Diffusée jeudi 18 janvier, l'émission Complément d'enquête sur France 2 consacrée à Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, a provoqué la fureur du parti qui parle de « manipulation grossière ».
Vous vous souvenez peut-être de l'affaire Mehdi Meklat, ce jeune chroniqueur de France Inter, ancien du Bondy Blog, qui avait fait scandale en 2017 après une série de tweets ouvertement racistes, antisémites ou homophobes qu'il avait publiés sous le pseudonyme de Marcelin Deschamps. Il avait accusé la fachosphère d'être à l'origine de sa disgrâce.
Selon Complément d'enquête, au même moment, entre 2015 et 2017, Jordan Bardella publiait lui aussi sur Twitter, sous le pseudo RepNat du Gaito, des messages racistes, homophobes ou insultants des journalistes. Sur ce compte, une photo de la piscine de Créteil est assortie du commentaire « la mer Noire » et l'antisémite Alain Soral qualifié de « grand sociologue » et paraphrasé en ces termes « un journaliste est soit un chômeur, soit une pute ».
Plus grave encore, en plein procès aujourd'hui sur les violences policières contre Théo Luhaka, un dessin représentait la victime une semaine après le drame, avec une matraque enfoncée dans l'anus et le slogan détourné « Je suis Théo ».
Des révélations que nie Jordan Bardella
Jordan Bardella nie être l'auteur de ces tweets. Il affirme qu'il n'a qu'un compte Twitter. Il a d'ailleurs mis en demeure France Télévisions et annoncé des poursuites. Seulement, Tristan Waleckx, le présentateur de l'émission que nous avons joint vendredi 19 janvier, est formel : « On est sûr de nous à 100% », dit-il. « On a des témoignages, mais aussi des éléments matériels ». Le reportage de Pierre-Stéphane Fort mentionne trois sources anonymes. Libération en invoque deux autres qui confirment la version du journaliste.
Un détail est assez révélateur : ce compte sous pseudo de RepNat du Gaito, selon Libération, n'avait que 54 abonnés, dont Marine Le Pen qui s'est discrètement désinscrite en milieu de semaine quand l'émission a publié ses premières images sur les réseaux sociaux.
Une image écornée de la normalisation du RN ?
Cela peut-il nuire à l'image de celui qui sera aussi le candidat du RN aux élections européennes ? Ce qui est sûr, c'est que ça rompt avec sa stratégie de normalisation, d'autant que le reportage explique bien que ce jeune homme lisse et sans aspérité a été choisi par Florian Philippot, l'ancien vice-président du parti et façonné par l'ex-journaliste Pascal Humeau pour apporter un récit d'homme sans casserole originaire de Saint-Denis.
Or, on le découvre proche de Jean-Marie Le Pen qu'il ne jugeait pas antisémite sur un plateau TV et assistant parlementaire européen, tout en étant dans l'organigramme du RN, ce qui le rend plus proche de l'affaire. Des soupçons d'emplois fictifs sur fonds européens qui valent à Marine Le Pen une mise en examen.
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