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La transition énergétique est l'un des piliers du Pacte vert pour atteindre la neutralité climatique de l'UE d'ici 2050. La Bulgarie a un grand potentiel en énergies renouvelables. L'an dernier, les fermes solaires ont d'ailleurs augmenté leur production de plus de 140% par rapport à l'année précédente. Mais un secteur traditionnel de la production énergétique bulgare freine des quatre fers : celui du charbon. Quinze mille emplois directs et 48 000 emplois indirects dépendent de lui. Reportage.
Le Musée de la mine souterraine de Pernik est une fierté nationale en Bulgarie. C'est dans cette ville au sud-ouest de Sofia, la capitale, que l'exploitation du charbon bulgare a pris son envol, il y a 140 ans. Valentin Mirtchev, guide du musée, a été lui-même mineur pendant plus de 20 ans. Et il comprend ses collègues qui, à l'automne dernier, ont bloqué les principaux axes routiers pour protester contre la fin du charbon en Bulgarie.
« Les manifestations des mineurs, c'est pour qu'ils puissent conserver leurs emplois. L'Union européenne a adopté des directives selon lesquelles le charbon contribue à la pollution de l'environnement. Et nous, nous sommes les victimes de ces directives. Sans elles, nous aurions pu travailler sous terre pendant de nombreuses années, parce que du charbon, il y en a encore », croit savoir cet ancien mineur.« Ce qui est le plus douloureux, selon lui, c'est que dans les pays de l'Ouest de l'Europe, la plupart des mines fonctionnent, alors que les nôtres ferment. »
Charbon : 50 % des émissions des gaz à effet de serre en BulgarieL’an dernier, les centrales à charbon ont encore fourni un tiers des besoins énergétiques de la Bulgarie. Un chiffre en baisse, mais toujours trop haut. Le pays s'est engagé à baisser de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2026. Et de l’avis de Georgi Stefanov, qui a dirigé pendant 15 ans le programme climat et énergie au WWF, cet objectif passe obligatoirement par une sortie du charbon. Car « selon les chiffres officiels, 73 % des émissions de CO2 proviennent de la production d'électricité à partir de la combustion de charbon. Même en prenant en compte les émissions de l'ensemble des gaz à effet de serre, le charbon représente toujours 50 % des émissions en Bulgarie ».
La puissance des syndicats du charbonMais le charbon bulgare est également sous pression économique : en vertu du principe « pollueur-payeur », le prix de la tonne de CO2 émise ne cesse de grimper. La production d'électricité par les centrales à charbon devient alors moins rentable. Ce n'est qu'en raison du pouvoir des syndicats de mineurs que le secteur n'a pas encore fait faillite, affirme l’expert en transition énergétique. « En Bulgarie, les syndicats sont un État dans l'État », constate Georgi Stefanov. « Le dernier gouvernement bulgare qui est parti il y a un mois, a décidé lors de son dernier jour au pouvoir une subvention de 500 millions d'Euros afin de maintenir en vie la mine de charbon et la centrale thermique de l'État à Stara Zagora. Il l'a fait pour que les mineurs et leurs syndicats se tiennent tranquilles avant les élections européennes et législatives bulgares ».
Les plans pour la transition des régions charbonnièresLa Bulgarie organise ce 9 juin 2024 non seulement les élections européennes, mais aussi ses sixièmes scrutins parlementaires en trois ans. Cette instabilité politique et la guerre en Ukraine expliquent le retard du pays pour soumettre ses plans territoriaux pour une transition juste à la Commission européenne. Ces plans doivent définir les territoires pour lesquels la Commission Européenne débloquent l’argent du Fond pour une transition juste, afin d’accompagner les bouleversements socio-économiques pour atteindre la neutralité climatique.
Le retard de la Bulgarie dans la présentation de ses plans territoriaux pour les trois grandes régions de charbon du pays (Stara Zagora, Kioustendil et Pernik) et par conséquence l’absence de stratégie d’avenir a causé le malaise dans les rangs des mineurs « qui s’inquiètent à juste titre de leur avenir. Il y avait ce fier passé, mais un futur complètement flou », estime Angelina Boneva. En automne dernier, en pleine mobilisation des mineurs, elle était vice-ministre du Développement régional et y est pourtant parvenue. En décembre 2023, la Commission européenne a donné son feu vert aux plans territoriaux pour une transition juste : la Bulgarie obtient 1,2 milliard d'euros pour financer la transformation des trois régions charbonnières bulgares. Cent millions ont déjà été décaissés en ce début de 2024.
Les premiers fonds de l’UE utilisés dans la reconversion professionnelle des mineurs« Les premiers investissements ont été effectués dans l'efficacité énergétique et, surtout, dans des formations pour des reconversions professionnelles qui ont lieu au sein de leurs entreprises actuelles », rapporte Angelina Boneva. « Pour que ces travailleurs restent sur le marché de l'emploi, idéalement dans le secteur de l'énergie, mais sur des postes plus verts qu'auparavant ».
Pernik, cité historique du charbon, pionnière de la transitionDans l'ancienne cité industrielle de Pernik aussi, on attend beaucoup des fonds européens. Même si la dernière mine ici a fermé il y a quelques années déjà. « Les investissements européens à Pernik sont de grande envergure », souligne Stefan Krastev maire-adjoint de la ville. « Par exemple dans les véhicules électriques dans nos transports publics. Ou encore dans les rénovations énergétiques : près de 20 mille foyers et la plupart de nos bâtiments publics dépendent du chauffage de ville qui fonctionne encore au charbon. C’est un vrai défi. Sans les fonds européens, la transition à Pernik ne serait pas possible. Mais nous pensons qu'elle est possible ! Parce que nous sommes ouverts au changement ! Et parce que nous voulons faire de Pernik un modèle de transition pour la Bulgarie ».
Les mineurs « ont peur de faire confiance »Dans les deux autres régions charbonnières bulgares, à Stara Zagora et Kioustendil, mineurs et autorités ont encore plus de mal à se projeter vers l’avenir. « Il faut pouvoir imaginer la transition, être ouvert. Et ce n’est pas facile », constate Desislava Stoyanova, fille et sœur de mineurs de Stara Zagora. « Les travailleurs du charbon ont peur de faire confiance, aux décideurs politiques, à la Commission européenne, aux associations. Ils se méfient de ce terme « transition écologique » et ne savent pas ce que cela implique ». Desislava Stoyanova organise pour l’ONG Za Zemiata (Les Amis de la Terre, Bulgarie) des réunions publiques pour expliquer aux mineurs les perspectives d’emploi qui s’offrent à eux dans un avenir sans charbon. « Le souci, c'est que les salaires dans le secteur du charbon sont bien plus importants de ce que proposent les nouveaux employeurs potentiels. Pour gagner leur adhésion et leur confiance, nous devons surtout leur demander ce qu’eux ont envie de faire, et de ne pas leur imposer des emplois qui ne correspondent pas à leurs intérêts ».
Entre temps, Georgi Stefanov n’est toujours pas rassuré. Celui qui a travaillé pendant de longues années au WWF, et désormais candidat sur la liste du parti Mouvement vert aux élections parlementaires bulgares, pour tenter de changer les choses de l’intérieur : « Il faut que le futur gouvernement bulgare annonce enfin une date claire pour la sortie du charbon en Bulgarie. Pour l’instant, une telle date n’est inscrite sur aucun document officiel ».
L’industrie charbonnière bulgare : bientôt un objet de musée ?Dans la gallérie souterraine du musée de la mine à Pernik, Valentin, l’ancien mineur reconverti en guide, attrape une pièce d'exposition : une vielle lampe de mineur. « Vous savez pourquoi j'allume régulièrement cette lampe ? Il y a cinq ans, quand j'ai intégré l'équipe du musée, je l'ai faite tomber. Je me penche pour la ramasser et qu'est-ce que je vois ? Cette gravure sur son dos : 243 WV. C'était la mienne ! Celle avec laquelle j'avais travaillé pendant 22 années passées sous terre. Et on se retrouve là, elle et moi, au musée ! », s’exclame-t-il en nous montrant le dos de la lampe. « J'ai pleuré en la retrouvant. Et c'est là que j'ai décidé que je l'allumerais à chaque visite. Pour nous, les mines, c'est du passé maintenant. Mais quiconque est resté autant d'années sous terre regarde ce passé avec nostalgie ».
La transition énergétique est l'un des piliers du Pacte vert pour atteindre la neutralité climatique de l'UE d'ici 2050. La Bulgarie a un grand potentiel en énergies renouvelables. L'an dernier, les fermes solaires ont d'ailleurs augmenté leur production de plus de 140% par rapport à l'année précédente. Mais un secteur traditionnel de la production énergétique bulgare freine des quatre fers : celui du charbon. Quinze mille emplois directs et 48 000 emplois indirects dépendent de lui. Reportage.
Le Musée de la mine souterraine de Pernik est une fierté nationale en Bulgarie. C'est dans cette ville au sud-ouest de Sofia, la capitale, que l'exploitation du charbon bulgare a pris son envol, il y a 140 ans. Valentin Mirtchev, guide du musée, a été lui-même mineur pendant plus de 20 ans. Et il comprend ses collègues qui, à l'automne dernier, ont bloqué les principaux axes routiers pour protester contre la fin du charbon en Bulgarie.
« Les manifestations des mineurs, c'est pour qu'ils puissent conserver leurs emplois. L'Union européenne a adopté des directives selon lesquelles le charbon contribue à la pollution de l'environnement. Et nous, nous sommes les victimes de ces directives. Sans elles, nous aurions pu travailler sous terre pendant de nombreuses années, parce que du charbon, il y en a encore », croit savoir cet ancien mineur.« Ce qui est le plus douloureux, selon lui, c'est que dans les pays de l'Ouest de l'Europe, la plupart des mines fonctionnent, alors que les nôtres ferment. »
Charbon : 50 % des émissions des gaz à effet de serre en BulgarieL’an dernier, les centrales à charbon ont encore fourni un tiers des besoins énergétiques de la Bulgarie. Un chiffre en baisse, mais toujours trop haut. Le pays s'est engagé à baisser de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2026. Et de l’avis de Georgi Stefanov, qui a dirigé pendant 15 ans le programme climat et énergie au WWF, cet objectif passe obligatoirement par une sortie du charbon. Car « selon les chiffres officiels, 73 % des émissions de CO2 proviennent de la production d'électricité à partir de la combustion de charbon. Même en prenant en compte les émissions de l'ensemble des gaz à effet de serre, le charbon représente toujours 50 % des émissions en Bulgarie ».
La puissance des syndicats du charbonMais le charbon bulgare est également sous pression économique : en vertu du principe « pollueur-payeur », le prix de la tonne de CO2 émise ne cesse de grimper. La production d'électricité par les centrales à charbon devient alors moins rentable. Ce n'est qu'en raison du pouvoir des syndicats de mineurs que le secteur n'a pas encore fait faillite, affirme l’expert en transition énergétique. « En Bulgarie, les syndicats sont un État dans l'État », constate Georgi Stefanov. « Le dernier gouvernement bulgare qui est parti il y a un mois, a décidé lors de son dernier jour au pouvoir une subvention de 500 millions d'Euros afin de maintenir en vie la mine de charbon et la centrale thermique de l'État à Stara Zagora. Il l'a fait pour que les mineurs et leurs syndicats se tiennent tranquilles avant les élections européennes et législatives bulgares ».
Les plans pour la transition des régions charbonnièresLa Bulgarie organise ce 9 juin 2024 non seulement les élections européennes, mais aussi ses sixièmes scrutins parlementaires en trois ans. Cette instabilité politique et la guerre en Ukraine expliquent le retard du pays pour soumettre ses plans territoriaux pour une transition juste à la Commission européenne. Ces plans doivent définir les territoires pour lesquels la Commission Européenne débloquent l’argent du Fond pour une transition juste, afin d’accompagner les bouleversements socio-économiques pour atteindre la neutralité climatique.
Le retard de la Bulgarie dans la présentation de ses plans territoriaux pour les trois grandes régions de charbon du pays (Stara Zagora, Kioustendil et Pernik) et par conséquence l’absence de stratégie d’avenir a causé le malaise dans les rangs des mineurs « qui s’inquiètent à juste titre de leur avenir. Il y avait ce fier passé, mais un futur complètement flou », estime Angelina Boneva. En automne dernier, en pleine mobilisation des mineurs, elle était vice-ministre du Développement régional et y est pourtant parvenue. En décembre 2023, la Commission européenne a donné son feu vert aux plans territoriaux pour une transition juste : la Bulgarie obtient 1,2 milliard d'euros pour financer la transformation des trois régions charbonnières bulgares. Cent millions ont déjà été décaissés en ce début de 2024.
Les premiers fonds de l’UE utilisés dans la reconversion professionnelle des mineurs« Les premiers investissements ont été effectués dans l'efficacité énergétique et, surtout, dans des formations pour des reconversions professionnelles qui ont lieu au sein de leurs entreprises actuelles », rapporte Angelina Boneva. « Pour que ces travailleurs restent sur le marché de l'emploi, idéalement dans le secteur de l'énergie, mais sur des postes plus verts qu'auparavant ».
Pernik, cité historique du charbon, pionnière de la transitionDans l'ancienne cité industrielle de Pernik aussi, on attend beaucoup des fonds européens. Même si la dernière mine ici a fermé il y a quelques années déjà. « Les investissements européens à Pernik sont de grande envergure », souligne Stefan Krastev maire-adjoint de la ville. « Par exemple dans les véhicules électriques dans nos transports publics. Ou encore dans les rénovations énergétiques : près de 20 mille foyers et la plupart de nos bâtiments publics dépendent du chauffage de ville qui fonctionne encore au charbon. C’est un vrai défi. Sans les fonds européens, la transition à Pernik ne serait pas possible. Mais nous pensons qu'elle est possible ! Parce que nous sommes ouverts au changement ! Et parce que nous voulons faire de Pernik un modèle de transition pour la Bulgarie ».
Les mineurs « ont peur de faire confiance »Dans les deux autres régions charbonnières bulgares, à Stara Zagora et Kioustendil, mineurs et autorités ont encore plus de mal à se projeter vers l’avenir. « Il faut pouvoir imaginer la transition, être ouvert. Et ce n’est pas facile », constate Desislava Stoyanova, fille et sœur de mineurs de Stara Zagora. « Les travailleurs du charbon ont peur de faire confiance, aux décideurs politiques, à la Commission européenne, aux associations. Ils se méfient de ce terme « transition écologique » et ne savent pas ce que cela implique ». Desislava Stoyanova organise pour l’ONG Za Zemiata (Les Amis de la Terre, Bulgarie) des réunions publiques pour expliquer aux mineurs les perspectives d’emploi qui s’offrent à eux dans un avenir sans charbon. « Le souci, c'est que les salaires dans le secteur du charbon sont bien plus importants de ce que proposent les nouveaux employeurs potentiels. Pour gagner leur adhésion et leur confiance, nous devons surtout leur demander ce qu’eux ont envie de faire, et de ne pas leur imposer des emplois qui ne correspondent pas à leurs intérêts ».
Entre temps, Georgi Stefanov n’est toujours pas rassuré. Celui qui a travaillé pendant de longues années au WWF, et désormais candidat sur la liste du parti Mouvement vert aux élections parlementaires bulgares, pour tenter de changer les choses de l’intérieur : « Il faut que le futur gouvernement bulgare annonce enfin une date claire pour la sortie du charbon en Bulgarie. Pour l’instant, une telle date n’est inscrite sur aucun document officiel ».
L’industrie charbonnière bulgare : bientôt un objet de musée ?Dans la gallérie souterraine du musée de la mine à Pernik, Valentin, l’ancien mineur reconverti en guide, attrape une pièce d'exposition : une vielle lampe de mineur. « Vous savez pourquoi j'allume régulièrement cette lampe ? Il y a cinq ans, quand j'ai intégré l'équipe du musée, je l'ai faite tomber. Je me penche pour la ramasser et qu'est-ce que je vois ? Cette gravure sur son dos : 243 WV. C'était la mienne ! Celle avec laquelle j'avais travaillé pendant 22 années passées sous terre. Et on se retrouve là, elle et moi, au musée ! », s’exclame-t-il en nous montrant le dos de la lampe. « J'ai pleuré en la retrouvant. Et c'est là que j'ai décidé que je l'allumerais à chaque visite. Pour nous, les mines, c'est du passé maintenant. Mais quiconque est resté autant d'années sous terre regarde ce passé avec nostalgie ».
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