Jusqu’à la fin septembre, Aix-en-Provence rend hommage à Paul Cézanne. Le peintre, figure majeure de la modernité, a révolutionné l’art en puisant son inspiration dans sa ville natale. Une exposition internationale est présentée au musée Granet. Un parcours permet aussi de découvrir les lieux emblématiques de Cézanne, de la propriété du Jas de Bouffan à son dernier atelier des Lauves.
Paul Cézanne fait partie de ces artistes dont l'œuvre a été façonnée par un lieu. À Aix-en-Provence, l’ingénieur du patrimoine David Kirchthaler présente le grand salon de la bastide du Jas de Bouffan, où le visiteur peut découvrir différentes époques du domaine et les dernières recherches sur le peintre. « Le grand salon, ce sera son premier atelier où il fait ses premières productions. Il a 20 ans, c’est un jeune homme. Son père veut qu’il fasse du droit. Ce grand salon est une sorte de démonstration à son père pour lui montrer qu’il veut être artiste-peintre », explique David Kirchthaler.
Dans ce grand salon, les panneaux décoratifs peints par Cézanne dans sa jeunesse ont été déposés et vendus depuis longtemps, mais les murs portent encore la trace de son passage. Aujourd’hui, la propriété du Jas de Bouffan, désormais réduite, appartient à la ville. La vue sur la Sainte-Victoire, montagne emblématique peinte par Cézanne sous toutes les lumières, est aujourd’hui masquée par les constructions. Mais c’est bien ici, dans ce paradis provençal, que le peintre installera son chevalet pendant quarante ans.
Le musée Granet a réuni 135 œuvres de ce précurseur longtemps incompris. Bruno Ely, son directeur, rappelle que Cézanne était un « insatisfait permanent, à la fois très orgueilleux et en même temps plein de doutes ». Il cherchait à faire une peinture classique, mais laissait aussi s’exprimer des tendances baroques dans un même tableau. Cézanne jouait avec le non-fini, laissant parfois la préparation blanche de la toile visible. « Il fait la démonstration éblouissante qu’une œuvre peut être inachevée, mais aboutie », souligne Bruno Ely.
Le musée Granet célèbre la maturité et le mystère de Cézanne Cézanne demandait à la couleur de construire l’œuvre. Il peignait lentement, avec persévérance, et revenait sans cesse sur ses motifs. Pour Bruno Ely, « ce n’est pas un génie qui improvise, c’est quelqu’un qui médite. D’ailleurs, il disait que peindre, c’était méditer le pinceau à la main ».
L’exposition présente les grandes toiles de la maturité : La Ferme, Le Grand Bassin, L’Allée des marronniers, ainsi qu’une somptueuse salle de natures mortes. On y découvre aussi le « petit peuple » du Jas de Bouffan, notamment Les Joueurs de cartes ou La Femme à la cafetière, chef-d’œuvre du musée d’Orsay. Denis Coutagne, président de la Société Paul Cézanne, confie : « L’œuvre de Cézanne reste insondable ». Il rappelle cette lettre où Cézanne écrit à son fils, inquiet des faussaires qui tentent de le copier : « Laisse faire, je suis impénétrable ».
En guise de final, le musée Granet présente une belle série d’autoportraits et Les Grandes Baigneuses, un thème décliné en près de 200 versions, souvent inachevées, peut-être impossibles à terminer pour Cézanne lui-même. Viscéralement attaché à sa Provence natale, il écrivait depuis la Suisse, sa destination la plus lointaine : « Quand on est né là-bas, c’est foutu, rien ne vous dit plus ».
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