Depuis ce mardi, Meta peut utiliser les contenus publics des utilisateurs européens pour nourrir ses modèles d’intelligence artificielle. Derrière cette mise à jour de sa politique de confidentialité, un enjeu stratégique majeur : rattraper son retard sur ChatGPT et consorts, dans un marché évalué à plus de 200 milliards de dollars, d’ici cinq ans.
Si vous avez récemment posté une photo de vacances, un commentaire sur l’Eurovision ou une énième story de brunch sur Instagram, félicitations : vous êtes peut-être déjà en train de participer, bien malgré vous, au développement de l’intelligence artificielle de Meta!
Depuis ce mardi 27 mai, le groupe californien, maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, utilise désormais les contenus publics de ses utilisateurs européens pour entraîner ses modèles d’intelligence artificielle, notamment Meta AI, son nouvel assistant conversationnel lancé en parallèle dans l’Union européenne.
Une IA entraînée sur les Européens, pour les Européens
Meta l’assume : l’objectif est de permettre à son intelligence artificielle de mieux comprendre les langues, références culturelles et historiques des Européens. Vos likes, vos commentaires, vos publications visibles publiquement deviennent ainsi des données d’entraînement.
En revanche, les conversations privées, notamment sur WhatsApp et Messenger, restent, selon le groupe, protégées par des règles de confidentialité spécifiques.
Une opposition possible… mais pas rétroactive
Les utilisateurs avaient jusqu’à ce lundi soir pour remplir un formulaire d’opposition. Une démarche peu visible, mais qui permettait d’empêcher que ses données ne soient intégrées dans les jeux d’apprentissage de l’IA.
Pour ceux qui n’ont rien fait, leurs données ont déjà commencé à être exploitées. Il est encore possible de s’opposer à l’avenir via le même formulaire. Mais cela n’annulera pas l’utilisation passée : vos premières publications auront déjà nourri Meta AI.
Un enjeu économique colossal
Derrière cette décision, un choix stratégique : se servir de ses propres plateformes pour construire une IA compétitive, à moindres frais. Meta, avec ses trois milliards d’utilisateurs dans le monde – dont plus de 260 millions actifs mensuellement rien que pour Instagram en Europe – dispose d’un vivier colossal.
À l’heure où le marché mondial de l’IA générative est évalué à plus de 80 milliards de dollars et pourrait dépasser les 200 milliards d’ici 2030 (source : Statista), ne pas exploiter ces données serait, pour Meta, comme garder une mine d’or sous ses pieds sans jamais l’extraire.
Des garde-fous européens sous pression
C’est justement le cadre européen du RGPD (Règlement général sur la protection des données) qui a retardé d’un an le lancement de Meta AI dans l’UE. Le groupe a dû adapter sa communication, mettre en place un droit d’opposition, et renforcer ses garanties de transparence.
Plusieurs associations de défense des données personnelles ont d’ores et déjà saisi les autorités compétentes, dont la CNIL en France et l’autorité irlandaise de régulation. Elles s’interrogent sur la légalité et la clarté du consentement proposé.
Des données, pas des dividendes
Au final, vous êtes peut-être devenu actionnaire malgré vous de l’intelligence artificielle de Meta.
Et si cela ne vous rapportera pas un centime, dites-vous que vos photos de raclette de 2016 participent peut-être à la prochaine révolution technologique.