéger les textiles africains contre les imitations venues d'Asie. Aujourd'hui basé à New York, il réalise que sa voix résonne encore plus fort sur la scène internationale« Les Américains noirs, ils adorent, et même les Américains caucasiens adorent. Donc, l'impact est plus fort. Ils adorent, au point où, si nous, originaires d'Afrique, nous ne nous mettons pas plus au travail, ce qui se passe avec la Chine ou l'Inde, où des copies à l'africaine sont reproduites, cela va prendre le dessus sur le textile africain. C'est pour cela qu'il faut des gens comme nous sur place et qui voyons le besoin et qui mettions à la disponibilité de ces gens ce tissu qui est authentique. Il y a une différence entre l'original et la copie, parce que pour ceux qui ne connaissent pas, dès lors où les couleurs sont là, que cela vienne d'Asie ou d'Inde ou d’ailleurs, ils se disent qu'il y a un peu de motifs africains, que c'est bon, alors que non, ce n’est pas la même chose. Et c'est pour cela que tout est protégé par l'Organisation internationale du commerce. Si nous ne le faisons pas, c'est des emplois qui sont perdus ! Être dans une ville comme New York, qui est le carrefour du monde, cela nous permet d'avoir un œil pour savoir ce qui se passe et où mettre l'accent pour bien faire la promotion de ce textile et le mettre à la disposition des gens qui sont vraiment intéressés. Cela crée une certaine limite par rapport aux copies qui viennent de Chine ou d'Inde.  »

Sorobis est aussi engagé socialement à travers la mode. Il travaille avec des artisans locaux, des coopératives de femmes. Il tient à faire appel à ceux qui, comme lui, sont ancrés dans cette tradition textile. « Nous avons la chance en Afrique, il y a beaucoup d'artisans. Moi, quand j'arrive surtout au Burkina ou en Côte d'Ivoire, je fais travailler beaucoup d'artisans. C'est eux que je veux mettre en valeur au-delà de mon travail de créateur. Et il y en a tellement qu’il suffit de regarder juste à côté pour trouver quelqu'un qui puisse faire ressortir vos idées et eux cela leur fait plaisir. Très souvent, ce sont des femmes qui sont veuves, qui n'ont pas d'époux et qui n'ont pas de soutien dans leur famille, c'est tout ce qu'elles font pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Nous sommes motivés déjà par cet esprit de vouloir aider, donc nous ne perdons pas de temps à chercher. C'est des gens qui travaillent avec beaucoup de qualités et nous nous faisons la promotion de ce travail à travers le monde entier. La motivation première, c'est que nous leur donnons une force économique quand nous arrivons. La plupart, ce sont des veuves, des enfants abandonnés. Nous les motivons en travaillant avec eux, en disant : "Voilà la photo de ce que tu as fait. Le monde entier l’a vu". C'est comme cela que cela marche. »       

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