Les musiques traditionnelles du monde entier sont chaque année au cœur de la programmation du festival Babel Music XP, qui s'est tenu fin mars à Marseille. Une volonté de refléter la diversité et la vitalité de ces musiques traditionnelles et surtout d'empêcher qu'elles ne soient l'enjeu d'une récupération politique par les conservateurs, voire les réactionnaires.
Chants ancestraux syriens, rites populaires galiciens, violons limousins ou encore harpes coréennes : à Babel Music XP, la tradition tient le haut de l'affiche. Mais cette tradition est vivante, évolutive et connectée à son époque. Pour Olivier Rey, le directeur du festival, les musiques traditionnelles ne doivent pas être figées dans un passé mythifié :
« On se rend compte qu'il y a des jeunes générations qui s'emparent des musiques traditionnelles et qui ont une expression extrêmement contemporaine. Et cette démarche-là est extrêmement importante, car elle permet à la fois de travailler la dimension traditionnelle et patrimoniale de la musique, et de ne pas la laisser en friche pour des pouvoirs politiques qui auraient juste des idées. Les conservateurs ont vite fait de procéder à la récupération des traditions et d'un fantasme d'une tradition épurée, "c'était mieux avant'' etc. »
Explorer l'avant-gardisme à l'aide du passé, c'est l'enjeu que se sont fixées deux Coréennes, Ha Suyean et Hwang Hye Young, virtuoses d'instruments à cordes dont l'origine remonte à plus de dix siècles. Ha Suyean explique : « En fait, pour moi, notre musique est avant tout de la musique traditionnelle modernisée. Nous faisons de la musique coréenne contemporaine, mais parfois, nous y ajoutons des éléments de musique traditionnelle. À d'autres moments, nous mettons dans nos morceaux juste nos sentiments et nos émotions. »
Cette liberté de manœuvrer le temps, on la retrouve chez les Albanais de Shkodra Elektronike qui propulsent la musique shkodra de leur ville natale dans l'ère des logiciels. Un électro-folk transgressif et jouissif à la fois. Kolë Laca, le compositeur du groupe, confie : « La musique traditionnelle chez nous est toujours très vivante. Ce n'est pas une musique que personne n'ose toucher ou qu'il ne faudrait pas faire bouger. Non, en fait, on la bouge tous les jours, cette musique ! Peu importe la façon dont les groupes jouent les standards. Chacun peut s'en emparer et les interpréter à sa sauce. »
À l'ère du repli sur soi et du conservatisme, Babel Music XP démontre que la fraîcheur et l'ouverture d'esprit habitent plus que jamais les musiques dites traditionnelles.
À écouter aussiDu Brésil à l'Afrique du Sud, de Bia Ferreira à Yugen Blakrok depuis le Babel Music Xp