En Côte d’Ivoire, près de 34 000 naissances prématurées sont enregistrées chaque année. En complément de la prise en charge en couveuse dans les hôpitaux, l’Unicef et le Fonds Muskoka ont développé depuis six ans, avec le gouvernement ivoirien, le programme Centres de Soins Mère Kangourou (SMK). Une méthode de contact peau à peau entre la mère et son bébé prématuré, pour réduire la mortalité néonatale, qui donne déjà de très bons résultats.
Avec notre correspondante à Abidjan, Marine Jeannin
Malgré les pleurs des bébés et les discussions à voix basse des jeunes mères, l'atmosphère est feutrée dans le service « Mère Kangourou » du CHU de Treichville, une commune d'Abidjan en Côte d'Ivoire. Seize femmes et leurs bébés sont actuellement logées, encadrées et soignées dans cette unité d’une vingtaine de places. Parmi elles, Fatim Wandao, 23 ans, porte entre les seins un bébé d’un mois, son premier enfant. L’hôpital a dû déclencher son accouchement avant terme, raconte-t-elle, à cause d’une complication survenue à six mois de grossesse.
« Ils l’ont envoyé en couveuse, parce que le bébé était trop petit, se souvient-elle, encore émue. Je tremblais. Je me suis dit “Est-ce que mon bébé va s'en sortir ? Est-ce que je vais m’en sortir ?” Quand je le voyais dans la couveuse, je ne me sentais pas bien, parce qu’elle était trop petite. Mais quand le bébé est revenu, je me suis sentie très heureuse. La première fois que j’ai pris mon bébé dans les bras, je me suis sentie fière d’être maman. Quand on est venues ici, au fur et à mesure, j’ai commencé à prendre soin d’elle, et les mamans qui sont ici avec moi m’ont aidée. »
La méthode est simple, explique l’infirmière Nicole Howo. Garder en permanence les bébés au contact de leur mère, grâce à un foulard étroitement noué, comme pour prolonger la grossesse hors du ventre maternel. « On porte les bébés peau à peau, à la poitrine des mamans, et c’est cette chaleur-là qui permet à l’enfant de se développer. Ça marche, on a des bébés qui viennent à 600 grammes, et on les voit aujourd’hui, ils sont normaux, comme les autres bébés. »
Le porter « kangourou » aide l’enfant à se développer, mais aussi la mère à garder un bon état psychologique, car les risques de dépression post-partum sont accentués après un accouchement prématuré. De peur de perdre leur bébé peu après la naissance, beaucoup de parturientes refusent même de leur donner un nom. « Ça permet à la maman de regagner en confiance, parce que quand on [donne naissance à un enfant] prématuré, on se culpabilise, on est traumatisée. Donc la mère elle-même voit l’enfant grandir progressivement. Chaque jour, on fait les pesées. Cinq grammes aujourd’hui, 10 grammes aujourd’hui, 20 grammes demain. Elles sentent l’enfant grandir. Quand on atteint le kilogramme, on célèbre ! », se réjouit le Dr Chantière Somé-Meazieu, qui dirige l’unité Mère-Kangourou.
Quinze centres de soin Mère-Kangourou sont déjà fonctionnels, avec l’objectif de doubler ce nombre d'ici à 2030. Le gouvernement aimerait appliquer ce programme à l’échelle nationale, encouragé par les bons résultats que souligne Mariana Stirbu, représentante par intérim de l’Unicef dans le pays. « Dans ce centre, pour l’année dernière, on a eu un taux de survie de 99 %. C’est un pourcentage très important. Beaucoup de ces enfants auraient pu décéder, c’est une question de vie ou de mort », détaille-t-elle. La prématurité reste l'une des principales causes de mortalité infantile en Côte d’Ivoire, puisqu’elle représente près de 30 % des décès néonatals.
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