« C’est une bombe à mèche lente, relève Le Monde, allumée par Jean-Marie Le Pen en 2004, qui a explosé hier lundi au tribunal de grande instance de Paris, carbonisant les ambitions politiques de sa fille Marine Le Pen et faisant ressentir ses secousses dans toute la classe politique. Pour avoir prolongé et systématisé le détournement de l’argent du contribuable européen, aux fins de faire vivre un Front national sans marge financière et d’en faire bénéficier quelques proches, Marine Le Pen a provoqué sa perte. »
Une décision fondée en droit
Alors oui, s’exclame La Croix, cette condamnation « a l’effet d’un séisme pour le Rassemblement national et l’ensemble de la vie politique française. » Mais, poursuit le quotidien catholique, la décision rendue par les juges ne constitue pas un acte politique, même si elle a incontestablement des conséquences dans ce domaine. Il s’agit d’une décision fondée en droit, s’appuyant sur des textes votés il y a plusieurs années par la représentation nationale, qui n’avait sans doute pas imaginé à l’époque un tel scénario. »
Alors oui, « un coup de tonnerre », lance Libération. « Marine Le Pen ne sera peut-être pas candidate en 2027. (…) Est-ce pour autant un scandale politique, comme le chœur de ses soutiens le laisse entendre ? Non. D’aucuns argumentent que la justice se serait substituée aux urnes. Mais hier les juges n’ont pas condamné l’extrême droite, et ce courant de pensée ne sera en rien empêché d’être représenté en 2027. » Les juges qui « étaient trois à statuer, rappelle Libération, et qui n’ont fait qu’appliquer la loi, respecter le droit. »
La France fracturée en deux camps
Autre analyse pour Le Figaro, qui estime que la France est « désormais fracturée en deux camps radicalisés : côté gauche, ceux qui, au nom de la séparation des pouvoirs, voudraient que la justice impose au clair-obscur politique la transparence de la vertu. Pour empêcher l’illibéralisme, tous les moyens sont bons, même les réductions de liberté. C’est le parti de la balance. Côté droit, poursuit Le Figaro, les tenants de la souveraineté populaire, qui considèrent qu’une caste s’est emparée du trésor démocratique et qu’elle dépossède les électeurs de leur premier pouvoir : le vote. Pour reprendre le contrôle, ils sont prêts à tout bazarder, même la séparation des pouvoirs. C’est le parti de l’urne. »
Et attention, prévient le quotidien de droite : « les millions de Français qui se vivent comme des citoyens de second rang brandissent déjà cette décision comme preuve supplémentaire de leur humiliation. La vexation élitaire, qu’elle soit médiatique, culturelle ou judiciaire, est l’engrais le plus efficace pour faire pousser l’insurrection civique. »
Sur les traces de Trump ?
Les réactions ne manquent pas non plus dans la presse internationale…
Pour le Times à Londres, « exclure Marine Le Pen de l’élection présidentielle ne fera qu’attiser les tensions. »
Non, rétorque le Guardian, « la justice française a choisi le courage plutôt que la reddition. La loi était claire, et le tribunal l’était aussi dans sa condamnation : pas de traitement de faveur pour Marine Le Pen. »
C’est une « une démonstration de la force de l’État de droit », renchérit Le Soir à Bruxelles.
Attention danger de trumpisation… pointe pour sa part Le Temps à Genève : les débats qui ont précédé et suivi ce procès illustrent « la méfiance vis-à-vis de la justice et l’instrumentalisation de cette méfiance par des élus souvent grands avocats de la fermeté par ailleurs. (…) L’exemple le plus criant de ce travers est évidemment Donald Trump, relève le quotidien suisse, qui, depuis de nombreuses années, ne cesse de saper l’autorité de la justice américaine. Et désormais au pouvoir, il va jusqu’à se venger en faisant payer les magistrats. »
En effet, « il n’y a plus de lignes rouges », déplore le Washington Post. « Dans la lignée de Trump, Mme Le Pen et ses partisans dénoncent une instrumentalisation de la justice, une chasse aux sorcières. » Tout comme Trump, « elle est désormais une criminelle condamnée dont le pouvoir politique ne doit pas être sous-estimé. »