Les images de la famine à Gaza ont suscité des réactions d’indignations depuis la semaine dernière. Le Programme alimentaire mondial (Pam), évoque un risque de famine généralisé. Sur les réseaux sociaux, la diffusion de photos d'enfants malnutris a donné lieu à une virulente contre-attaque des comptes de la sphère nationaliste israélienne. Dans leur viseur : les journalistes qui ont témoigné de la situation humanitaire dans le territoire palestinien.
L’infox qui a retenu notre attention, a l’apparence d’un fact-checking (un exercice de vérifications de faits). Dès la publication du journal Libération daté du 24 juillet, la photo à la une du quotidien a été visée. On y voit un enfant de dos. Il n’a plus que la peau sur les os. Le journal titre « Gaza, la Faim ». Aussitôt, de nombreux comptes ont accusé, à tort, ce quotidien de gauche, d’avoir sorti cette image de son contexte.
Un ancien président départemental du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), en Provence, martèle dans un post rageur que « cette photo est celle d’un enfant yéménite, prise dans un hôpital d’Al Hodeïda en 2016 ». Il parle de : « mensonge et de manipulation ». Après vérifications, il apparait que la photo a bien été prise à Gaza, mais sur X, le post mensonger de ce militant a été vu plus de 800 000 fois et n’a été ni modéré, ni modifié, au moment où nous mettons en ligne cet article.
À lire aussiÀ la Une: à Gaza, la famine se poursuit et s’affiche sur les écrans du monde entier
Une photo facilement identifiable
Pour savoir précisément d’où provient cette photo, nous sommes remontés à la source. La rédaction de Libération mentionne le nom du photographe auteur du cliché : il s’agit du photo-reporter Omar El-Qattaa, qui travaille pour l’AFP, il est d’ailleurs l’un des derniers journalistes à encore pouvoir faire son travail dans l’enclave palestinienne.
La rédaction de Libération explique que l’enfant sur la photo s’appelle Yazan, qu’il est âgé de deux ans et qu’il a été photographié le 23 juillet dans le camp de réfugiés d'Al-Shati, à Gaza. On retrouve d’ailleurs ce cliché sur le site internet de l’Agence France-Presse, avec le reportage complet d’Omar El Qattaa, sur la famine à Gaza. Des images également mises en lignes sur les comptes personnels du photographe sur Facebook, Instagram et X.
Une nouvelle fois, Grok se trompe
Rappelons-le ici, l’intelligence artificielle d’Elon Musk n’est pas infaillible et surtout ce n’est pas un outil de fact-checking. Ainsi, après la diffusion des contenus dénigrants le travail de journaliste de Libération, Grok a assuré que « la photo était prise au Yemen et était le fruit d’une manipulation pour illustrer Gaza ».
Mais un peu plus tard, Grok a changé d’avis, pour donner cette fois-ci une réponse correcte, comme le souligne Libération dans son fact-checking. La meilleure manière de vérifier la photo aurait été de faire une recherche par image inversée. (voir ici comment faire). Aujourd’hui, cette image renvoie sur des dizaines de comptes évoquant la famine Gaza, et le 23 juillet au moment de sa publication, son analyse aurait au moins permis de dater de cliché, et de déduire qu’il n’avait rien à voir avec le Yémen en 2016.
Une autre image fait polémique
Toujours à Gaza, une autre photo d’enfant squelettique a été pointé par les comptes pro-israéliens. Cette image a fait la une du New York Times et a donné lieu à une levée de boucliers de la part de comptes ouvertement favorables à la politique jusqu'au-boutiste du Premier ministre Benyamin Nétanyahou, ainsi que sur des comptes officiels comme celui de l’ambassade d’Israël en France.
Dans son reportage, le journaliste précise que l’enfant sur la photo est né durant la guerre à Gaza, et souffre depuis toujours d’une malformation. D’après des témoignages, faute de soins et d’une alimentation adaptée, son état de santé n’a fait qu’empirer. Pour mes comptes pro-israéliens, cette image a été volontairement sortie de son contexte, afin de mieux accuser les autorités israéliennes et disculper le mouvement islamiste armé « Hamas » mis en cause dans le détournement de l’aide alimentaire.
La documentation de la famine à Gaza suscite depuis quelques jours une véritable bataille d’images, sur fond de propagande, mais aussi de manque d'information sur ce qui se passe à Gaza. Toutefois, la position gouvernementale israélienne a évolué ces derniers jours avec l’autorisation de la reprise des largages d'aide humanitaire, et une pause des combats dans certains secteurs.
Gazawood en ordre de bataille
Cela étant, les comptes les plus radicaux, ont mené ces derniers jours une large compagne destinée à minimiser les souffrances des palestiniens. On retrouve notamment les comptes de la galaxie Gazawood dont on vous a déjà parlé dans cette chronique.
Le narratif de ces comptes est toujours le même. Ils prétendent à tort qu'« il n’y a pas de famine à Gaza » et des vidéos humiliantes détournant des images de palestiniens et des palestiniennes en surpoids, parfois en train de manger des gâteaux, ou de préparer des plats de la cuisine orientale. Il ne s’agit pas de comptes parodiques, encore moins de plateformes de fact-checking, mais bien d’outils de désinformation de masse, aux mains de la mouvance d’extrême droite israélienne. Une situation dénoncée par certains fact-checkers israéliens.