Aux États-Unis, la campagne électorale s’accélère à moins de deux mois du vote. Au coude à coude dans plusieurs états-clés, Donald Trump et Kamala Harris multiplient les meetings. Les deux candidats le savent, l’élection se joue sur le terrain, mais aussi en ligne, sur les réseaux sociaux. Au cœur de cette bataille d’opinion, les contenus fabriqués par l’intelligence artificielle générative se multiplient. Un phénomène qui brouille encore davantage la frontière entre le vrai et le faux.
Si vous passez du temps sur les réseaux sociaux, vous avez surement déjà dû voir passer l’une de ces images générées par l’intelligence artificielle. On peut par exemple y voir Donald Trump derrière les barreaux ou Kamala Harris serrant la main de Joseph Staline. On retrouve aussi des vidéos fabriquées via l’IA montrant les deux candidats s’embrasser, ou Donald Trump cambrioler une supérette.
La plupart de ces contenus sont facilement identifiables, pour d’autres, c'est parfois plus difficile. Quoi qu’il en soit, ces productions sont devenues de véritables outils de propagande politique. Un temps partagées presque exclusivement par des internautes lambdas, ces fausses informations sont aujourd’hui également diffusées par des candidats et des personnalités de premier plan. Le dernier exemple en date n’est autre qu’Elon Musk.
Kamala Harris cible prioritaire
Le patron du réseau social X, a publié ce lundi 2 septembre 2024, une image de Kamala Harris portant un uniforme soviétique, faucille et marteau, sur le front. « Kamala promet d’être une dictatrice communiste dès le premier jour. Pouvez-vous croire qu’elle porte cette tenue !? », commente le milliardaire, sans préciser qu’il a utilisé l’intelligence artificielle. C’est un moyen pour lui de faire passer Kamala Harris pour une dangereuse communiste, tout en faisant la promotion indirecte de l’IA générative intégrée à son réseau social et baptisée Grok.
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Ce narratif mensonger d'une candidate communiste a déjà été véhiculé par Donald Trump. Juste avant l’ouverture de la convention démocrate, le candidat républicain avait partagé une image synthétique montrant Kamala Harris tenir un discours sur fond de drapeau communiste. Ces deux infox ont été vues plus de 163 millions de fois, rien que sur X.
Climat de défiance
L’omniprésence de ces images et de ces vidéos manipulées conduit à une méfiance généralisée. Tout le monde doute de tout, mettant au même niveau le vrai et le faux. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder les commentaires sous chacune des publications des candidats. Quotidiennement, certains dénoncent l’utilisation de l’intelligence artificielle, parfois à raison, mais aussi souvent à tort.
Cette défiance a récemment été exploitée par Donald Trump. En effet, l’ex-président a accusé Kamala Harris d’avoir utilisé l'intelligence artificielle pour fabriquer une photo de foule lors de son meeting dans le Michigan. Nous avons vérifié et la photo est bel et bien authentique. Malgré ça, son mensonge circule encore et réapparaît désormais à chaque meeting de la candidate démocrate.
« C’est une forme de révisionnisme visuel », analyse le journaliste indépendant et expert de l'IA générative et des manipulations de l'information, Gérald Holubowicz . « Il tente de modifier la perception de la réalité en invoquant le doute, la suspicion et la méfiance, usant des mêmes armes rhétoriques de réalité alternative que sa porte-parole Kellyanne Conway en 2017, au lendemain de son inauguration à Washington. Ce qui est inquiétant, ce n’est pas tant l’exercice, la tentative de corruption des esprits et du récit de campagne, mais bien sur le long terme, la destruction petits bouts par petits bouts d’une réalité commune sur laquelle nous pouvons nous accorder », note-t-il dans sa newsletter Synth.
Quelles conséquences sur le vote ?
Si la multiplication des contenus générés par l’intelligence artificielle altère le débat public, il ne faut pas pour autant surestimer son impact sur les résultats de l'élection, assurent les experts. Ces contenus sont d’abord noyés dans un immense flot d’informations. À cela s’ajoute la difficulté de cibler un public précis sur réseaux sociaux. Cela rend donc les tentatives de manipulation de masse compliquées.
Le comportement électoral est en réalité un phénomène très complexe, dépendant de nombreux facteurs, rappelle un rapport de la MIT Technology Review. Raison pour laquelle, le détournement de l’IA générative ne doit pas faire perdre de vue les autres menaces qui pèsent sur les démocraties.